Loi développement : un peu de transparence fiscale mais barrage du gouvernement sur la RSE

Publié le 27.05.2014

Paris, le 27 mai 2014 – Après un examen décevant de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale en Commission affaires étrangères, le texte adopté en plénière au Sénat réintroduit quelques dispositions cruciales en matière de prévention de l’évasion fiscale des entreprises qui bénéficient de soutiens de l’Agence française de développement (AFD). A contrario, le gouvernement et les co-rapporteurs PS et UMP ont fait obstacle à toutes les propositions d’amendements visant à renforcer le respect des droits humains et les règles sociales et environnementales applicables aux entreprises.


Sur le volet fiscal, les sénateurs avaient commencé par détricoter le texte issu de l’Assemblée Nationale, revenant sur la nécessaire promotion par l’AFD de la transparence financière pays par pays des entreprises qui participent aux opérations qu’elle soutient. Cette règle permet pourtant d’encourager la responsabilité fiscale des entreprises et de prévenir toute tentation de délocalisation artificielle des profits hors des pays en développement concernés. Suite à la mobilisation citoyenne et l’interpellation des sénateurs par les bénévoles du CCFD-Terre Solidaire, l’examen du texte en plénière a permis de réintroduire cette disposition.

« Nous veillerons à ce que cette mesure soit rapidement mise en œuvre. L’AFD et en particulier sa branche dédiée au secteur privé PROPARCO ont en effet déclenché ces dernières années des autorisations de financements pour des entreprises de trading de matières premières agricoles, basées dans des paradis fiscaux comme Singapour ou l’île Maurice, difficiles à tracer aujourd’hui. Sans ces informations, comment s’assurer que ces acteurs contribuent à la sécurité alimentaire et au développement des pays du Sud dans lesquels ils opèrent ? », indique Jeanne-Maureen Jorand, chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire au CCFD-Terre Solidaire.

Autre sujet brûlant, l’encadrement des activités des entreprises multinationales dans les pays du Sud et la responsabilité des sociétés mères vis-à-vis des activités de leurs filiales et de leurs sous-traitants. Pour faire barrage aux propositions visant à renforcer le devoir de vigilance des entreprises en matière de droits humains et à améliorer l’accès à la justice pour les victimes, la nouvelle secrétaire d’Etat au développement s’est dérobée invoquant la « Plateforme nationale d’actions globales pour la Responsabilité Sociétale des Entreprises». Impossible, selon elle, d’aller plus loin sans l’aval de ce groupe multi-acteurs (incluant les pouvoirs publics, le secteur privé, des organisations de la société civile, des chercheurs…) qui travaille depuis près de 12 mois sous l’égide du Premier ministre. « Nous avons le sentiment que le gouvernement joue la montre. C’était déjà l’argument utilisé par le gouvernement lors de l’examen à l’Assemblée nationale, le 10 février dernier. Or, le temps passe et les représentants du secteur privé dans la plateforme prétendent que cette dernière n’a pas vocation à se prononcer sur les propositions des parlementaires. Le gouvernement doit maintenant prendre ses responsabilités et se positionner clairement » s’inquiète Mathilde Dupré, chargée de plaidoyer responsabilité sociale des entreprises au CCFD-Terre Solidaire.

Dernière source d’incompréhension pour le CCFD-Terre Solidaire : les sénateurs ont adopté un amendement pour exiger que les bénéficiaires des fonds d’investissements auxquels l’AFD apporte son concours soient connus. Mais le gouvernement s’y est fermement opposé, déposant une contre-proposition pour le supprimer. Le motif ? Il serait impossible de publier une information aussi simple que la liste exhaustive des entreprises qui bénéficient de soutiens (même indirects) de l’opérateur public de la politique de développement de la France. « Comment le groupe AFD peut-il investir dans des fonds dont il ignore le portefeuille ? Pour le CCFD-Terre Solidaire ce sont des informations cruciales pour s’assurer que ces investissements bénéficient effectivement aux populations des pays du Sud et dont les parlementaires français devraient avoir connaissance », rappelle Mathilde Dupré.

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