Mgr Alvaro Ramazzini

Mgr Alvaro Ramazzini

Mgr Alvaro Ramazzini, Guatemala

Publié le 09.10.2007| Mis à jour le 08.12.2021

Menacé de mort pour son travail aux côtés des communautés indigènes, Monseigneur Alvaro Ramazzini, évêque de San Marcos, au Guatemala, lutte contre l’implantation sauvage des compagnies minières internationales dans son pays.


Mgr Alvaro Ramazzini
Mgr Alvaro Ramazzini
Les compagnies minières, en particulier à San Marcos, prétendent exploiter le sous-sol guatémaltèque après concertation avec le peuple et en respectant l’environnement. Qu’en est-il exactement ?
La situation actuelle de la mine à ciel ouvert d’argent et d’or à San Marcos est claire : la Compagnie Montana, filiale de la Goldcorp. Inc. (compagnie canadienne avec un capital nord-américain) possède les permis légaux pour exploiter la mine d’or et d’argent à ciel ouvert située à San Miguel Ixtahuacán, en utilisant du cyanure.

Or, à Sipacapa, le village voisin, la population a organisé une consultation populaire, non reconnue légalement par l’Etat Guatémaltèque, s’opposant à ce que la Compagnie minière entre sur son territoire. Cette n’a donc pas pu s’implanter avec l’assentiment de la population.

Quel est l’intérêt pour ces compagnies de venir s’implanter au Guatemala ?
En fait, la loi actuellement en vigueur dans le pays est très favorable aux compagnies multinationales et l’actuel gouvernement considère que ce type d’investissements va aider économiquement le pays. Ce n’est pas notre avis.

Il faut savoir en effet que la compagnie n’est pas obligée de payer des impôts durant les sept premières années de son activité (Montana prétend qu’elle les paiera malgré tout pour montrer sa bonne volonté) ; elle peut utiliser gratuitement toute l’eau dont elle a besoin (dans une région où les populations n’ont pas assez d’eau pour leurs besoins personnels), même si la compagnie affirme qu’elle recyclera l’eau ; elle ne va rétrocéder que 1% de ses bénéfices à l’Etat ce qui, en termes économiques, signifie que la l’entreprise et ses actionnaires vont engranger d’énormes profits, laissant seulement les miettes au pays.

Bref, c’est une mauvaise affaire pour le peuple guatémaltèque. Sans tenir compte évidemment des possibles dommages environnementaux qui pourraient surgir à terme, même si la compagnie assure qu’elle travaille avec une responsabilité sociale et que l’impact environnemental sera réduit au maximum. Mais en sommes-nous vraiment certains ? Que va-t-il se passer en terme d’environnement quand la compagnie va partir ? D’autant qu’aucun fonds n’a été constitué pour réparer les éventuels dommages créés par l’activité minière.

La population est-elle consciente des enjeux ?
Toute cette situation a créé de nombreux conflits sociaux, mais dans le même temps il a permis la création d’un front anti-minier qui s’est articulé au niveau national. Aujourd’hui, de nombreux villages ont ainsi publiquement déclaré qu’ils n’accepteraient pas d’activités d’extraction de métaux sur leurs territoires. Conséquence ? En ce moment, la compagnie achète des terres où se trouvent la mine et cela lui donne un pouvoir énorme dans un pays où le principe du droit à la propriété privée est absolu.

Dans votre diocèse, la situation est particulièrement difficile pour les communautés. Quelle est la réaction du pouvoir politique en place et de la communauté internationale ?

Nos efforts ont porté sur l’animation d’une résistance pacifique des populations en leur conseillant de ne pas vendre leurs terres, ni de croire aux promesses faites par les compagnies minières. Nous les informons également de l’existence de la convention n° 169, qui stipule que les communautés indigènes doivent être consultées avant toute exploitation des (sous)-sols. A ce propos, il faut savoir que les autorités du pays, qui ont pourtant ratifié cette convention, ne l’appliquent pas, car il n’existe pas de textes règlementaires en vigueur au Guatemala pour son application !

Nous avons travaillé également pour une réforme de la loi sur l’exploitation minière, mais jusqu’à maintenant, le Congrès de la République n’y a pas consacré une seule minute. C’est dire l’irresponsabilité des députés de ce pays.
Heureusement, d’un autre côté, la Communauté Internationale, c’est-à-dire les agences avec lesquelles nous sommes en contact et qui nous appuient, nous ont aidé de multiples manières et nous aident au quotidien dans nos luttes. La Conférence Episcopale a également apporté son soutien à travers un appui au diocèse et à moi-même.

D’autant que vous êtes menacé de mort…
Les menaces contre ma vie sont réelles et le gouvernement m’a offert une protection en me déléguant trois gardes du corps. J’ai accepté pour ne donner à ce dernier aucun prétexte, même si personnellement, ça va à l’encontre de mes principes. J’espère d’ailleurs en terminer avec cette garde rapprochée le mois prochain.

L’Eglise a créé une Commission « Paix et Ecologie ». Quel est son rôle, ses forces et ses limites ?
Nous avons organisé la Commission Pastorale de la Paix et de l’Ecologie pour suivre le thème de l’environnement, en organisant les moyens pour travailler sur différents axes : analyser les éventuelles pollutions de l’eau, informer les populations, appuyer les consultations populaires dans les villages et articuler notre travail avec celui d’autres forces sociales qui partagent nos principes.

Les limites de notre action sont toujours d’ordre économique et surtout, il manque un pouvoir politique. Même si nous tentons d’influer sur les décisions, nous n’avons en effet pas le pouvoir politique nécessaire pour changer les choses en faveur des pauvres.

Pensez-vous qu’à travers ces initiatives, l’Eglise peut participer à la sauvegarde de la Création ?
Evidemment, notre implication dans ce thème comme dans tous ceux qui sont liés à l’environnement naît de notre profonde conviction que l’évangélisation et l’écologie sont liées parce qu’au milieu de tout cela, il y a l’être humain, sur lequel repose le Projet de Dieu.

Cela suppose donc une protection des ressources naturelles pour qu’elles ne disparaissent pas et pour qu’elles puissent servir à tous. Le message du Pape Benoît XVI du 1er janvier dernier nous a d’ailleurs beaucoup éclairés, surtout lorsqu’il a parlé de la relation intime qui existe entre la paix, l’écologie humaine et l’écologie naturelle.

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