Où en sommes-nous des règles fiscales ?
Deux campagnes portées depuis plus de 10 ans commencent à porter leurs fruits. Elles sont animées par des réseaux internationaux qui rassemblent des centaines d’organisations de la société civile du monde entier, dont le CCFD-Terre Solidaire. La coalition « Publiez ce que vous payez » réclame la transparence sur le partage de la rente extractive dans les pays pauvres. Le « Tax Justice Network » se bat contre l’opacité financière et notamment pour obliger les entreprises à déclarer leurs activités, en particulier la richesse créée et les impôts payés pays par pays, afin de traquer les flux financiers illicites. Plusieurs victoires récentes sont à mettre à l’actif de ces mobilisations internationales, au travail des organisations membres et de leurs militants.
Transparence pays par pays : des progrès à généraliser
– Un premier pas décisif dans le secteur extractif
Des règles contraignantes de publication des paiements aux gouvernements existent désormais dans le secteur extractif pour toutes les entreprises cotées aux États-Unis et en Europe, ainsi que pour les grandes entreprises européennes non cotées [[Une règle équivalente existe pour les entreprises extractives cotées à la bourse de Hong Kong, mais l’obligation de publication ne fonctionne pas sur un rythme annuel.]]. L’Union européenne vient en effet, le 8 avril dernier de trouver un accord pour dupliquer les règles inscrites dans la loi américaine Dodd Frank, votée en 2010, qui prévoit la transparence pays par pays et projet par projet des impôts et taxes versés. La règle européenne va même au-delà : elle concerne non seulement les entreprises gazières, minières et pétrolières, mais aussi forestières. Ainsi, ce nouveau standard couvre désormais 65% (en valeur) des entreprises extractives cotées en bourse au niveau international. Dans tous les pays concernés, pauvres mais riches en ressources naturelles, les citoyens pourront dorénavant exiger des comptes à leurs gouvernements sur l’utilisation de ces revenus. En revanche, il ne sera pas encore possible de mesurer si ces paiements correspondent à une juste contribution fiscale, dans la mesure où chiffres d’affaires et bénéfices ne seront pas connus pour chaque pays ou territoire, malgré les propositions du Parlement européen dans ce sens.
– Un reporting pays par pays plus complet dans le secteur bancaire
Grâce à la mobilisation du CCFD-Terre Solidaire et de la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires, la loi bancaire française de 2013 a introduit une obligation de transparence comptable pays par pays, dans les rapports financiers, pour les banques ayant leur siège en France. Dans son sillage, l’Europe a adopté des règles équivalentes, dans la directive CRD IV [[Capital Requirement Directive IV]], pour l’ensemble de ses banques. Chaque banque devra fournir des données, pour chaque pays d’implantation, portant sur les effectifs, le chiffre d’affaires, les bénéfices, l’impôt sur les bénéfices et les subventions. Ces informations devront être transmises dès 2014 à la Commission européenne et seront publiées à partir de 2015.
– Aller plus loin
Le 10 avril 2013, le président François Hollande s’est exprimé en faveur d’une extension de cette obligation de transparence comptable pays par pays à l’ensemble des secteurs d’activités. Cette position est partagée au niveau européen puisque le communiqué du sommet des chefs d’Etats du 22 mai appelle à la mise en place d’une telle disposition via la révision des 4ème et 7ème directives comptables pour renforcer le reporting extrafinancier. Suite à cette réunion, Michel Barnier, Commissaire européen au marché intérieur, s’est également prononcé en faveur de cette mesure : « Après les banques, il faut que toutes les grandes entreprises nous disent combien elles paient d’impôts et où ». La France a franchi un pas supplémentaire le 5 juin 2013 en inscrivant dans la loi bancaire une extension de la transparence pays par pays aux grandes entreprises des autres secteurs d’activité. Mais Paris s’est bien gardé, jusqu’ici, d’avancer seule sur ce dossier : la disposition ne sera mise en œuvre qu’après l’adoption d’une mesure équivalente au niveau européen.
La révision des règles de fiscalité des multinationales par l’OCDE
A la demande du G20, au sommet de Los Cabos, en juin 2012, l’OCDE a lancé un chantier déterminant pour « lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices » des entreprises multinationales (programme BEPS) [[BEPS : Base Erosion and Profit Shifting]]. Un premier diagnostic, remis en février 2013 aux ministres des Finances du G20, reprend de nombreuses thèses de la société civile et préconise une refonte des règles. La plupart des stratégies d’évitement de l’impôt sont en effet légales et ne font qu’exploiter les failles et les différences de législations entre Etats. Les règles de fiscalité, élaborées dans les années 1920, ne sont plus adaptées à la réalité des grandes multinationales et sont mises à mal par l’agressivité des pratiques d’« optimisation » de certaines entreprises.
« Ces montages d’optimisation fiscale aboutissent souvent à une double non taxation, c’est-à-dire une situation dans laquelle les revenus ne sont taxés nulle part : ni dans le pays de résidence du contribuable, ni dans le pays source.
Les conséquences de cette érosion des assiettes fiscales et de la délocalisation des profits effectuées par certaines multinationales sont multiples : avantages compétitifs fortuits en faveur des entreprises multinationales par rapport aux plus petites entreprises et aux entreprises domestiques, distorsion des décisions d’investissement et perte importante pour les gouvernements de recettes relatives à l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Plus fondamentalement, le sentiment d’injustice qui résulte de ces pratiques met en danger la confiance des citoyens dans l’intégrité du système fiscal en général et menace le consentement à l’impôt. » [[Extrait du rapport BEPS actualisé en mai 2013, page 2]]
Ce chantier pose aussi la question de la répartition de l’assiette fiscale entre les pays de production ou d’activité et les pays d’origine des capitaux investis ; un enjeu très important pour les pays en développement qui ont été historiquement désavantagés par les règles de fiscalité plutôt favorables aux seconds. Comment faire correspondre in fine les droits d’imposition à la répartition réelle des activités économiques ? Ce défi d’une réallocation juste des richesses produites à l’échelle mondiale par les entreprises multinationales dépasse de loin les seules questions techniques des prix de transferts ou de non double imposition. Mais l’absence de participation des pays en développement au processus interroge quant à la volonté des pays riches (qui composent l’OCDE) de s’attaquer aux problèmes au-delà de leur intérêt propre. Un plan d’action plus précis doit être présenté en juillet 2013 aux ministres des finances des pays du G20.
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