Paraguay, le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires redoutent une « revanche » de l’oligarchie
Suite à la destitution du président Fernando Lugo le vendredi 22 juin 2012, le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires paraguayens, notamment les organisations Decidamos, SERPAJ, CODEHUPY et la JOC, expriment leur plus vive inquiétude face à ce « coup d’État parlementaire » qui met en danger la démocratie, l’état de droit et les réformes socio-économiques en cours.
Expédiée en quelques heures, en violation des règles constitutionnelles, et en instrumentalisant de récentes tensions sociales, cette destitution a l’apparence d’une « revanche » de l’oligarchie, notamment des propriétaires terriens, qui n’a jamais accepté l’élection de Fernando Lugo à la présidence.
Le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires dans le pays demandent aux pays du MERCOSUR mais également à l’Union européenne de soutenir les efforts de la société civile qui s’oppose à ce coup de force politique contre un président démocratiquement élu.
L’arrivée au pouvoir de « l’évêque des pauvres » en 2008 avait mis fin à plus de 60 ans de règne du Parti Colorado et de dictature militaire, et marquait la première véritable alternance démocratique du pays depuis 1989. Son principal engagement – mettre en place une réforme agraire – répondait à la demande historique des mouvements sociaux au Paraguay, le pays le plus inégalitaire du monde quant à la répartition de la terre (1 % des propriétaires possèdent 84 % de la terre). Mais depuis son élection en 2008, il n’a jamais disposé d’une majorité favorable au Parlement, le Congrès restant aux mains des partis traditionnels. Pendant son mandat, des avancées sociales ont néanmoins pu être notées, notamment en matière de redistribution ou encore de mise en place d’un système de santé basique. En revanche, ses initiatives visant à limiter le poids de la monoculture du soja et l’extrême concentration de la terre ont toutes été bloquées par le Parlement, dominés par des représentants de l’oligarchie terrienne. La menace d’une destitution avait déjà été brandie contre Fernando Lugo à plusieurs reprises pendant son mandat.
Depuis la destitution de Fernando Lugo, aucun pays n’a reconnu le nouveau gouvernement, la participation du Paraguay au Mercosur est suspendue, et l’UNASUR se réunit au Pérou afin d’établir une position commune. Les voisins du Paraguay ont dénoncé un « coup d’Etat parlementaire », jugé « inacceptable » par Cristina Kirschner, et qualifié de « rupture de l’ordre démocratique » par Dilma Roussef. Tout cela témoigne du consensus international sur les doutes autour de la légalité du processus qui a conduit au renversement de Fernando Lugo. En parallèle, au Paraguay, les manifestations de soutien à Lugo se multiplient.
Si on peut légitimement reprocher à Lugo des fautes politiques, le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires de la société civile paraguayenne ne peuvent accepter la manière dont a été orchestrée cette destitution, sans que par exemple Fernando Lugo puisse se défendre en bonne et due forme. L’acte d’accusation montre de graves imprécisions, et aucun délai raisonnable ne lui a été accordé pour sa défense.
Cette destitution expéditive est également à replacer dans la perspective de l’élection présidentielle de 2014, qui a aiguisé les appétits des différents partis, d’autant que Fernando Lugo avait affirmé ne pas vouloir se représenter. Ainsi, Federico Franco, nouveau président investi par le Parlement, pourtant co-listier du président renversé en 2008, n’a jamais caché son intérêt pour la mandature suprême.
Le CCFD-Terre Solidaire apporte un soutien à des organisations paysannes paraguayennes engagées en faveur de la réforme agraire. Cette question s’est cristallisée ces dernières années autour de la question des « tierras mal habidas » (terres mal acquises), des parcelles accaparées illégalement par de grands propriétaires, paraguayens ou brésiliens, et dont les mouvements paysans réclament la restitution. Des « terres mal acquises » font l’objet d’occupations par des paysans sans terre afin d’interpeller l’opinion publique. C’est un massacre de paysans sans terre qui a déclenché cette crise politique
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