Parce que la rencontre est complexe et enrichissante

Publié le 22.10.2013| Mis à jour le 10.09.2021

Cette étape propose quelques outils pour préparer les jeunes à l’incontournable rencontre interculturelle qu’ils vivront lors de leur voyage. Il est essentiel pour les jeunes de prendre conscience en amont, de l’importance à accorder à cette rencontre et de savoir que c’est de sa qualité que dépendra la réussite de leur séjour.

« Au-delà de toutes les écoles construites, des arbres plantés et des jeux inventés sur la place des villages, ce sont les rencontres et le partage entre les personnes, mais aussi la reconnaissance de l’autre dans sa dignité qui permet à chacun de s’enrichir [[documentation Scouts et Guides de France]] ». Ceci dit, la rencontre n’est pas quelque chose de facile, et il est aisé de se fourvoyer et de passer à côté. Voici quelques clés pour bien vivre la rencontre interculturelle et pouvoir réellement partir à la découverte de l’autre.

Culture et diversité culturelle

Contrairement à une vision limitée mais bien souvent véhiculée, la culture ne se limite pas à l’art, au folklore ou aux manifestations « exotiques » d’une population. Voici la définition de la culture du dictionnaire Le Petit Larousse (éd. 2011) : « Ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation » [[www.larousse.fr/dictionnaires/francais/culture]]. De façon plus approfondie, voici quelques autres définitions : • « [La culture] est la manière structurée de penser, de sentir, de réagir d’un groupe humain, surtout acquise et transmise par des symboles ».[[C. Klucholn.]] • « La culture d’un groupe social, c’est l’ensemble des réponses qu’il a élaborées au cours de son histoire pour répondre aux défis de son environnement [[Clair Michalon, « Cahier thème d’animation CCFD-Terre Solidaire, n° 1, Garantir la paix ? Prévenir les conflits », 2002.]] ». La culture est une réponse à un problème dans un contexte donné ; comme nous n’évoluons pas tous dans les mêmes contextes, nous n’apportons pas les mêmes réponses aux problèmes et nous évoluons donc dans des cultures différentes. Nos vérités n’ont, elles non plus, rien d’universel : nous n’avons pas tous les mêmes valeurs car celles-ci trouvent leurs explications dans notre histoire, notre éducation, notre vision du monde, notre religion, etc. « Reconnaître cette diversité, c’est reconnaître la nécessité et l’utilité de chacune de ces cultures ».[[Clair Michalon, « Cahier thème d’animation CCFD-Terre Solidaire, n° 1, Garantir la paix ? Prévenir les conflits », 2002.]]

Les différentes logiques culturelles

Les réponses que nous avons trouvées pour résoudre nos problèmes répondent à un besoin réel et s’harmonisent entre elles afin de créer un ensemble cohérent et logique. Une fois que nous avons reconnu, compris et admis ce phénomène, nous pouvons sans difficulté admettre la logique de tout comportement d’une communauté humaine. Et si ces comportements sont logiques, ils peuvent être compréhensibles. Il est donc important de s’attacher à comprendre pourquoi l’autre agit ainsi, plutôt que de porter un jugement et considérer abruptement que son acte est irrationnel. « Pourquoi est-ce que certains ont fait le choix de la monogamie et d’autres celui de la polygamie ? » « Pourquoi dans certaines cultures pose-t-on tant de questions sur la famille lorsqu’on se salue ? » Cette attitude de questionnement sur le pourquoi du comportement de l’autre est une attitude indispensable pour rendre possible le dialogue et la rencontre.

Bien se connaître pour pouvoir découvrir l’autre

Ce travail de réflexion sur la connaissance de soi, qui peut à première vue sembler déplacé ou inutile, est véritablement nécessaire et doit être mené en amont, pour que la rencontre soit possible et positive. En découvrant la culture de l’autre, nous sommes aussi amenés à (re)découvrir la nôtre. Chacun a en effet besoin de cohérence et de compréhension pour lire son propre quotidien. Si l’environnement de ce quotidien change fortement et brutalement (et c’est le cas lorsque l’on entreprend un voyage en réelle immersion), les clés de lecture peuvent être bousculées jusqu’à être remises en cause. Si ces clés n’ont pas été préalablement identifiées, l’édifice risque d’être ébranlé et la découverte de l’étranger rendue d’autant plus difficile. « Pourquoi l’atteinte à l’intégrité physique d’un être humain m’insupporte-t-elle tant ? » « Pourquoi l’idée qu’un fonctionnaire puisse me demander un « bakchich » me rend fou de rage ? » Et les réponses ne “seront pas“ simples à trouver ! Il va falloir parfois aller chercher loin dans son histoire personnelle ou collective pour trouver des réponses. Tous les champs sont à explorer : l’éducation, l’origine sociale, ethnique et religieuse, le contexte de vie actuel, les rencontres que l’on a faites… L’enjeu est de prendre conscience de certains des conditionnements liés à sa culture et à ses habitudes et de reconnaître ainsi ses limites, ses contradictions, ses conflits internes. Une meilleure connaissance de soi permettra de mieux partager ce que l’on est, et de mieux accueillir l’autre. Elle aidera à être soi-même et à éviter de jouer un rôle.

La rencontre : accepter les joies et les difficultés de l’altérité

Une fois que je sais qui je suis et que j’admets que je vais nécessairement être confronté dans la rencontre à une altérité qui me dépasse, il m’est possible alors de partir à la rencontre de l’autre. La différence ne sera pas ici vécue comme une menace et la rencontre mutuelle sera possible, source d’épanouissement, de plaisir et de développement réciproque. Cette rencontre sera source de joie mais aussi de difficulté. En effet, une vraie rencontre, qui est un réel dévoilement de l’un à l’autre, ne se fera pas sans violence : il y aura inévitablement des attitudes, des comportements, des aspects de la culture de l’autre qui vont me choquer, me blesser, me révolter. Il ne s’agit surtout pas de prôner une morale ou une vision du bien et du mal, mais de rester sur le registre du constat, de l’observable. Attention cependant ! Chercher à comprendre ne veut pas dire tout approuver : chacun sera ici renvoyé aux valeurs qui lui sont chères et sur lesquelles il ne fera pas de concession. Il est tout à fait possible de comprendre pourquoi une population a décidé d’agir d’une certaine manière sans pour autant cautionner ce comportement ; il ne s’agit pas de tout relativiser ni de renier les concepts qui nous constituent mais de découvrir ceux des autres. Il est essentiel aussi d’admettre que l’on n’a pas toujours de réponse à nos « pourquoi ? » ; le temps passé est bref, l’autre est complexe, autant que moi, et il demeurera souvent en grande partie un mystère. C’est cette prise de conscience préalable des difficultés possibles qui me permettra de surmonter ces épreuves et d’entrer dans la complexité de la réalité de l’autre.

Des clés pour une rencontre réussie

L’indispensable dialogue : écoute et enrichissement mutuel « Chaque culture nous apporte son lot de solutions possibles face aux problèmes. Beaucoup de ces solutions sont judicieuses, adaptées, d’autres sont discutables, aujourd’hui peut-être inacceptables. (…) Une différence comportementale ou culturelle mal lue, c’est un obstacle au dialogue, un conflit en germe. Une différence lue correctement, c’est un outil de dialogue efficace, riche pour les deux parties[[Clair Michalon, « Cahier thème d’animation CCFD-Terre Solidaire, n° 1, Garantir la paix ? Prévenir les conflits », 2002.]] ». Le dialogue, c’est deux « raisons » qui se rencontrent, s’écoutent et cherchent à se comprendre. Laissons la place au débat, favorisons les échanges, discussions où il ne s’agira pas d’affirmer « j’ai raison », mais d’expliciter sa position, de lui donner sens, et d’écouter celle de l’autre, de chercher à en comprendre le sens propre. On le voit, posture qui nécessite confiance et respect. Si nous voulons partager un avenir commun, il faut chercher à connaître l’autre et à apprendre les uns des autres ! Une démarche indispensable comme doit l’être celle de s’attaquer à nos préjugés et à nos illusions. Dépasser ses préjugés Afin de comprendre le monde qui nous entoure, nous utilisons tous des représentations, des schémas, qui permettent à notre cerveau de comprendre ce qui nous arrive. Ces représentations sont normales et elles sont propres à chacun d’entre nous. Nous avons tous une représentation différente d’une même réalité, en fonction de notre vécu, de notre culture, du contexte et de notre propre perception de la vie ; il s’agit en quelque sorte de « lunettes » personnelles à travers lesquelles nous voyons et comprenons le monde. Ces représentations influencent alors directement notre rencontre avec l’autre. Il faut cependant nous méfier des représentations négatives que sont les préjugés et les stéréotypes. Le stéréotype est une généralisation, une caractéristique de tout un groupe attribuée sans aucune distinction ; il peut être positif comme négatif (exemple : les Chinois sont travailleurs ; les jeunes de banlieue sont violents). Le préjugé (ou « pré-jugé ») est le fait de juger une personne avant de la connaître et de la réduire le plus souvent à une caractéristique liée à un stéréotype. Lors d’une rencontre, si des préjugés peuvent être identifiés, on peut tenter de les dépasser pour établir une relation allant au-delà des stéréotypes véhiculés par notre société. Nos représentations peuvent évoluer afin de ne pas être un frein à la rencontre. Pour cela, il est essentiel de savoir « se décentrer », c’est-à-dire identifier quelles sont nos représentations, quelles sont les lunettes qui nous permettent de voir le monde, et prendre le recul nécessaire pour en changer, essayer d’avoir une perception différente des choses, et transformer ainsi la vision que l’on peut avoir de l’autre.

A la rencontre de chacun

Il faut toujours garder à l’esprit qu’avant d’être une rencontre entre deux cultures, une rencontre est et demeure avant tout une rencontre entre deux personnes, deux individus uniques avec leur propre personnalité. Chacun est libre « d’interpréter », d’adapter sa propre culture et il serait réducteur de ne voir qu’une culture derrière les membres d’un même groupe. La rencontre se fait en outre dans un cadre donné qui influence les rapports et les échanges (dans le cadre du travail ou de loisirs, en public ou en privé, entre une personne jeune et une plus âgée, etc.). Il s’agit dans la rencontre de saisir de façon subtile tout ce qui constitue l’autre, dans sa dimension collective comme individuelle. Ainsi la rencontre devient source de création. Et quand un jeune se sent devenir créateur de quelque chose, il augmente son capital confiance. Il pourra devenir acteur de changement par son comportement et ses convictions. Pour conclure, visualisez ci-contre L’iceberg, un concept de culture
C’est en s’ouvrant réciproquement à l’autre, à son monde et en agissant localement ensemble que nous construirons une société plus juste et plus digne.

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