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En Afrique, « la Caravane Ouest africaine » fait bouger les lignes
A l’occasion de la Journée mondiale pour les droits humains, Isabelle Manimben, Responsable du Pôle Afrique, nous présente une mobilisation citoyenne assez originale : la Caravane Ouest Africaine pour la Terre, l’Eau et les Semences, traverse l’Afrique de l’Ouest pour défendre les droits des communautés locales.
© Patrick Piro / CCFD-Terre Solidaire Une Caravane itinérante pour dénoncer l’accaparement des ressources
Du 20 novembre au 11 décembre, la Caravane Ouest africaine entreprend son itinéraire du Sénégal à la Sierra Leone en passant par la Guinée.
Tout au long de leur périple, les 300 caravaniers venus de 15 pays d’Afrique, scandent le slogan : « Notre terre, notre vie », pour dénoncer l’accaparement des terres et des ressources par les multinationales et les élites nationales.
Cette initiative, qui voit le jour pour la 3ème fois, est portée par le collectif de la Convergence Ouest-africaine des luttes pour la Terre, l’Eau et les Semences paysannes, qui rassemblent 300 participants, issus d’organisations paysannes et de mouvements sociaux mobilisés pour défendre les droits des communautés locales.
Une initiative qui fait bouger les lignes
L’objectif de cette mobilisation ? A chaque étape, interpeller les pouvoirs publics sur les réalités qui impactent les communautés locales pour obtenir des lois qui les protègent.
Par exemple, en Guinée, la Caravane met en lumière les impacts de l’extraction minière sur les communautés locales et porte la problématique de l’accès des femmes à la terre.
Cette mobilisation de grande ampleur, permet de montrer la détermination des populations à défendre leurs terres. Mais surtout, elle permet de faire bouger les lignes !
Les membres de la Convergence ont pu rencontrer les Présidents de la Guinée-Bissau et de la Guinée Conakry pour leur remettre leurs recommandations. Au Mali, ils ont réussi à influencer la loi sur la gestion des terres pour sécuriser les droits coutumiers des communautés.
Lire aussi :
Des paysannes et paysans en marche pour leurs droits -
Un programme pour la paix dans les pays du centre sahélien
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Le scandale des pesticides interdits en Europe et exportés en Afrique
En Côte d’Ivoire, Sena Adessou est le secrétaire général d’Inades-Formation, un réseau présent dans 10 pays d’Afrique et soutenu par le CCFD-Terre Solidaire. Il dénonce l’importation de pesticides toxiques interdits en Europe.
Une grande partie des produits classés « extrêmement dangereux », le plus souvent interdits dans l’UE, reste commercialisée ailleurs dans le monde notamment en Afrique. Est-ce le cas en Côte d’Ivoire ?
Sena Adessou : Oui, ces pesticides chimiques de synthèse sont encore utilisés en Côte d’Ivoire, et plus largement en Afrique, alors qu’ils sont considérés comme toxiques pour la santé humaine, l’environnement et la biodiversité.
Interdits sur le marché européen, ces produits sont souvent fabriqués dans les pays du Nord, notamment dans l’Union européenne !Comment ces pesticides se retrouvent-ils en vente sur vos marchés ?
De manière générale, pour vendre ces pesticides sur nos marchés, il faut obtenir des autorisations officielles. On s’interroge donc sur la réglementation en vigueur, sur ce que font nos autorités en matière de gestion des circuits de commercialisation, de distribution mais aussi d’importation.
Si certains décideurs ne connaissent pas suffisamment les impacts de ces produits et s’en tiennent à leur usage d’herbicide, insecticide ou fongicide, ceux, conscients de leurs effets, qui les laissent entrer sur le marché national mettent nos vies en danger.Que propose Inades-Formation pour lutter contre leur utilisation ?
Nous venons de lancer la campagne « Conscience AlimenTerre » fondée sur le droit à une alimentation saine et durable. Son objectif est d’abord d’informer et de sensibiliser les acteurs issus du monde agricole sur les dangers et le caractère toxique des pesticides chimiques de synthèse.
Ils les utilisent souvent à tort et à travers par manque de connaissances. L’absence d’informations claires des étiquetages de ces produits est d’ailleurs un problème !Cette campagne vise aussi les pouvoirs publics pour qu’ils prennent en compte leur dangerosité et toxicité afin de ne plus les importer.
Nous voulons aussi les encourager à mettre en œuvre la transition agroécologique de nos systèmes alimentaires.
Les premiers lancements de la campagne – pilotée dans les 10 pays d’Afrique de l’Ouest où agit Inades-Formation – ont déjà convaincu nombreuses organisations paysannes de rallier la cause !Propos recueillis par Marion Chastain
Lire notre rapport : “Pesticides, un modèle qui nous est cher”
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Un programme mondial pour soutenir l’agroécologie paysanne
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Au Mozambique : lutter contre les méga-projets extractifs
Le Mozambique, pays riche en ressources fossiles, est victime de la convoitise de l’industrie extractive. Avec Charlotte Kreder, chargée de mission Afrique, découvrons la lutte de Justiça Ambiental ! pour défendre l’environnement et les communautés impactées.
Des activités extractives lourdes de conséquences
Dans la Province de Tete au Nord-ouest du Pays, riche en charbon, ou dans la Province de Cabo Delgado, riche en ressources gazières, les populations sont celles qui paient le prix fort des activités extractives.
Elles perdent leurs terres, leur accès aux rivières et sont victimes de nuisances considérables, comme le bruit ou la pollution de l’eau et des terres.
En 2017, j’ai pu visiter la zone de Cabo Delgado et j’ai rencontré plusieurs communautés qui avaient été expulsées de leurs terres et perdues leurs accès à la mer pour faire place aux projets gaziers.
Les entreprises multiplient les (fausses) promesses, que ce soit en matière d’indemnisations, de création d’emplois ou de construction d’infrastructures qui ne voient jamais le jour.
Sur le plan environnemental, l’extraction de ces ressources fossiles renforce une crise climatique dans l’un des pays les plus vulnérables aux dérèglements climatiques.
Pour aller plus loin : Mozambique : les communautés contre la plaie du charbon
JA ! se mobilise pour défendre les droits des populations
Face aux impacts néfastes de ces méga-projets, l’association Justiça Ambiental ! (JA !), que nous soutenons, se mobilise pour dénoncer des pratiques qui portent préjudice aux droits des communautés et à l’environnement.
Son action repose sur plusieurs leviers :
- L’appui aux communautés pour la défense de leurs droits. Par exemple par le suivi des impacts des méga-projets, en leur apportant des informations juridiques et en leur permettant d’accéder aux autorités gouvernementales et aux médias.
- Favoriser les solidarités entre les communautés impactées par ces méga-projets dans différentes zones, et les aider à mettre en avant des alternatives de développement.
- Mener des actions de plaidoyer auprès d’instances internationales pour porter l’attention sur les difficultés vécues au niveau local. Par exemple, JA ! est très impliqué dans les négociations d’un traité des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains.
On est dans un rapport de David contre Goliath, mais grâce à cet accompagnement, les communautés se sentent plus fortes pour résister.
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« Il est temps que la France cesse d’encourager les projets climaticides de TotalEnergies en Afrique »
A l’occasion du sommet Afrique-France qui s’ouvre le 8 octobre à Montpellier, des philosophes, des économistes, des responsables d’institutions et d’ONG, dont la présidente du CCFD-Terre solidaire Sylvie Bukhari-de Pontual et le député européen Pierre Larrouturou dénoncent le soutien de la France aux projets du géant pétrolier en Ouganda et au Mozambique.
Tribune. Alors que s’ouvre à Montpellier le sommet Afrique-France, et que l’urgence de réduire drastiquement l’extraction des énergies fossiles se fait chaque jour plus pressante, il est temps que la France cesse d’encourager les projets climaticides que TotalEnergies veut lancer en Afrique.
Le président de la République Emmanuel Macron annonçait sur Twitter à propos de la dernière évaluation des Nations unies : « +2,7 °C à l’horizon de 2100. Ce scénario est dramatique. » Il n’y a pas de fatalité, ce scénario dépend avant tout des décisions qui seront prises dans les semaines et les mois à venir. Or, la France s’apprête à entériner de nouvelles extractions fossiles qui, elles, vont s’avérer réellement dramatiques.
En effet, en Ouganda et au Mozambique, TotalEnergies est en passe de faire exploser deux « bombes climatiques » avec le soutien actif de nos institutions et de notre appareil diplomatique.
Quatre cents puits de pétrole
En Ouganda, ce sont quatre cents puits de pétrole et un oléoduc de 1 443 km de long que TotalEnergies souhaite construire jusqu’à la côte tanzanienne, afin d’exploiter des réserves pétrolières (générant 34 millions de tonnes de CO2) au sein d’un parc naturel protégé et sur les rives du lac Albert, à la source du Nil. Au Mozambique, la mise en exploitation des 9es plus grandes réserves gazières du monde émettra autant que sept années d’émissions de gaz à effet de serre de la France.
Alors que l’Agence internationale de l’énergie nous enjoint désormais de cesser tout nouveau projet d’extraction d’énergie fossile pour espérer maintenir le réchauffement sous la barre des 1,5 °C décidée par l’accord de Paris, l’envergure de ces nouveaux projets dépasse l’entendement : plus de 11 milliards de dollars (environ 9,53 milliards d’euros) d’investissement en Ouganda et en Tanzanie, 24 milliards de dollars au Mozambique.
Malgré ses déclarations vertueuses, l’Elysée a envoyé, en mai, une lettre au président ougandais pour lui affirmer son soutien au projet pétrolier de TotalEnergies, alors même qu’un recours en justice avait été déposé par six ONG françaises et ougandaises au titre de la loi sur le devoir de vigilance en raison des multiples violations des droits humains et des dommages environnementaux qu’implique ce projet.
Selon un rapport de l’ONG les Amis de la Terre, le gouvernement français a également accentué ses efforts diplomatiques et économiques au Mozambique pour y défendre les intérêts de TotalEnergies (visites diplomatiques, financements publics, missions d’affaires, coopération militaire…), engageant de facto la France, et l’ensemble de nos concitoyens, dans cette aventure climaticide.
A quelques semaines de la COP26 à Glasgow, le gouvernement français et notre diplomatie s’emploient donc à saboter notre avenir à tous.
La France ne pourra pas lutter contre le dérèglement climatique si son président, tel Janus, offre deux visages opposés : héraut du climat sur la scène internationale et façonnier du « business as usual » sur le terrain.
Dans son encyclique Laudato Si’, le Pape François a des mots très fermes contre l’attentisme des Etats qui ne font que retarder la catastrophe : « Il ne suffit pas de concilier, en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier […]. Sur ces questions, les justes milieux retardent seulement un peu l’effondrement ». (LS 194) Nous devons rechercher des alternatives aux énergies fossiles, aujourd’hui et non dans le futur. Et les mettre en œuvre maintenant. Sans attendre. En levant tout soutien public aux projets climaticides.
Emmanuel Macron a affirmé que le Sommet Afrique-France permettra de « refonder les relations entre la France et l’Afrique ». Nous appelons la France à s’engager auprès des sociétés africaines pour les soutenir dans la voie de la transition écologique. Ne ratons pas ce rendez-vous !Signataires :
Guy Aurenche, avocat honoraire, défenseur des droits humains
Monique Baujard, présidente des Amis de La Vie
Dominique Bourg, philosophe, professeur des universités honoraire, directeur de la revue La Pensée Ecologique
Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente, CCFD-Terre Solidaire
William Clapier, auteur et théologien
François Euvé, rédacteur en chef d’Etudes
Elisabeth Flichy Saint-Bonnet, Chrétiens Unis pour la Terre
Benoit Halgand, étudiant mobilisé contre le projet TotalEnergies à polytechnique, engagé chez Pour un réveil écologique
Pierre Larrouturou, député européen
Elena Lasida, économiste
Laura Morosini, Mouvement Laudato Si’
Marcel Rémond, jésuite, directeur du Ceras
Michel Roy, secrétaire général de Justice et Paix…Lire aussi :
Notre article Stoppons l’impunité de l’industrie du gaz : l’appel à l’aide des habitants de Cabo Delgado au Mozambique
Les Amis de la Terre et Survie : Total en Ouganda et Tanzanie (dont un rapport de 33 pages)
Les Amis de la Terre France, Mozambique et International
Mozambique : de l’eldorado gazier au chaos (dont un rapport de 39 pages) -
Justice climatique : une priorité pour lutter contre les inégalités en Afrique Australe (interview)
Ceux qui ont le moins contribué au changement climatique en souffrent le plus
Qu’est-ce que la justice climatique ? Quelles sont les personnes concernées ?
Éclairage depuis l’Afrique australe, où les populations victimes des changements climatiques et de l’exploitation minière veulent faire respecter leurs droits.Charlotte Kreder, chargée de mission Afrique Australe et Océan Indien au CCFD Terre-Solidaire, explique pourquoi la « justice climatique » est vitale dans la région dont elle s’occupe. Alors que le Mozambique et Madagascar ont très peu contribué au dérèglement climatique, leurs populations sont parmi les plus touchées par les phénomènes extrêmes.
Pourquoi la « justice climatique » est-elle devenue une priorité en Afrique Australe ?
Charlotte Kreder : Dans cette zone le CCFD-Terre Solidaire a des partenaires en Afrique du sud, au Mozambique et à Madagascar. Dans ces trois pays, des phénomènes climatiques récurrents gagnent en intensité.
En Afrique du Sud, les sécheresses alternent avec les inondations dans plusieurs provinces.
Le Mozambique ne s’était pas encore remis des deux cyclones de 2019 – dont le premier, Idai, a été qualifié comme étant le plus dévastateur qu’ait connu l’hémisphère Sud – qu’un autre cyclone le frappait en début d’année.
Dans le Sud de Madagascar, une famine sévit en raison de la sécheresse. Elle est considérée par l’ONU comme la première résultant du dérèglement climatique.
Dans ces trois pays, la justice climatique concerne également les personnes qui souffrent de l’air pollué ou qui doivent travailler une terre contaminée.
La province du Mpumalanga, en Afrique du Sud est une des régions les plus polluées au monde, elle abrite 12 centrales à charbon. Les populations sont cernées par des mines qui déversent leurs déchets en toute impunité viciant l’air, les terres, les nappes phréatiques.
Reportage sur l’organisation panafricaine WoMin, soutenue par le CCFD-Terre solidaire, qui sensibilise les femmes aux impacts environnementaux et sociaux des compagnies minières (2017) ©Laurent Hazgui/CCFD-Terre Solidaire Comment demander la justice climatique dans ces conditions ?
Les pays développés ont une responsabilité historique dans la crise climatique et les entreprises jouent également un rôle. 71% des émissions de gaz à effets de serre sont produits par 100 sociétés commerciales.
71% des émissions de gaz à effet de serre sont produites par 100 sociétés commerciales
L’exemple des projets d’extraction de gaz dans la province de Cabo Delgado au Mozambique qui pourraient générer autant de gaz à effet de serre que sept années d’émissions de la France est parlant.
Cette bombe climatique entraine également l’expulsion des populations locales et les laisse sans ressources.Devant les dommages qu’ils provoquent, nous devons mettre ces acteurs face à leurs responsabilités, leur demander réparation et les forcer à diminuer leurs activités génératrices de gaz à effet de serre.
En 2019, une alliance africaine pour la justice climatique a vu le jour. Elle regroupe des mouvements sociaux et des organisations de la société civile dont plusieurs partenaires du CCFD-Terre Solidaire.
Une déclaration a été signée par plus de 300 organisations. Elle insiste sur le soutien aux services essentiels, comme l’eau ou la santé. Elle demande qu’il soit mis fin à tous les projets d’exploitation des combustibles fossiles.En quoi la recherche de la « justice climatique » rejoint-elle la « justice sociale » ?
Ceux qui contribuent le moins au changement climatique en subissent le plus les conséquences.
C’est le cas des paysans malgaches confrontés aujourd’hui à la sécheresse.
C’est le cas également des habitants des townships du Cap qui souffrent régulièrement du manque d’eau quand, à quelques dizaines de kilomètres de là, les habitants des zones résidentielles utilisent leurs piscines, leurs climatiseurs et jouent au golf.
La question climatique ne peut être abordée, uniquement, sous l’angle de mesure des émissions de gaz à effets de serre.
Il s’agit aussi de « justice sociale », de faire converger les luttes en faveur d’un autre paradigme de développement qui donnerait la priorité au vivant et à une juste répartition des richesses.
Cela nécessite de s’attaquer à des questions systémiques telles que le racisme, le patriarcat, l’impunité des multinationales ; les politiques néocoloniales.
C’est le concept d’écologie décoloniale mis en avant par Malcom Ferdinand dans un ouvrage récent et qui est en phase avec les visions défendues par nos partenaires.
Pierre Cochez
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A Madagascar, le jeune Toavina lutte pour la justice climatique #générationclimat
Toavina Rasolofoson fait partie de cette génération qui partout dans le monde s’engage pour la justice climatique. Avec l’organisation Craad Oi, soutenue par le CCFD-Terre Solidaire, il alerte sur l’impact du développement des industries extractives, consommatrices d’eau et de terres à Madagascar. Notamment dans le sud du pays en proie à une sécheresse historique.
En 2015, à 23 ans, Toavina Rasolofoson suit, par Internet, tous les travaux de la conférence de Paris sur le climat, la COP 21. Il prend conscience de l’urgence d’agir et de s’engager pour son île.
Une année plus tard il fait la connaissance de Zo Randriamaro, une sociologue malgache, l’une des fondatrices de l’ONG Craad Oi. « Elle sensibilisait les populations aux projets étrangers d’extraction de minerais rares qui induisent des risques climatiques importants » poursuit Toavina.Prouver aux communautés qu’elles peuvent faire valoir leurs droits
© CRAAD-OI / CCFD-Terre Solidaire Aujourd’hui, il assure à son tour des formations pour les adhérents du Craad Oi (Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement dans l’océan indien). L’organisation, qui a été créée en 2012, regroupe 6 000 membres, issus en majorité du monde ouvrier et paysan.
« Nous expliquons aux communautés les raisons du changement climatique et comment obtenir justice face aux dommages dont elles souffrent. Nous voulons prouver aux communautés locales qu’elles peuvent revendiquer leurs droits » explique Toavina.
C’est certain, ce jeune malgache prend sa vie au sérieux. Il n’y a qu’à voir son regard droit et grave, sa concentration durant les formations qu’il assure. Il achève, en même temps, son Master 2 de sciences politiques à l’université d’Antananarivo, après des études de droit.Les “terres rares”, des minerais indispensables aux nouvelles technologies et dont l’exploitation est catastrophique
Taovina habite l’un des plus pauvres pays au monde. En même temps, le sous-sol de son île renferme des richesses qui intéressent le monde entier. Comme ces « terres rares » utilisées pour la fabrication des écrans d’ordinateur et omniprésentes dans les nouvelles technologies. « Les Allemands se sont intéressés à leur exploitation. Maintenant, ce sont les Chinois » constate Toavina.Ces exploitations minières, très gourmandes en énergie et en eau, accentuent la sécheresse et le manque d’eau.
Elles occupent des terres précieuses dans un pays où 80% de la population vit de l’agriculture.
« Nos terres sont fertiles et nous nourrissent. La rareté de l’eau et des terres crée des tensions ethniques et provoque des migrations de population » résume Toavina.
« Nous devons protéger nos terres. Les jeunes que je rencontre sont conscients des effets du changement climatique et persuadés que nous n’en sommes qu’au début de ce changement. Notre rôle est de les former et de les motiver à s’organiser pour faire entendre leur voix. »Les grands états reconnaissent le changement climatique, leurs entreprises l’accentuent
© CRAAD-OI / CCFD-Terre Solidaire Dans le sud de l’île, la situation est encore plus critique avec la sécheresse qui sévit depuis des mois. L’extraction de composants chimiques près de Tuléar nécessite beaucoup d’eau et cela contribuera à assécher la nappe phréatique.
Au sud toujours, QMM – filiale du groupe minier anglo-australien Rio Tinto – entreprend l’exploitation de l’ilménite, dans une zone où les équilibres agricoles sont fragiles.Des pétitions, des marches, des procédures juridiques
Craad Oi défend la lutte des communautés riveraines du site minier de QMM-Rio Tinto pour l’indemnisation de leurs terres. Par des pétitions, des marches, des procédures juridiques et des alertes à la communauté internationale.
En 2015, Taovina avait été impressionné par l’unanimité des pays à la COP 21. Tous reconnaissaient les effets négatifs du développement économique sur le climat et leur responsabilité.
« Mais les grandes entreprises des grands pays ont, sur le terrain, des comportements différents, notamment en multipliant les activités extractives. On nous annonce des taux de croissance mirobolants avec ces activités. Mais l’important pour nous c’est de continuer à avoir des aliments pour manger et vivre sainement. »
Taovina se forme sur la justice climatique sur You tube, est membre de groupes de discussions sur internet, grâce à sa maîtrise de l’anglais et du français. Une manière « de porter la voix des jeunes malgaches. »Pierre Cochez
A lire pour en savoir plus sur le combat de Craad Oi :
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En Afrique : pollueurs et pilleurs, le droit de dire NON (film d’animation)
En Afrique, les femmes paysannes s’unissent pour lutter contre l’avarice destructrice de l’industrie extractive qui piétine les droits humains et l’environnement. Le collectif Womin Africa soutient leur lutte et partage à travers ce film d’animation, qui nous émeut autant qu’il nous indigne, leur histoire et leur combat.
Pollueurs et pilleurs : Les racines des crises africaines. Un film présenté par Womin Africa Riche en ressources minières et gazières, le continent africain attire la convoitise de l’industrie extractive. Pendant que les multinationales s’enrichissent, les populations locales paient le prix fort d’une crise climatique causée par le pillage et la pollution de leurs ressources.
Les femmes sont celles qui portent le fardeau le plus lourd : contraintes de marcher toujours plus loin à la recherche d’eau potable et de moyens de subsistance pour nourrir leurs familles, pendant que la violence à leur égard s’accentue.
Le collectif Womin Africa, que nous soutenons, se mobilise pour porter leurs voix et dénoncer les agissements et les conséquences d’une industrie qui agit depuis trop longtemps dans l’impunité.
Ce film d’animation nous raconte l’histoire de ces vies brisées par la violence et l’accaparement de leurs ressources.
Mais il nous raconte surtout l’histoire d’une résistance portée par les femmes et les communautés qui se lèvent pour dire NON à l’oppression des pilleurs pollueurs et défendre une justice climatique.
© Womin Africa A propos de ce film :
Womin Africa est un réseau d’organisations sud-africaines et régionales qui travaille sur les conséquences de l’industrie extractive sur la vie des femmes.
Ce film d’animation est le premier volet d’une série qui aborde les multiples crises imbriquées en Afrique ainsi que la résistance collective des peuples. Cette série s’inscrit dans la campagne #TheRight2SayNO portée par de nombreuses associations de la société civile africaine. Elle témoigne des visions portées par les femmes et leurs communautés, porteuses d’alternatives pour le développement en Afrique.
Pour aller plus loin :
Quand féminisme et écologie se rencontrent -
Mozambique : les communautés contre la plaie du charbon
Le mépris et la violence pour toute réponse… Est-ce la goutte d’eau qui fera déborder le vase ? Le 6 mai dernier, dans la commune de Moatize qui jouxte Tete, capitale de la province mozambicaine du même nom, plus d’une centaine de personnes du quartier Primeiro de Maio ont bloqué pendant plusieurs heures la desserte de la mine de charbon voisine.
Les communautés locales n’ont jamais été consultées. Nous n’avons compris l’ampleur des projets que le jour où l’on a signifié à des milliers de familles qu’elles seraient déplacées pour laisser la place aux mines.
Leur protestation n’était pas motivée par les considérables nuisances générées par l’extraction à ciel ouvert – bruit, pollution de l’air, de l’eau, des terres –, mais plus prosaïquement par la défense des conditions mêmes de leur survie.
L’expansion minière, qui phagocyte déjà au moins 40 000 hectares de terre dans la région, a coupé l’accès à la rivière Moatize : plus d’eau pour l’irrigation, plus d’argile pour les briqueteries artisanales.
Ce n’est pas la première fois que des riverains lésés manifestent contre la multinationale brésilienne Vale qui exploite le site : les indemnités promises n’arrivent pas, ou bien elles ne sont pas à la hauteur. Et puis tout traîne en longueur. Les tentatives de corruption sont courantes, des responsables de communautés sont accusés de négocier avec les compagnies pour leur propre compte. La zizanie s’installe. Ainsi, les gens de Primeiro de Maio se sont-ils entendu rétorquer à leurs demandes que leur préjudice avait déjà été compensé. Un contentieux qui dure depuis deux ans
La violence policière fait monter les tensions
Cette stratégie d’épuisement des oppositions est bien identifiée : Vale l’a pratiquée auparavant avec d’autres communautés, dénonce l’ONG Justiça Ambiental (JA), partenaire du CCFD-Terre solidaire au Mozambique, et qui soutient les populations affectées par la plaie de l’exploitation charbonnière. Vale avait accepté d’envoyer des représentants pour discuter avec les protestataires, mais c’est la police qui est venue, menaçant de « faire couler le sang ».
Lacrymogènes, tirs à balles de caoutchouc, détentions arbitraires… Cette violence inusitée a fait monter d’un cran la tension entre des populations excédées et des compagnies minières aux intérêts économiques désormais fragilisés par la crise.
L’aventure du charbon industriel, au Mozambique, est récente et fulgurante. En 2004, on identifie dans la région de Tete l’un des plus importants gisements au monde. La houille, qui apparaît dans la balance commerciale en 2010, fournit huit ans plus tard la première source de devises du pays (33 %), devenu 10 e exportateur mondial. « Mais les communautés locales n’ont jamais été consultées, se remémore Daniel Ribeiro à JA. Nous n’avons eu connaissance de l’ampleur des projets que le jour où l’on a signifié à des milliers de familles qu’elles seraient déplacées pour laisser place aux mines. »
Province de Tete au Mozambique Si d’autres grandes compagnies minières, comme Jindal (Inde) ou Rio Tinto (Australie) ont aujourd’hui leur part du gâteau, c’est bien Vale qui a mené le bal. Le géant brésilien a ouvert la région au charbon et bâti d’importantes infrastructures. « C’est aussi Vale, soutenue par le gouvernement, qui a défini les normes d’indemnisation des populations, poursuit Daniel Ribeiro. Et, dans un premier temps, les promesses d’enrichissement faites aux communautés ont emporté leur adhésion. »
Mais elles déchanteront rapidement. Les entreprises limitent les compensations aux seuls lopins familiaux, écartant du calcul les terres d’usage collectif régies par le droit coutumier ancestral, représentant la grande majorité des hectares perdus.
Les communautés sont relogées à distance du fleuve, où se concentrent les bonnes terres dans cette région sèche. L’installation d’écoles et de services de santé tarde. Rejetés à plusieurs dizaines de kilomètres des marchés de Tete, les paysans voyaient filer près d’un quart de leur budget en transport avant la mise en place de lignes de bus à bas coût. Les petits briquetiers ont périclité, concurrencés par des entreprises de construction attirées par le boum économique local.
« D’une manière générale, toutes les compensations ont été nivelées par le bas, résume Daniel Ribeiro. Notamment pour les terres dont la valeur a été fixée au début de l’exploitation charbonnière. Mais depuis, la fièvre économique locale a fait exploser le marché foncier, spoliant les familles qui se retrouvent avec des biens d’une valeur ridicule. Vale a profité de leur naïveté… »
Justiça Ambiental informe les communautés de leurs droits
Nous avons créé une culture de la revendication au sein de groupes qui n’imaginaient pas se battre pour leurs droits et contre les compagnies qui les ont floués.
Dès le départ, JA a lancé auprès des communautés une campagne d’information sur les impacts sanitaires et environnementaux, ainsi que sur leur droit à de justes compensations pour la perte d’accès à l’eau et à la terre. Des échanges ont été organisés avec des communautés sud-africaines et brésiliennes aux prises elles aussi avec le charbon ou avec Vale.
« Nous avons créé une culture de la revendication au sein de groupes qui n’imaginaient pas se battre pour leurs droits, commente Daniel Ribeiro. Aujourd’hui, ils manifestent une hostilité croissante envers des compagnies qui les ont floués. »
D’autant plus que Vale a annoncé, début 2021, son intention de se retirer du charbon mozambicain. Depuis quelques mois, des revers significatifs l’affectent : le minerai baisse en qualité, des soucis techniques apparaissent, le charbon local est concurrencé par de nouveaux acteurs étrangers. Cette énergie fossile est, en outre, la première cible de la lutte climatique internationale. « La tension monte, parce que la multinationale est soupçonnée de vouloir quitter le pays sans avoir réglé sa dette sociale envers les communautés. »
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En RDC : soutenir les femmes victimes des rebelles islamiques
Samuel Pommeret, chargé de mission Afrique, nous éclaire sur la situation en RDC, où de nombreux habitants vivent sous la terreur du groupe armé, ADF, proche de l’Etat Islamique. Avec lui, découvrons l’action de notre partenaire UWAKI qui vient en aide aux populations persécutées, en particulier les femmes.
Femmes paysannes de Masisi, Nord-Kivu, soutenues par UWAKI © William Dupuy / CCFD-Terre Solidaire Au Nord Kivu : les rebelles du groupe armé ADF attaquent les populations
Depuis 2015, à l’Est de la République Démocratique du Congo, la région de Béni au Nord Kivu, est frappée par le climat de violence et de terreur perpétré par les Forces Démocratiques Alliés (ADF).
Ce groupe armé, composé à l’origine de combattants musulmans ougandais, revendiquent aujourd’hui son appartenance à l’Etat Islamique et vit principalement du pillage des populations et de trafics divers.
Les massacres se multiplient, les villages sont pillés et brûlés.
Les femmes et les jeunes filles sont les premières victimes et vivent dans la crainte d’être attaquées et enlevées. Contraintes de fuir, elles ne peuvent plus cultiver leurs terres pour nourrir leurs familles.
Les opérations de l’armée congolaise ne parviennent pas à mettre fin à cette situation dramatique et participent à une escalade de la violence.
UWAKI, mène une action multidimensionnelle pour soutenir les femmes victimes
UWAKI, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, se mobilise notamment aux côtés des femmes déplacées pour les mettre à l’abri, les écouter et les aider à surmonter leurs blessures psychologiques.
L’association les aide à reprendre leurs activités agricoles et économiques.
Elle mène également des actions de plaidoyer auprès des autorités politiques et militaires pour les interpeller sur la nécessité d’apporter une réponse qui ne soit pas seulement sécuritaire, mais aussi civile et politique.
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Plaidoyer pour la paix en RDC, en Israël Palestine, et en Colombie
À travers ses partenariats, le CCFD-Terre Solidaire est présent dans de nombreuses régions en conflit. Une connaissance de terrain précieuse pour faire du plaidoyer pour la paix.