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Justice climatique : une priorité pour lutter contre les inégalités en Afrique Australe (interview)
Ceux qui ont le moins contribué au changement climatique en souffrent le plus
Qu’est-ce que la justice climatique ? Quelles sont les personnes concernées ?
Éclairage depuis l’Afrique australe, où les populations victimes des changements climatiques et de l’exploitation minière veulent faire respecter leurs droits.Charlotte Kreder, chargée de mission Afrique Australe et Océan Indien au CCFD Terre-Solidaire, explique pourquoi la « justice climatique » est vitale dans la région dont elle s’occupe. Alors que le Mozambique et Madagascar ont très peu contribué au dérèglement climatique, leurs populations sont parmi les plus touchées par les phénomènes extrêmes.
Pourquoi la « justice climatique » est-elle devenue une priorité en Afrique Australe ?
Charlotte Kreder : Dans cette zone le CCFD-Terre Solidaire a des partenaires en Afrique du sud, au Mozambique et à Madagascar. Dans ces trois pays, des phénomènes climatiques récurrents gagnent en intensité.
En Afrique du Sud, les sécheresses alternent avec les inondations dans plusieurs provinces.
Le Mozambique ne s’était pas encore remis des deux cyclones de 2019 – dont le premier, Idai, a été qualifié comme étant le plus dévastateur qu’ait connu l’hémisphère Sud – qu’un autre cyclone le frappait en début d’année.
Dans le Sud de Madagascar, une famine sévit en raison de la sécheresse. Elle est considérée par l’ONU comme la première résultant du dérèglement climatique.
Dans ces trois pays, la justice climatique concerne également les personnes qui souffrent de l’air pollué ou qui doivent travailler une terre contaminée.
La province du Mpumalanga, en Afrique du Sud est une des régions les plus polluées au monde, elle abrite 12 centrales à charbon. Les populations sont cernées par des mines qui déversent leurs déchets en toute impunité viciant l’air, les terres, les nappes phréatiques.
Reportage sur l’organisation panafricaine WoMin, soutenue par le CCFD-Terre solidaire, qui sensibilise les femmes aux impacts environnementaux et sociaux des compagnies minières (2017) ©Laurent Hazgui/CCFD-Terre Solidaire Comment demander la justice climatique dans ces conditions ?
Les pays développés ont une responsabilité historique dans la crise climatique et les entreprises jouent également un rôle. 71% des émissions de gaz à effets de serre sont produits par 100 sociétés commerciales.
71% des émissions de gaz à effet de serre sont produites par 100 sociétés commerciales
L’exemple des projets d’extraction de gaz dans la province de Cabo Delgado au Mozambique qui pourraient générer autant de gaz à effet de serre que sept années d’émissions de la France est parlant.
Cette bombe climatique entraine également l’expulsion des populations locales et les laisse sans ressources.Devant les dommages qu’ils provoquent, nous devons mettre ces acteurs face à leurs responsabilités, leur demander réparation et les forcer à diminuer leurs activités génératrices de gaz à effet de serre.
En 2019, une alliance africaine pour la justice climatique a vu le jour. Elle regroupe des mouvements sociaux et des organisations de la société civile dont plusieurs partenaires du CCFD-Terre Solidaire.
Une déclaration a été signée par plus de 300 organisations. Elle insiste sur le soutien aux services essentiels, comme l’eau ou la santé. Elle demande qu’il soit mis fin à tous les projets d’exploitation des combustibles fossiles.En quoi la recherche de la « justice climatique » rejoint-elle la « justice sociale » ?
Ceux qui contribuent le moins au changement climatique en subissent le plus les conséquences.
C’est le cas des paysans malgaches confrontés aujourd’hui à la sécheresse.
C’est le cas également des habitants des townships du Cap qui souffrent régulièrement du manque d’eau quand, à quelques dizaines de kilomètres de là, les habitants des zones résidentielles utilisent leurs piscines, leurs climatiseurs et jouent au golf.
La question climatique ne peut être abordée, uniquement, sous l’angle de mesure des émissions de gaz à effets de serre.
Il s’agit aussi de « justice sociale », de faire converger les luttes en faveur d’un autre paradigme de développement qui donnerait la priorité au vivant et à une juste répartition des richesses.
Cela nécessite de s’attaquer à des questions systémiques telles que le racisme, le patriarcat, l’impunité des multinationales ; les politiques néocoloniales.
C’est le concept d’écologie décoloniale mis en avant par Malcom Ferdinand dans un ouvrage récent et qui est en phase avec les visions défendues par nos partenaires.
Pierre Cochez
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A Madagascar, le jeune Toavina lutte pour la justice climatique #générationclimat
Toavina Rasolofoson fait partie de cette génération qui partout dans le monde s’engage pour la justice climatique. Avec l’organisation Craad Oi, soutenue par le CCFD-Terre Solidaire, il alerte sur l’impact du développement des industries extractives, consommatrices d’eau et de terres à Madagascar. Notamment dans le sud du pays en proie à une sécheresse historique.
En 2015, à 23 ans, Toavina Rasolofoson suit, par Internet, tous les travaux de la conférence de Paris sur le climat, la COP 21. Il prend conscience de l’urgence d’agir et de s’engager pour son île.
Une année plus tard il fait la connaissance de Zo Randriamaro, une sociologue malgache, l’une des fondatrices de l’ONG Craad Oi. « Elle sensibilisait les populations aux projets étrangers d’extraction de minerais rares qui induisent des risques climatiques importants » poursuit Toavina.Prouver aux communautés qu’elles peuvent faire valoir leurs droits
© CRAAD-OI / CCFD-Terre Solidaire Aujourd’hui, il assure à son tour des formations pour les adhérents du Craad Oi (Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement dans l’océan indien). L’organisation, qui a été créée en 2012, regroupe 6 000 membres, issus en majorité du monde ouvrier et paysan.
« Nous expliquons aux communautés les raisons du changement climatique et comment obtenir justice face aux dommages dont elles souffrent. Nous voulons prouver aux communautés locales qu’elles peuvent revendiquer leurs droits » explique Toavina.
C’est certain, ce jeune malgache prend sa vie au sérieux. Il n’y a qu’à voir son regard droit et grave, sa concentration durant les formations qu’il assure. Il achève, en même temps, son Master 2 de sciences politiques à l’université d’Antananarivo, après des études de droit.Les “terres rares”, des minerais indispensables aux nouvelles technologies et dont l’exploitation est catastrophique
Taovina habite l’un des plus pauvres pays au monde. En même temps, le sous-sol de son île renferme des richesses qui intéressent le monde entier. Comme ces « terres rares » utilisées pour la fabrication des écrans d’ordinateur et omniprésentes dans les nouvelles technologies. « Les Allemands se sont intéressés à leur exploitation. Maintenant, ce sont les Chinois » constate Toavina.Ces exploitations minières, très gourmandes en énergie et en eau, accentuent la sécheresse et le manque d’eau.
Elles occupent des terres précieuses dans un pays où 80% de la population vit de l’agriculture.
« Nos terres sont fertiles et nous nourrissent. La rareté de l’eau et des terres crée des tensions ethniques et provoque des migrations de population » résume Toavina.
« Nous devons protéger nos terres. Les jeunes que je rencontre sont conscients des effets du changement climatique et persuadés que nous n’en sommes qu’au début de ce changement. Notre rôle est de les former et de les motiver à s’organiser pour faire entendre leur voix. »Les grands états reconnaissent le changement climatique, leurs entreprises l’accentuent
© CRAAD-OI / CCFD-Terre Solidaire Dans le sud de l’île, la situation est encore plus critique avec la sécheresse qui sévit depuis des mois. L’extraction de composants chimiques près de Tuléar nécessite beaucoup d’eau et cela contribuera à assécher la nappe phréatique.
Au sud toujours, QMM – filiale du groupe minier anglo-australien Rio Tinto – entreprend l’exploitation de l’ilménite, dans une zone où les équilibres agricoles sont fragiles.Des pétitions, des marches, des procédures juridiques
Craad Oi défend la lutte des communautés riveraines du site minier de QMM-Rio Tinto pour l’indemnisation de leurs terres. Par des pétitions, des marches, des procédures juridiques et des alertes à la communauté internationale.
En 2015, Taovina avait été impressionné par l’unanimité des pays à la COP 21. Tous reconnaissaient les effets négatifs du développement économique sur le climat et leur responsabilité.
« Mais les grandes entreprises des grands pays ont, sur le terrain, des comportements différents, notamment en multipliant les activités extractives. On nous annonce des taux de croissance mirobolants avec ces activités. Mais l’important pour nous c’est de continuer à avoir des aliments pour manger et vivre sainement. »
Taovina se forme sur la justice climatique sur You tube, est membre de groupes de discussions sur internet, grâce à sa maîtrise de l’anglais et du français. Une manière « de porter la voix des jeunes malgaches. »Pierre Cochez
A lire pour en savoir plus sur le combat de Craad Oi :
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A Madagascar, l’exploitation aurifère de Vohilava ferme à la suite de la mobilisation de la population
Le CCFD-Terre Solidaire salue l’annonce de la fermeture du site aurifère de Vohilava exploité par une société chinoise à Madagascar. Cette exploitation entraînait des effets catastrophiques sur l’environnement, la santé, les droits et les moyens d’existence de la population locale qui se mobilisait contre ce projet.
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Madagascar : le militant écologiste Raleva écope de deux ans de prison avec sursis
M. Raleva, défenseur des droits environnementaux à Madagascar, a été condamné le 26 octobre 2017 à deux ans de prison avec sursis. Son tort : s’être opposé à un projet illégal d’exploitation aurifère.
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Le don de carême : le plus beau des gestes fraternels
“En ce temps de carême, ouvrons notre coeur à Dieu, à l’humanité tout entière. Par notre foi, trouvons la force de contribuer à la construction d’un monde plus juste et plus solidaire. Par notre conviction, partageons avec les plus pauvres où qu’ils soient dans le monde. Par notre espérance, donnons et marchons vers Pâques sur un chemin de solidarité.”
Actuellement, dans le monde, 798 millions de femmes et d’hommes souffrent de la faim, soit 1 personne sur 9 [[Selon le rapport FAO 2015 et le Programme alimentaire mondial.]].Accaparement des terres, règles injustes du commerce mondial, manque de moyens, absence de formation, conflits, catastrophes naturelles… Du jour au lendemain pour certaines de ces victimes, en quelques mois pour d’autres, elles se retrouvent privées de nourriture et de tout avenir. Parce que ces situations sont inacceptables, parce que nous refusons cette fatalité, depuis 1961 le CCFD-Terre Solidaire a soutenu plus de 21 000 projets dans 80 pays.
Grâce à vos dons, participez à leurs histoires
Votre don permet à nos partenaires sur le terrain de mener des actions concrètes qui contribuent à leur apporter une autonomie alimentaire durable.
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Nutri’zaza, lauréate du Grand prix de la finance solidaire Le Monde/Finansol
Le Grand prix de la finance solidaire Le Monde/Finansol a récompensé le 3 novembre Nutri’zaza, une entreprise sociale malgache soutenue par la SIDI, filiale créée par le CCFD-Terre Solidaire pour favoriser l’accès à la micro-finance dans les pays du Sud
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Pétition pour soutenir les paysans malgaches contre l’accaparement des terres
La plateforme Solidarité des Intervenants sur le Foncier (SIF) partenaire du CCFD-Terre Solidaire à Madagascar, et le Collectif pour la Défense des Terres Malgaches (TANY) appellent les citoyens du monde entier à soutenir les communautés locales malgaches, en particulier les paysans, en signant une pétition contre des projets de lois et politiques favorisant l’accaparement des terres
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Madagascar, une plateforme associative se mobilise autour de la réforme foncière
A Madagascar, la Solidarité des intervenants sur le foncier (SIF), plateforme nationale de 27 ONG, associations et organisations paysannes, se mobilise pour faire appliquer au mieux la réforme foncière de 2005. Son objectif : promouvoir la sécurité alimentaire, la transparence dans la gestion foncière, et lutter contre l’accaparement des terres.
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Un projet de gouvernance minière pour Madagascar
Améliorer la gouvernance dans l’exploitation des mines, gérer les recettes de manière plus transparente et veiller à ce qu’elles servent au développement… Telles sont les ambitions du projet Taratra, lancé en 2009 par la Conférence épiscopale de Madagascar (CEM), et dont le CCFD-Terre Solidaire est partenaire depuis 2014.
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Réduire la pauvreté à Madagascar
Agir en faveur du développement durable dans un pays très pauvre dirigé par un régime de transition non-élu, n’est-ce pas une gageure ? « C’est un vrai défi, convient en souriant Herimena Ratsimbarison, agronome de 36 ans, mais il ne faut pas désespérer, l’horizon politique s’éclaircit.
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Madagascar est toujours à la recherche des voies et moyens pour mettre en place la transition politique.
Le 9 février 2011,
Madagascar est toujours à la recherche des voies et moyens pour mettre en place la transition politique menant à la restauration de l’ordre constitutionnel. Après plusieurs mois de blocage de la Médiation internationale et dans le cadre des différents efforts menés par plusieurs organisations de la société civile (OSC) pour aider à trouver une sortie de crise, la mise en place de la CNOSC et l’initiative nationale d’organiser le dialogue de Vontovorona ont permis de relancer le processus de médiation.
L’atmosphère de dialogue et la dynamique ainsi imprimées ont permis aux Émissaires de la Médiation internationale de rebondir en remettant aux différents groupes politiques, un projet de «feuille de route de sortie de crise en date du 20 Janvier 2011». Lors de la conférence de presse des Emissaires le jeudi 27 Janvier 2011, une version corrigée tenant compte des différentes propositions a été communiquée.
A cette occasion, la CNOSC tient à rappeler ce que toutes les parties prenantes et la Communauté Internationale reconnaissent, qu’une transition neutre, consensuelle et inclusive est la voie unique pour « sortir de la crise » de manière durable.
Cependant, la mise en place d’une telle transition n’est possible qu’avec des acteurs politiques animés d’un esprit de tolérance et de respect des engagements. C’est la raison pour laquelle il est primordial de déclencher dès maintenant le processus de Réconciliation Nationale et de pardon comme l’a souligné l’appel des Raiamandreny du FFKM. La sortie de crise sur le court terme doit se faire en parallèle avec une réflexion de fond concernant la refondation de la République nécessitant un travail d’appropriation de la population dans un environnement apaisé.
Pour éviter les crises politiques anticonstitutionnelles répétitives, la réussite de la transition actuelle doit prendre en compte les raisons des échecs des transitions passées, lesquelles ayant été basées sur des dialogues tronqués et des actions unilatérales menées par la partie dominante du moment. L’inclusivité et la consensualité permettent de corriger les erreurs du passé dans le respect de l’esprit du «fihavanana» et d’organiser des élections libres, justes et transparentes dans des délais crédibles, dont les résultats seront acceptés par tous. Étant bien entendu que l’inclusivité dans la participation des groupes politiques ne signifie pas unanimité dans les décisions.
Il importe que les Institutions et les organes de la Transition soient bien identifiés, leurs fonctions respectives précisées et le mode de désignation des membres explicité.
En particulier et surtout, l’indépendance effective de la CENI tant au niveau de sa composition, de ses pouvoirs réels, que de son fonctionnement, incluant l’appui technique et financier de la communauté internationale, l’éventuelle participation des organismes internationaux à un niveau approprié et la neutralité d’un mécanisme de validation des résultats électoraux par un organe approprié doivent être garanties. Conformément aux résultats de la session de Vontovorona, la restructuration et la recomposition de la Haute Cour Constitutionnelle sont à entreprendre.
Ayant à l’esprit la nécessité de la réconciliation nationale, la répartition des responsabilités au sein des Institutions de la transition (Gouvernement d’Union Nationale de Transition, Conseil Supérieur de la Transition, Congrès de la Transition, …) et à différents niveaux de l’État se fera sur la base du principe de l’inclusivité et du partage équitable entre les groupes politiques selon des critères de compétence, de crédibilité et d’intégrité.
La composition du Gouvernement d’Union Nationale de la Transition (GUNT), dirigé par un Premier Ministre choisi de manière consensuelle par les groupes politiques, investi d’un certain pouvoir lui permettant d’œuvrer dans l’esprit et pour la réussite de cette Transition, devra être clairement déterminée par ceux-ci avant toute tentative de mise en œuvre. La répartition entre les différentes parties des postes au sein du GUNT devra être aussi juste et équitable que possible.
Le GUNT a pour entre autres missions de garantir la neutralité et l’impartialité de l’administration. Pour la crédibilité et la cohésion du GUNT, et dans le but d’instaurer une sérénité parfaite dans toutes les actions qu’il aura à mener, tous les membres du Gouvernement dont le Premier Ministre doivent s’engager à s’abstenir de se présenter aux élections présidentielles et législatives organisées pendant la transition. Sur ce point, les organisations de la société civile se sont largement exprimées et en ont fait une question de principe pour garantir la paix sociale face aux tensions politiques prévisibles lors des prochaines élections.
La paupérisation croissante, l’insécurité des personnes, des biens et des investissements ainsi que la récession et l’inflation économiques engendrées par la crise politique ont un impact incommensurable sur la vie nationale. Nous invitons les forces politiques à dialoguer en toutes responsabilités et à trouver un consensus pour favoriser une sortie de crise durable dans les meilleurs délais.
La CNOSC espère que ce bref rappel aidera le pays à avancer vers la sortie de crise et contribuera à la réussite des efforts de médiation en cours. La CNOSC ne peut qu’être sensible à la volonté des organisations de la société civile (grands corps de l’État, syndicats, associations, ONGs, etc.) à trouver une solution durable pour que plus jamais l’alternance politique ne se fasse par la rue mais par des mécanismes institutionnels.
L’approche malgacho-malgache de la Médiation Nationale se complèterait et devrait se conjuguer avec le travail de la Médiation Internationale. La CNOSC réitère, en tous les cas, sa disponibilité à apporter sa part à l’œuvre collective de sursaut national attendu de toutes les forces vives de ce pays particulièrement de la classe politique.
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Recherche d’une problématique sortie de crise
Au seuil de 2011, Madagascar entame une troisième année de Transition, et ses politiciens sont toujours à la recherche d’une problématique sortie de crise. Il n’est sans doute pas excessif d’en conclure que les hommes politiques continuent à entretenir le désaccord, tout en profitant au maximum d’une situation qui profite au plus grand nombre d’entre eux. Après ces 24 mois d’attente, où en sont le pays, les institutions et les citoyens ?