Pérou : les Indiens d’Amazonie ne sont pas la priorité de l’État !
La politique de développement de l’État péruvien menace directement le mode de vie des peuples indigènes. Certaines communautés sont entrées en résistance. Rencontre avec Ismael Vega Díaz, directeur du Centre amazonien d’anthropologie et d’application pratique (CAAAP), partenaire du CCFD-Terre Solidaire, qui accompagne les communautés.
Quelle est la situation actuelle des indigènes d’Amazonie au Pérou ?
Ismael Vega Díaz : Après les graves événements de Bagua en juin 2009 (voir encadré), l’État a dû faire évoluer sa politique. Depuis 2011, une loi oblige à demander l’avis des populations indigènes avant tout projet pouvant affecter leurs territoires. Mais, sept ans plus tard, l’État continue de favoriser les investissements privés aux dépens des droits des peuples et de l’environnement. Le principal problème est donc le modèle de croissance économique en vigueur au Pérou depuis près de quatre décennies, largement orienté vers l’extraction des ressources naturelles.
Le massacre de Bagua
La confiance n’a jamais vraiment régné entre les Indiens d’Amazonie et l’État péruvien. Mais elle a définitivement disparu avec « le massacre de Bagua ». Entre avril et juin 2009, 2500 Indiens Wampis et Awajun bloquent un axe routier au nord-est de l’Amazonie péruvienne. L’objectif ? S’opposer à un projet d’extraction pétrolier au cœur de la forêt, validé par Alan Garcia, le président de l’époque, mais sans consultation des peuples. Face à la résistance wampis, le président a envoyé la police. Bilan ? 33 morts, dont 12 policiers, et plusieurs dizaines de blessés. Les 52 indigènes, accusés à l’époque d’avoir participé aux affrontements, ont finalement été acquittés en novembre 2016. Le projet lui, a été abandonné en 2010.
Pourtant, cette loi sur la consultation préalable était porteuse d’espoir ?
I. Vega Díaz : Oui ! Elle représentait un espace de dialogue interculturel et de respect des droits. Mais les peuples indigènes ont rapidement déchanté car l’État, au nom de la « nécessité nationale du développement », a adopté une série de mesures et de textes visant à réduire ou à rendre plus flexibles les exigences et les normes environnementales indispensables à la protection des territoires indigènes. Accompagné d’un discours sur la nécessité de simplifier les démarches pour les investissements, « d’en finir avec les lourdeurs administratives qui nuisent au développement du pays ».
Au nom du développement, l’Etat a adopté des mesures pour rendre plus flexibles les normes environnementales indispensables à la protection des territoires indigènes.
Quelle est la réalité des investissements en Amazonie péruvienne ?
I. Vega Díaz : Aujourd’hui, plus de 70 % du sous-sol fait l’objet de concessions accordées à des compagnies pétrolières sous forme de lots. La majorité d’entre elles sont encore en période d’exploration. Mais toutes sont situées sur des territoires indigènes, voire dans des zones naturelles protégées qui sont légalement intouchables ! Il faut rappeler que l’État péruvien est propriétaire du sous-sol. En outre, plus d’un millier de communautés indigènes n’ont toujours pas de titres de propriété, collectif ou individuel, pour les terres sur lesquelles elles vivent, parfois depuis plusieurs générations.
Comment les peuples indigènes s’organisent-ils ?
I. Vega Díaz : Ils développent plusieurs stratégies. Ils continuent bien sûr à vérifier que les consultations préalables sont correctement organisées et que leurs résultats sont respectés. Ce n’est pas facile, car les populations indigènes ne sont pas toujours préparées, ou suffisamment accompagnées, face à la complexité administrative de ces processus de consultation. Par ailleurs, des demandes de reconnaissance de « territoire intégral » et de gouvernement autonome émergent dans différentes régions de l’Amazonie péruvienne. La plus avancée est celle des Wampis, mais une demi-douzaine d’autres initiatives sont en préparation.
Ces processus, longs et complexes, ne sont pas vus d’un bon œil par le gouvernement, qui les voit d’abord comme une démarche sécessionniste. Pour notre part, nous appuyons et accompagnons ces initiatives (voir encadré), car elles constituent un nouveau paradigme dans la relation entre l’État et les peuples indigènes. Enfin, les peuples indigènes sont de plus en plus présents dans les instances publiques régionales et locales et tentent de faire entendre leur voix dans la construction de politiques publiques.
Propos recueillis par Jean-Claude Gérez
Une dynamique appuyée par nos partenaires
Quatre partenaires du CCFD-Terre Solidaire soutiennent, de près ou de loin, les Wampis. Comme le CAAAP, Forum Solidaridad Perú (FSP) a accompagné l’élaboration des statuts de la nation afin qu’ils soient conformes avec le cadre légal péruvien. FSP facilite également la participation des Wampis à des rencontres et événements nationaux et internationaux. CooperAcción, un autre partenaire, apporte son expertise sur la thématique de l’exploitation minière illégale. Enfin, la Commission épiscopale d’action sociale (CEAS) assure le lien des Wampis avec le Réseau ecclésial pan-amazonien (Repam).
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