Légende : Vert – proposition ambitieuse ; Orange - dans la bonne direction mais incomplet et Rouge - insuffisant

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Pour en finir avec les paradis fiscaux et le pillage des ressources publiques

Publié le 24.04.2013| Mis à jour le 08.12.2021

L’enquête « Offshore leaks » et le scandale Cahuzac démontrent une nouvelle fois le manque d’efficacité des mesures déployées depuis 2009 pour lutter contre l’opacité financière et les paradis fiscaux. Si elles ne révèlent rien de vraiment nouveau, ces affaires attestent de la vitalité de l’industrie de l’évasion fiscale avec ses « VIP », particuliers ou entreprises et ses montages juridiques ubuesques imaginés par les banques et les sociétés de services financiers spécialisées dans le contournement de l’impôt.

Le président François Hollande a annoncé le 10 avril 2013 une série de mesures pour renforcer la transparence de la vie publique et les moyens de lutte contre la grande délinquance économique et financière et les paradis fiscaux. Ce document évalue ces annonces et formule de nombreuses recommandations pour les améliorer. Dans l’ensemble, les réformes annoncées vont dans le bon sens. Plusieurs d’entre elles reprennent explicitement des propositions portées de longue date par les organisations de la « Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires » pour cibler les utilisateurs et les intermédiaires de l’opacité financière. Des mesures sur lesquelles nous avions reçu des réponses inégales de la part du candidat Hollande pendant la campagne et un avis très réservé de Bercy. Néanmoins, pour être efficaces, ces annonces doivent être complétées, assorties de moyens et faire l’objet d’un soutien politique sans faille pour qu’elles deviennent la règle en France, en Europe et dans le monde. Au-delà des efforts pour imposer la transparence aux territoires non coopératifs, il est indispensable de désarmer l’industrie de l’évasion fiscale qui continue de prospérer malgré la crise. La plateforme rappelle que : – Des centaines de milliards d’euros de recettes fiscales échappent aux Etats riches comme aux pays en développement (avec des chiffres en hausse : 30 à 36 milliards d’euros par an de fraude fiscale internationale en France, selon la commission d’enquête du Sénat de 2012 à laquelle s’ajoute la fraude à la TVA intracommunautaire, intégrés dans les 60 à 80 milliards d’euros de fraude estimés par Solidaires Finances Publiques ; des flux financiers illicites sortants des pays en développement en 2010 qui s’élevaient à environ 850 milliards d’euros, soit 26% de plus qu’en 2009 – selon GFI ; 1000 milliards d’euros d’évasion fiscale annuelle au sein de l’UE). – En moyenne 100 filiales dans les paradis fiscaux pour chacune des 50 premières entreprises européennes [[Merckaert et Nelh, « L’économie Déboussolée. Multinationales, Paradis fiscaux et Captation des richesses », rapport du CCFD-Terre Solidaire, décembre 2010.]]. – Des millions de sociétés écrans dans le monde pour dissimuler l’identité des détenteurs d’un compte bancaire ou du propriétaire d’une entreprise (34 sociétés par habitant aux Iles Vierges Britanniques, 2.1 au Liechtenstein, 1.7 aux Iles Caïmans ou 1 au Delaware). – Une industrie florissante des intermédiaires : sociétés de services financiers, avocats d’affaires, fiscalistes, et cabinets d’audit et de conseils dont les quatre leaders comptent 700 000 spécialistes dans 150 pays avec un chiffre d’affaires de près de 100 milliards de dollars par an. Les nécessaires réformes du système fiscal mondial ne doivent pas oublier les pays en développement. Premières victimes de ces mécanismes de pillage des ressources publiques, ils perdent chaque année en flux illicites plus de dix fois ce qu’ils reçoivent en Aide publique au développement. Environ 850 milliards d’euros sur lesquels les Etat ne peuvent pas collecter l’impôt, soit un manque à gagner en recettes fiscales considérable pour financer des politiques publiques d’éducation, de santé ou investir dans l’agriculture. Alors que les pays riches semblent découvrir les impacts nocifs des paradis fiscaux sur leurs propres économies, il ne faudrait pas que le sort des pays les plus pauvres soit relégué au second plan. Toutes les mesures envisagées pourraient être bénéfiques pour tous à conditions d’être pensées comme telles. Détail des annonces sur « la transparence de la vie publique et le renforcement des moyens de lutte contre la grande délinquance économique et financière et les paradis fiscaux » Communication du Premier Ministre – 10 avril 2013
Légende : Vert – proposition ambitieuse ; Orange - dans la bonne direction mais incomplet et Rouge - insuffisant
Légende : Vert – proposition ambitieuse ; Orange – dans la bonne direction mais incomplet et Rouge – insuffisant

Lutter contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales

Comment faire ? – Garantir la publication des informations pays par pays pour les banques en annexe des comptes annuels afin qu’elles soient disponibles non seulement pour les services fiscaux français mais aussi pour les administrations fiscales des pays en développement, des salariés, des investisseurs et du grand public – Conserver la proposition des sénateurs dans le projet de réforme bancaire qui prévoit des sanctions à l’encontre des dirigeants d’entreprises qui ne respecteraient pas cette règle de transparence, via des fausses déclarations ou omissions – Introduire des règles de transparence similaires dans les cahiers des charges de la BPI (Banque publique d’investissement), de l’Agence Française de Développement, de la COFACE (Agence française de crédit à l’exportation) – Exiger la transparence comptable pays par pays de la part des entreprises qui délocalisent leurs activités ou ferment des filiales, dans le cadre d’une éventuelle loi sur les reprises de site

Echange automatique d’information

Comment faire ? – Comme l’avait signalé le ministre des finances luxembourgeois, en décembre 2012, l’Union européenne dispose du cadre nécessaire pour exiger de la part du Luxembourg les mêmes conditions de transparence que celles accordées aux Etats-Unis. La Directive européenne d’assistance administrative permet de faire valoir la clause de la nation la plus favorisée pour mettre en place un échange automatique d’information au sein de l’Union Européenne aussi large que celui prévu à partir des accords bilatéraux suite à FATCA – La France pourrait annoncer son intention de mettre en place une règle de type FATCA à l’échelle nationale pour encourager une décision européenne dans ce sens – La France et l’UE doivent exiger l’introduction d’un nouveau critère d’évaluation des pays par le Forum Fiscal Mondial, à savoir l’adoption du standard d’échange automatique d’information – Mettre en place des mécanismes pilotes pour offrir des conditions similaires d’accès automatique aux informations fiscales pour les pays en développement qui le souhaiteraient

Actualiser la liste des paradis fiscaux

Comment faire ? – La France doit actualiser depuis le 1er janvier 2013 sa liste des Etats et Territoires non coopératifs à partir des données disponibles sur l’effectivité des échanges – Introduire des critères d’accès aux financements publics sur la base d’un référentiel croisé entre les travaux du Forum Fiscal Mondial et du GAFI – Ajouter un nouveau critère sur l’échange automatique d’information dans les évaluations du Forum Fiscal Mondial.

Bannir les sociétés écrans

Comment faire ? – En France en ajoutant dans la loi qui prévoit l’enregistrement des trusts dont l’une des parties prenantes au moins est française ou les actifs sont détenus en France, l’obligation de déclaration des trusts étrangers dont le gestionnaire est situé en France – Au niveau de l’UE dans le cadre de la directive de lutte contre le blanchiment de l’UE qui est en cours de révision Une proposition de texte européen à muscler Dans une résolution votée le 15 septembre 2011, le Parlement européen avait invité « la commission à faire de la lutte contre les sociétés-écrans anonymes dans des juridictions opaques, utilisées pour entretenir des flux financiers délictueux, une priorité de la prochaine réforme de la directive sur le blanchiment de capitaux » (Point 20). De même, le rapport de la commission européenne concernant l’application de la directive sur la lutte contre le blanchiment en date du 11 avril 2012, préconisait « l’introduction, soit dans la directive anti-blanchiment, soit dans un autre instrument juridique existant dans le domaine du droit des sociétés, des mesures visant à promouvoir la transparence des personnes morales et constructions juridiques ». Pourtant, la proposition de directive publiée en février 2013 se limite à l’obligation pour les personnes morales de détenir des informations sur leurs propres bénéficiaires effectifs et de les mettre à disposition des autorités compétentes et des entités soumises à obligations. De même les fiduciaires devront déclarer leur statut lorsqu’ils deviennent clients d’une entité soumise à obligations et tenir les informations à disposition. Et les sanctions du respect de ces obligations sont laissées à l’entière initiative des Etats membres. Cette position est en deçà des notes interprétatives du GAFI à propos des recommandations révisées et ne mettront pas fin au commerce et à l’utilisation des sociétés écran au sein de l’UE à des fins de blanchiment y compris de la fraude fiscale. Par ailleurs, alors que la proposition de directive vise la fraude fiscale comme infraction sous-jacente du blanchiment, elle ne procède évidemment à aucune uniformisation de l’infraction. Il s’ensuit que cette précision ne changera strictement rien au droit existant. En effet, soit le pays sanctionne la fraude fiscale d’une peine d’emprisonnement supérieure à 1 an ou dont le minimum est supérieur à 6 mois, celle-ci se trouve alors automatiquement incluse dans le périmètre des infractions sous-jacentes visées, soit ce n’est pas le cas, et la fraude fiscale non punie d’une telle peine sera exclue du champ d’application de la directive [[Ainsi, par exemple en France, l’article 1741 du Code général des impôts sanctionne pénalement la fraude fiscale au premier euro avec une tolérance lorsque la dissimulation n’excède pas le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 € à condition toutefois que l’omission de déclaration n’ait pas été volontaire. En droit Luxembourgeois, seule l’escroquerie fiscale, lorsqu’elle porte « sur un montant significatif d’impôt et qu’elle a été commise par l’emploi systématique de manœuvres frauduleuses tendant à dissimuler des faits pertinents à l’autorité ou à la persuader de faits inexacts » est susceptible de sanctions pénales. Dès lors le champ des obligations déclaratives et de vigilance concernant le blanchiment de la fraude fiscale restera beaucoup plus étendu en France qu’au Luxembourg.]]. – Par les pays membres du G8 et du G20 qui ont mis le sujet à l’agenda cette année cf. Déclaration des Ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G20 d’avril 2013 : « Nous devons traiter les risques croissants liés à l’opacité des personnes et des accords légaux et encourager tous les pays à prendre des mesures pour être en conformité avec les standards du GAFI concernant l’identification des propriétaires/bénéficiaires réels des personnes morales, d’autres types de sociétés et des trusts; ceci est également important pour des raisons fiscales ».

Renforcer les sanctions

Dupliquer les règles de communication des montages Obligation doit être faite aux intermédiaires juridiques et financiers de déclarer aux autorités fiscales les montages ayant pour effet de soustraire leurs clients à l’impôt. Un tel dispositif, en place au Royaume-Uni depuis 2004 sous le nom de loi DOTAS (Disclosure of tax avoidance schemes), aurait rapporté au fisc britannique la coquette somme de 12.5 milliards £. Selon l’ancien agent des impôts Richard Brooks, cette mesure est de loin la plus efficace de l’arsenal anti-fraude outre-manche. Des mesures similaires existent au Canada, aux États Unis, au Portugal, en Australie et en Irlande. Pour la plate-forme PFJ, la France doit répliquer le dispositif en l’enrichissant d’une obligation de déclarer aussi à l’administration fiscale française les montages ayant pour effet de diminuer la charge fiscale de leurs clients à l’étranger. La France pourrait ainsi aider les pays en développement à mieux cibler leurs efforts de lutte contre l’évasion fiscale – un axe prioritaire de sa politique de développement. Renforcer les dispositifs de lutte Analyse de la PPFJ – Les transactions et les poursuites en matière fiscale dépendent du ministère du budget. La commission des infractions fiscales détermine quels sont les dossiers qui seront poursuivis et agit comme un filtre. Le procureur de la République n’est qu’un exécutant en matière fiscale où tout est verrouillé en amont. Cela explique le faible nombre de poursuites en ce domaine : environ un millier par an. Si M. Cahuzac devrait être poursuivi pour fraude fiscale (en plus du blanchiment), cette décision dépendrait donc entièrement de son successeur… – Le parquet est actuellement en état de « coma dépassé », selon le mot de l’ancien procureur général de la Cour de cassation. Certes, il faut reconnaître au garde des sceaux son absence d’intervention dans le cours de la justice. Mais une circulaire et une pratique peuvent changer à tout moment. Rien n’est dit sur l’indépendance de ce parquet pour engager des poursuites. – Les officiers de police judiciaire dépendent pour l’exécution des enquêtes de l’autorité judiciaire, mais pour leur carrière du ministère de l’intérieur. Ce statut rend vulnérable les policiers dans toutes les affaires sensibles. La question est ignorée, au profit d’une réforme des organigrammes. – Rien n’est dit sur le secret défense. Il serait pourtant utile, après de nombreuses enquêtes entravées au prétexte du secret défense, que la décision de déclassifier un document ne relève plus de la seule conscience du ministre, mais d’une autorité indépendante.

Prévention

Analyse de la PPFJ – Il est pertinent de renforcer le contrôle des patrimoines. La Commission pour la transparence de la vie politique dispose de compétences et de moyens limités, qui n’ont permis aucune sanction pour absence ou fausse déclaration depuis sa création en 1988. – Les rapports Sauvé et Jospin proposaient qu’une haute autorité de déontologie soit aussi en charge de contrôler le passage du public au privé. Ce point n’est pas traité. La Commission de déontologie de la fonction publique est aujourd’hui compétente en ce domaine. Son crédit a été affaibli par l’affaire Pérol. Elle n’a pas non plus compétence sur les ministres. – Rien n’est dit du Service central de prévention de la corruption, autorité qui gagnerait pourtant à être renforcée, et qui pourrait, par exemple, recevoir une compétence pour le contrôle des marchés publics, la surveillance des activités de lobby ou la protection des lanceurs d’alerte. L’intégralité de la feuille de route : Pour en finir avec les paradis fiscaux et le pillage des ressources publiques Agenda : Loi proposée en conseil des Ministres en France le 24 avril 2013 Conseil Européen consacré à la lutte contre l’évasion fiscale le 22 mai 2013 Sommet du G8 les 17 et 18 juin 2013 Réunion des Ministres des Finances et Gouverneurs des banques centrales du G20 les 19 et 20 juillet 2013 Sommet du G20 les 5 et 6 Septembre 2013 Membres de la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires : Les Amis de la Terre – Anticor – Attac France – CADTM France – CCFD-Terre Solidaire – CFDT – CGT – CRID – Droit pour la justice – Oxfam France – Justice et Paix – Réseau Foi et Justice Afrique Europe – Secours catholique Caritas France – Sherpa – Survie – Syndicat de la magistrature – SNUI – Transparence International France (www.stopparadisfiscaux.fr)

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