Premier bilan du Forum social mondial 2005, Porto Alegre.

Publié le 01.02.2005
Il faudra sans doute plusieurs semaines voire plusieurs mois pour tirer un bilan précis de la cinquième édition du forum social mondial. Mais au lendemain de la cérémonie de clôture, on peut déjà avancer quelques éléments d’évaluation de ce qui fut sans aucun doute le plus important des Forums sociaux en nombre de participants. Les chiffres restent à affiner, mais les organisateurs évaluent à 155.000 le nombre de délégués, dont 35.000 jeunes hébergés dans le campement de la jeunesse. 135 pays étaient représentés, 2.300 événements proposés ainsi que 500 manifestations culturelles (concerts, expositions, théâtre de rue, etc.).
A l’issue du forum, 360 propositions d’actions concrètes ont été formulées et affichées sur le  » Mur de propositions « , et les organisateurs de séminaires continueront d’alimenter le site Internet qui constituera la mémoire vive du FSM5 : www.memoria-viva.org.
De retour dans la ville qui l’a vu naître, on peut affirmer que lors de ce nouveau rendez-vous des altermondialistes, c ‘est véritablement l’  » esprit de Porto Alegre  » qui s’est imposé en 2005 : espace ouvert, débats horizontaux, diversité des acteurs présents et des sujets traités… les ingrédients du Forum social mondial tel qu’imaginé par ses initiateurs étaient tous réunis. L’événement a ainsi su résister au risque de récupération politique, tout en continuant à être un lieu de construction politique.
Lors d’une réunion de travail à Porto Alegre le 31 janvier animée par Bernard Pinaud, délégué général du CRID, les partenaires – essentiellement africains – des membres du collectif français, dont ceux du CCFD, présents au FSM5 ont échangé à chaud leurs impressions sur le Forum social mondial.
Solange Koné, de Côte d’Ivoire, a souligné la totale liberté d’organisation qui a été laissée aux organisateurs de séminaires et ateliers, ainsi que l’ampleur des moyens mis à leur disposition.
Pie Katihabwa, de Caritas Cameroun a cependant trouvé que les débats étaient majoritairement animés par des représentants d’organisations du Nord, et ce même quand il s’agissait d’aborder des problématiques africaines.
Pour beaucoup de membres d’organisations africaines, dont Hamidou Mamadou du Niger, il s’agissait d’une première participation à un forum social mondial. Pour eux, ce fut l’occasion de nouer de nouveaux contacts avec des ONG de leur continent ou de leur pays. Mais ils attendent de voir se concrétiser les propositions élaborées lors des séminaires. Plusieurs participants ont aussi souligné la difficulté qu’ils ont eue à obtenir leurs visas, qui est venu s’ajouter au poids financier que représente pour eux la participation à un tel événement.
Tous ont annoncé leur intention de s’investir dès à présent dans la préparation du forum social mondial de 2007, qui aura lieu en Afrique, en commençant par l’organisation de forums nationaux dans des pays, tels le Niger, dont l’un des délégués a lancé un appel pour le soutien des ONG du Nord à l’émergence de mouvements sociaux forts au Sud. La question de la participation des jeunes et de l’organisation, dans le contexte culturel africain, d’un campement à l’image de celui de Porto Alegre, a été posée. Aminata Touré, du Forum des peuples de Kita, au Mali, a appelé à un renforcement des liens entre ONG du Maghreb et d’Afrique pour la réussite de ce processus de préparation.
Pour les représentants des organisations du Maghreb, l’enjeu est maintenant de réussir l’édition 2006 du forum social mondial, qui doit se tenir simultanément dans plusieurs pays, parmi lesquels le Maroc.
Pour Leila Rhiwi, l’une des chevilles ouvrières du forum social marocain, ce FSM5 est riche de leçons dont il faudra tirer profit. Ainsi, pour le représentant de l’Association marocaine des droits humains, les forums sociaux restent encore trop des lieux d’expression négative face à la mondialisation. Il faut selon lui plus de témoignages positifs,  » même s’il s’agit de petites victoires « .
Line Chazolin Dorrat, militante pacifiste d’Israël, s’est sentie réconfortée par sa participation au forum social mondial, qui lui a donné le sentiment d’être moins isolée dans son combat. Signe d’un monde qui se politise, le FSM est une expérience forte qu’il est difficile de verbaliser !
Rabab Khairy, coordinatrice de la Plate-forme des ONG françaises pour la Palestine a pu créer des liens avec des pacifistes d’autres continents. L’urgence pour elle est de relancer à l’échelle européenne une dynamique de solidarité avec les acteurs de paix en Palestine et Israël.
Brice Monou, du Forum des associations françaises de solidarité issues de l’immigration (FORIM) a pu profiter de sa présence au FSM pour faire du lobbying en direction des autorités françaises, en matière de migrations internationales. Elle a cependant interpellé le CRID sur la place qu’il fait à la question du genre au sein de ses organisations membres alors que le FSM témoigne de la vitalité de l’engagement des femmes africaines !
Beaucoup d’intervenants ont regretté les lacunes en matière d’organisation, nombre d’événements annoncés au programme ayant été annulés ou se déroulant dans un endroit ou à un moment différent de celui annoncé.
En conclusion, Gus Massiah, président du CRID, a estimé que, étant donné le choix qui avait été fait de privilégier l’auto-organisation tout en visant une affluence de 150.000 personnes, ces problèmes d’organisation étaient inévitables et sont restés relativement limités. Il a rappelé que, selon la méthodologie prévue pour cette édition du forum, les séminaires et ateliers n’avaient pas pour vocation d’être des lieux d’élaboration de stratégie, ni de mise en œuvre, mais des espaces intermédiaires d’articulation, des étapes dans des processus déjà amorcés avant le forum et qui se poursuivront après le forum. Pour lui, le débouché le plus important du FSM5 seront les multiples campagnes qui se mettront en place dans les mois qui viennent, et dont l’existence aura été rendue possible par un séminaire tenu à Porto Alegre.

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