Prise en charge des migrants et programmes de retour volontaire

Publié le 22.03.2012| Mis à jour le 08.12.2021

Hamid Fadhel : « les conditions sont de plus en plus dures pour les migrants en situation irrégulière ». Secrétaire général de l’association Rencontre & Développement, basée à Alger, Hamid Fadhel revient sur le sort des milliers de migrants qui, faute de pouvoir rejoindre l’Europe, se retrouvent coincés de l’autre côté de la Méditerranée.


L’Algérie est-elle toujours un point de passage vers l’Europe ?

Cela était peut-être vrai avant. Mais, aujourd’hui, les choses ont changé. Ceux qui débarquent chez nous ont toujours ce rêve de vie meilleure. De venir en France. Aucun n’a envie de s’installer en Algérie sauf que, ils se retrouvent souvent bloqué là-bas, parfois pour longtemps. Parce qu’ils n’ont plus d’argent et que, pour arriver jusqu’en France, la traversée coûte au minimum dans les 3 000 euros.

Quel est leur profil ?

Ce sont des hommes, des femmes, des enfants dont l’âge varie entre 0 et 45 ans. Ils viennent de la République démocratique du Congo, du Cameroun, du Nigéria ou du Libéria. Dernièrement, nous avons reçu beaucoup d’Ivoiriens, à cause de la crise qui s’est passée là-bas. Le plus terrible est que, la majorité de ces derniers sont des universitaires, des intellectuels. Il y a des étudiants en médecine, en lettres modernes, des gens qui ont des masters.

Combien sont-ils ainsi à Alger et comment subsistent-ils ?

Selon une estimation faite l’année dernière, le nombre de migrants en situation irrégulière dans la capitale tournerait autour des 5 000 personnes. Les hommes cherchent à se faire embaucher sur des chantiers, pour du terrassement ou comme maçon, certains font de la cordonnerie, d’autres jouent les portefaix dans les ruelles de la casbah d’Alger. Les femmes se retrouvent masseuses dans les hammams, font des ménages ou, plus rarement, se voient confier la garde d’enfants. Ils font tout et n’importe quoi pour s’en sortir.

Quelles sont leurs « relations » avec les autorités algériennes ?

Avant, les migrants faisaient partie du paysage, il n’y avait pas beaucoup de contrôles. Mais, depuis la loi de 2008, qui précise les obligations des étrangers « légaux », un étranger doit être invité, il doit signaler sa présence en Algérie, … c’est de plus en plus dur pour les autres. Si quelqu’un se fait arrêter alors qu’il est clandestinement sur le territoire algérien, c’est direct en prison pour deux mois minimum. Le jugement est assez rapide et prononcé en arabe. Si ce migrant est francophone, il va se retrouver avec un avocat commis d’office qui ne lui dit même pas ce qu’il se passe et, en cinq minutes, c’est liquidé.

Que fait Rencontre & Développement ?

Nous essayons de leur apporter une aide matérielle, comme la fourniture de couvertures, de vêtements chauds, de lait en poudre pour les mères, ou médicale, en leur donnant des médicaments, en les accompagnants à l’hôpital… Nous nous occupons aussi de la scolarisation des enfants.

Mais l’un de nos programmes phares est le retour volontaire au pays que nous avons initié en 2001. Il consiste à fournir au migrant qui en fait la demande les moyens de retourner chez lui en lui procurant une sorte de « passeport » qui lui permettra de bénéficier du soutien des différents points relais que nous avons établi sur les routes qui relient Alger à l’Afrique sub-saharienne.

Entre 2006 et 2010, il y a eu entre 78 et 95 personnes qui nous ont demandé chaque année de bénéficier de ce retour volontaire. En 2011, ils étaient 220. Tous arrivés chez eux.

Est-ce que vous n’avez pas parfois le sentiment de faire un « sale » boulot ?

Au contraire. Je me dis même que la personne que j’ai aidée à retourner chez elle, je lui ai peut-être sauvée la vie. Nous avons en effet enterré 37 de ces migrants depuis 2007. C’est vrai qu’il m’arrive parfois de penser que je ressemble à un policier, mais, en même temps, je me dois aussi d’être direct et réaliste. Je ne peux pas dire à celui ou celle qui est en face de moi : « T’inquiète pas, ça va s’arranger ». Parce que ce ne va pas s’arranger. Je suis Algérien, je vis dans mon pays, je vois ce qui se passe, que les Algériens eux-mêmes n’arrivent pas à s’en sortir. Et puis il y a les descentes de police, les rafles.

Comment intervient le CCFD-Terre Solidaire ?

Le CCFD-Terre Solidaire est un de nos plus fidèles partenaires. Il prend en charge ce qui relève du social, du médical et nous soutient également dans ce programme de retour volontaire au pays. C’est grâce à lui qu’en 2006, nous avons organisé la première véritable réunion concernant ce programme et que nous avons pu sortir du cadre « algérien » dans lequel nous étions par manque de contacts extérieurs.

Nous avons rencontré d’autres groupes, d’autres personnes concernées dans les différents pays d’Afrique sub-saharienne, ce qui nous a permis de « professionnaliser » ce programme et d’établir de véritables relais tout au long des routes empruntées par les migrants pour rentrer chez eux.

Propos recueillis par Patrick Chesnet

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