Quand participer rime (vraiment) avec citoyenneté

Publié le 25.06.2020| Mis à jour le 08.12.2021

Favoriser la participation, l’engagement et l’organisation des citoyennes et citoyens… Mais de qui parle-t-on ? Qui est citoyen ? Pour participer à quoi ? La participation se résume-t-elle à voter ? Mais est-ce suffisant ? Les personnes privées du droit de vote (mineures, étrangères…) ne sont-elles pas pour autant citoyennes ?

Les personnes migrantes ne sont pour ainsi dire jamais associées à la construction des politiques qui les concernent

Comment réussir une politique d’intégration sans jamais y associer les premiers concernés, celles et ceux supposés s’intégrer ?

Finalement, la question est simple : peut-on continuer éternellement à parler de migrations sans jamais (ou trop rarement) que les personnes migrantes ne soient autour de la table ?

Aujourd’hui, l’échec des politiques migratoires par les Etats–nations est retentissant. On ne compte plus les milliers de morts et les trop nombreuses violations de droits fondamentaux, alors même que ces politiques n’atteignent pas les objectifs qu’elles se fixent elles-mêmes : fermer les frontières, fixer les personnes, freiner les flux.

La crise sanitaire inédite causée par le Covid-19 que nous traversons le prouve encore un peu plus. Les personnes migrantes, comme d’autres populations vulnérables, sont les invisibles de cette pandémie.
Inutile de les protéger, inutile de leur permettre d’accéder aux soins, inutile de les informer.
Fermons les yeux sur leur présence, sauf lorsqu’il s’agit de les faire travailler à moindre coût, de les enfermer et de les refouler.

Les analyses se multiplient pour nous dire à quoi ressemblera le monde d’après, mais les valeurs sur lesquelles nous devrions nous arrêter en tant que CCFD-Terre Solidaire pour penser ce monde d’après sont déjà là, à notre portée, trop souvent ignorées.

Fort de son expérience partenariale vieille de 60 ans, fondé sur des valeurs tirées des enseignements de la doctrine sociale de l’Eglise, le CCFD-Terre Solidaire a acquis un certain nombre de convictions : lorsque la participation, notamment des premières personnes concernées, est au cœur de la construction des politiques, celles-ci sont plus à même de répondre aux enjeux…dans le respect des droits fondamentaux.

Au Brésil, les personnes migrantes participent à la définition de la politique d’intégration de la ville de Sao Paolo

Au niveau local, certaines villes l’ont déjà compris. C’est l’un de nos partenaires brésiliens, le CDHIC, qui nous a le premier alerté : « A Sao Paulo, la municipalité nous a demandé, nous acteurs de société civile, nous migrants, de penser avec eux la mise en place d’une politique migratoire locale. »

Des acteurs associatifs clés ont alors rejoint la mairie avec pour projet de prendre part à la construction d’une politique d’intégration des personnes migrantes dans la ville à travers l’adaptation des différents services fournis par la ville (santé, soins, emploi, logement). Les personnes migrantes ont été associées, consultées, et forces de proposition.

Considérées non plus comme des bénéficiaires mais comme des actrices de ces politiques, la participation de tous et toutes, et surtout des plus invisibles est devenue la clé. Alors que nous étions convaincus que l’on ne pouvait plus se contenter de résister et de dénoncer, et que nous cherchions à dessiner les contours d’une gouvernance alternative des migrations, les jalons de cette gouvernance alternative étaient déjà posés à Sao Paulo.

Vers une citoyenneté universelle?

Quelques années plus tard, nous nous sommes rapprochés de l’Organisation pour une Citoyenneté universelle (O.C.U) pour organiser un colloque international pour une gouvernance alternative et découvrir d’autres témoignages d’expériences similaires au Brésil et en Argentine.

Le témoignage du Secrétaire d’Etat aux droits humains, en charge de la politique migratoire de la ville de Sao Paulo a alors résonné comme une évidence : oui, pour penser une gouvernance alternative des migrations ; les villes, en première ligne lorsqu’on parle d’accueil, doivent pouvoir participer à la construction de la politique.

Oui, pour qu’une politique migratoire réussisse, les personnes migrantes doivent en être le cœur.

Chemin faisant, le CCFD-Terre Solidaire a rejoint l’O.C.U et ses membres, des acteurs associatifs fortement ancrés sur le terrain, partageant nos valeurs et notre vision politique, comme Emmaüs International, la Fondation France Libertés, le Mouvement Utopia et plusieurs de nos partenaires internationaux comme Espacio Sin Fronteras et Alternative Espace Citoyens.

Ensemble, nous nous sommes fixés le cap de construire une alliance entre société civile et autorités locales pour peser sur le débat public et faire changer les politiques. En somme, faire participer d’autres acteurs tout aussi légitimes et experts que les Etats-Nations, à l’élaboration de politiques migratoires qui ont jusqu’à maintenant largement démontré leurs défaillances.

Analyse des compétences des villes en la matière, recensement des bonnes pratiques d’accueil et d’intégration, rencontres de villes engagées sur la question, rapprochement avec l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants (ANVITA), autant d’initiatives qui ont débouché sur l’organisation d’une rencontre réunissant près de 200 acteurs et actrices de France et du monde entier, pour lancer cette Alliance et dessiner un plan de travail commun.

Deux principes d’action ont été adoptés à l’unanimité. L’un d’entre eux : la « participation des personnes migrantes à l’élaboration des politiques doivent être au cœur de pratiques alternatives ». Avec quelques mois de recul, c’est une évidence : si le Covid-19 n’avait pas encore sonné l’alarme, le monde d’après, lui, était déjà en marche.

Ce travail mené collectivement avec des alliés de poids nous conforte dans nos convictions. Aujourd’hui, sur tous les continents, nos partenaires s’engagent pour que les personnes migrantes participent enfin à l’élaboration des politiques qui les concernent.

A Gao (Mali), la Mairie travaille main dans la main avec l’Association Direy Ben (en Songhai : « ceux qui ont posé leur valise »), association d’anciens travailleurs migrants, désormais réinstallés chez eux et occupés à accueillir quotidiennement les jeunes de passage cherchant à monter vers l’Europe ou refoulés d’Algérie.

A Sao Paulo (Brésil), malgré un contexte national bouleversé par la gouvernance de Jair Bolsonaro, la ville permet aux personnes migrantes de prendre part à la politique de la ville.

A Mendoza (Argentine), les femmes migrantes s’engagent.

En Italie à Palerme ou en France à Grenoble ou Saint-Denis, de plus en plus de villes se dotent de « conseil consultatif des étrangers » pour permettre aux personnes immigrées de faire entendre leur voix, et être citoyennes de la ville, pour participer à la vie de la cité.

Convaincu que c’est bien la voie qu’il faut suivre, le CCFD-Terre Solidaire souhaite contribuer à amplifier cette dynamique sur son propre territoire.

C’est pourquoi il a encouragé son réseau de bénévoles à aller à la rencontre des candidates et des candidats aux élections municipales pour leur proposer d’élaborer, ensemble, des politiques locales d’accueil et d’intégration, des politiques qui permettent de redonner sa place à tout un chacun au sein de la cité, quel que soit son lieu de naissance ou sa nationalité.

Car oui, lorsque l’on favorise la participation de chacun et chacune, on reconstruit la citoyenneté, on lui redonne un sens et on entre alors dans le champ de la gouvernance alternative.

Lorsque la citoyenneté ne se veut pas excluante, elle se révèle autrement. Solidaire, inclusive.

Le CCFD-Terre Solidaire, par la confiance et l’amitié qu’il entretient avec ses partenaires depuis des dizaines d’années, a acquis la conviction que certaines valeurs, comme celle de « participer », sont autant de piliers essentiels sur lesquelles se fonder pour commencer à penser le monde de demain.

Nina Marx
Responsable Equipe Migrations
CCFD-Terre Solidaire

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