Quels droits des femmes dans les mines en Afrique du Sud ?

Publié le 11.04.2016

Retrouvez le dossier spécial « L’émancipation des femmes, clé du développement » dans le numéro d’avril 2016 de notre magazine Faim et Développement.


Les pays en développement peuvent-ils se passer de la moitié de leur population pour sortir la tête de l’eau ? À l’évidence, non… Renforcer le pouvoir d’agir et de décider des femmes s’avère une priorité pour un développement humain durable. En Afrique du Sud, WoMin, nouveau partenaire du CCFD-Terre Solidaire, est un réseau d’organisations sud-africaines et régionales[[Ce réseau rassemble des organisations qui travaillent en Afrique du Sud, en République démocratique du Congo (RDC), au Nigeria, en Sierra Leone, en Tanzanie, en Zambie…]] basé à Johannesburg. Il travaille sur les conséquences de l’industrie extractive sur la vie des femmes. Rencontre avec Lindiwe Nomonde Precious Nkosi, coordinatrice provinciale de Women from Mining Affected Communities United in Action (Wamua), membre de ce réseau.

Faim et Développement : Quel est le contexte dans lequel vous opérez ?

Lindiwe Nomonde Precious Nkosi : Sur le papier, tout va très bien en Afrique du Sud. Mais dans la pratique, des émeutes se produisent chaque jour dans les anciens townships noirs et les bidonvilles pour l’accès à l’eau, l’électricité, l’école, le logement, l’emploi. Les conclusions de la commission d’enquête sur le massacre de Marikana ne sont pas satisfaisantes. Les policiers n’ont pas été jugés coupables, alors que trente-quatre mineurs ont été tués par balles en août 2012, parce qu’ils manifestaient pour une augmentation de salaire dans une mine de platine. Si un dialogue réel avait été engagé entre les responsables de la mine et les ouvriers, cette catastrophe aurait pu être évitée.

Quelles ont été les conséquences de Marikana ?

Les gens ont commencé à avoir peur de la police. Certains ont voulu se venger, en tirant sur les policiers et en attaquant leurs familles, par solidarité avec les mineurs tués à Marikana. Nous sommes allées sur place pour rencontrer les veuves des mineurs tués. Sur le site de Lonmin, les mineurs sont logés dans des bidonvilles, sans accès à l’eau. Les travailleurs ne sont pas pris au sérieux en Afrique du Sud. C’est la conclusion que nous tirons de ce drame qui a affecté le secteur minier.

Lire le communiqué sur l’assassinat, le 22 mars 2016, de Sikhosiphi « Bazooka » Rhadebe, militant sud-africain en lutte contre l’implantation d’une mine.

Comment les pratiques des sociétés minières violent-elles les droits des populations ?


Les populations sur les sites miniers ne bénéficient absolument pas des richesses tirées du sous-sol, qu’il s’agisse du charbon, du platine, du fer…
À Witbank, une grande ville minière qui a été rebaptisée eMalahleni, les femmes habitent dans un bidonville situé tout près d’une mine. Elles n’ont ni eau ni électricité, et s’en vont collecter de l’eau polluée par la mine pour faire leur lessive, la cuisine et leur toilette.

Par ailleurs, quand les mines s’installent, leurs représentants ne viennent pas consulter les communautés, mais vont parler au roi local, au chef traditionnel de la région. Ils leur achètent de belles voitures, leur donnent de l’argent, et ça s’arrête là. Les relations sont aussi tendues parce que les mines n’emploient personne parmi les communautés locales et préfèrent faire venir des travailleurs migrants des pays voisins pour les payer moins cher. Bien souvent, lorsqu’une société minière reprend un terrain agricole, elle rachète les terres d’un fermier et fait des promesses aux ouvriers agricoles qui vivent là parfois depuis plusieurs générations. Par la suite, elles ne les tiennent pas et ne construisent pas les écoles, les crèches ou les infrastructures promises. Les communautés proches des mines se plaignent de la poussière, de la pollution de l’air, du fait que les puits soient détruits par les explosions dans les galeries des mines en sous-sol, etc.

Qu’est-ce qui vous a motivée dans votre mission au sein de Wamua ?

Dans cette industrie minière dominée par les hommes, les femmes n’osent pas s’exprimer. En tant que femmes africaines, nous avons été éduquées dans le respect de l’homme, que nous devons écouter. Nous avons donc créé Wamua pour permettre aux femmes de s’organiser dans notre région, la province du Mpumalanga, au nord de l’Afrique du Sud, où nous avons beaucoup de charbon. À Carolina, la localité où je m’occupe d’une trentaine de femmes, plus de douze mines sont en activité. Quand nous nous réunissons, les femmes peuvent parler de leurs problèmes de santé, de la tuberculose, des maladies sexuellement transmissibles.

En outre, les femmes ne font partie d’aucun processus de négociation. Les hommes peuvent très bien donner leur accord pour que les familles soient déplacées, après des discussions avec les groupes miniers. Or, ce sont les femmes qui nourrissent les familles en Afrique du Sud, en exerçant de petits commerces informels. Un très fort taux de chômage frappe en effet les hommes (27 % officiellement, sans doute plus du tiers de la population active selon certaines estimations). Elles peuvent donc être contraintes de démarrer une nouvelle vie ailleurs, sans avoir leur mot à dire.

Que leur conseillez-vous ?

Notre système légal fonctionne. Nous leur conseillons donc d’aller devant la justice avec l’assistance d’un avocat. Nous essayons de les informer sur leurs droits et les programmes du ministère de la Femme et de l’Enfant. Nous agissons comme des intermédiaires entre ces communautés historiquement désavantagées et les responsables des sociétés minières. Notre mission consiste à apporter du soutien aux femmes, qui ne savent pas vers qui se tourner et n’ont pas les connaissances nécessaires pour faire valoir leur point de vue. Avant toute procédure judiciaire, nous tentons d’obtenir des solutions à l’amiable. Nous engageons le dialogue avec les représentants de la mine et nous leur demandons de faire des propositions. La consultation, tel est le mot clé de notre plaidoyer et de nos actions.

***

Pour lire l’ensemble de notre dossier spécial « L’émancipation des femmes, clé du développement » abonnez-vous au magazine de reportage Faim et Développement. Vous y trouverez les articles suivants :
Renforcer les capacités des femmes : un levier du développement
Reportage/Brésil : Quand une femme avance, aucun homme ne recule
Entretien/Brésil : La place des femmes doit être débattue collectivement
Portrait/Burundi : La maman nationale
Entretien/Cambodge : Liberté, égalité, solidarité : le combat d’United Sisterhood
Récit de bénévoles : L’ét(h)iquette qui gratte

Ainsi qu’un grand reportage à Timor oriental : Tara bandu, un nouveau contrat social. A l’initiative de la société civile, la restauration de cet ancien code social, à partir de 2006, a spectaculairement amélioré la vie en communauté dans deux provinces du pays.

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