Qu’est-ce qui a changé pour les banques ?

Publié le 05.10.2011| Mis à jour le 08.12.2021

Ce n’est pas directement du G20 que sont venues les contre-mesures qui ciblent en priorité les banques… mais de quelques gouvernements qui ont bien compris l’urgence de renforcer la régulation et la nécessité de répondre à l’exaspération de l’opinion publique.


Dans ce domaine, les États-Unis s’illustrent par leur détermination dans la définition de nouvelles règles qu’ils n’ont pas hésité à mettre en place unilatéralement (voir FATCA*). Sans se laisser impressionner par le chantage à la délocalisation des acteurs financiers, ils montrent au Vieux continent que les grands marchés intégrés ont les moyens d’imposer leurs lois sans se cacher derrière la règle du consensus du G20. Évidemment, pour le reste des pays du monde et en particulier pour les pays en développement, ces initiatives unilatérales sont largement hors de portée !


Des règles prudentielles qui tardent à évoluer

À travers des cas d’école tels que la faillite de Northern Rock, la crise a révélé comment les banques utilisaient certains territoires offshore pour y concentrer leurs activités risquées à l’insu de toute instance de contrôle et de régulation.
Le système présentait d’énormes lacunes, au point qu’il était parfois impossible de savoir quelle institution était en charge des contrôles. Le cas des filiales de la holding américaine Bear Stearns Ireland Ltd, enregistrées au centre international de services financiers de Dublin, se passe à cet égard de tout commentaire : alors que ces filiales développaient des activités démesurées au regard de leurs fonds propres et qu’il était spécifié dans les comptes qu’elles dépendaient de l’Autorité irlandaise de régulation des services financiers, cette dernière considérait que son mandat ne concernait que les banques irlandaises ! Personne donc pour s’occuper de surveiller les activités des filiales de la holding américaine, livrées à elles-mêmes.

Comparé au laxisme qui dominait avant la crise, il faut bien sûr reconnaître que l’environnement des banques a considérablement changé au cours des deux dernières années. mais, malgré les enseignements de la crise, c’est toujours dans le champ de la régulation prudentielle qu’il reste le plus à faire !

– L ’avancée la plus importante en termes de régulation des banques est sans aucun doute l’accord Bâle III conclu entre les représentants des banques centrales et les régulateurs en septembre 2010, qui augmente le ratio de fonds propres obligatoire pour les banques (7% minimum contre 2% auparavant) afin de rendre les établissements plus résistants face à de futures crises. Le problème est que cette initiative n’encadre pas l’activité des agents non conventionnels (organismes de crédit non bancaire, organismes de placements collectifs monétaires) et manque de précision sur les activités hors bilan.

– La régulation des hedge funds a aussi laissé un arrière-goût d’inachevé. Certes le Parlement européen a voté le premier texte visant à réguler directement le secteur mais il a renoncé à aller jusqu’au bout. Pas de contrôle par exemple des leviers d’endettement ni d’interdiction d’achat par les Européens de parts de fonds spéculatifs non régulés.

– La question des bonus, objet d’une directive en demi-teinte votée par la Commission européenne, n’est pas non plus résolue. Certes, les rémunérations des traders sont désormais plus contrôlées, mais aucun accord n’a été trouvé concernant l’équilibre entre rémunération fixe et variable, pourtant à l’origine de nombreux excès. Le ratio entre ces deux rémunérations est en effet laissé à la libre interprétation des États. Reste à voir, donc, si cette directive aura un impact réel sur les rémunérations mirobolantes des traders, dont les bonus atteignaient encore en France en 2010 plus de deux milliards d’euros.

– Par ailleurs, le G20 avait demandé au Conseil de stabilité financière (CSF)* de produire de nouvelles listes des centres financiers offshore présentant un risque pour la stabilité financière internationale. Or la publication de ces listes et des recommandations dont elles pourraient être assorties a été maintes fois reportée : elles sont désormais attendues pour le sommet de Cannes. Difficile donc d’accroître les exigences de transparence et de prudence pour les utilisateurs dans des territoires non encore identifiés.


Quelques avancées significatives vers la transparence

C’est en matière de transparence que les évolutions sont les plus importantes.

– Suite aux résultats probants du fisc américain dans l’affaire UBS, l’administration Obama semble avoir compris tout l’intérêt qu’il y avait à exiger davantage d’informations des banques elles- mêmes, plutôt que de compter sur la bonne volonté des paradis fiscaux à coopérer. En effet, le Sénat a approuvé, le 24 mars 2010, la loi FATCA* qui obligera, à partir de 2013, les établissements financiers étrangers voulant investir sur le marché US à dévoiler au fisc américain leurs relations bancaires avec des contribuables américains. L’Irlande disposait déjà d’une législation similaire ainsi que, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni.

– La France, elle aussi, a renforcé l’obligation faite aux banques de transmettre la liste des transferts effectués par leurs clients, mais uniquement vers les 18 territoires qu’elle a retenus sur sa liste de paradis fiscaux. Or cette liste ne représente que 0.2 % de la finance offshore et on ne peut pas dire que sa réactualisation en catimini, en avril 2011, en ait vraiment augmenté la portée ! Même limite – un dispositif articulé autour d’une liste insignifiante – pour la nouvelle obligation des banques françaises à indiquer, en annexe de leur rapport annuel, leurs implantations et la nature des activités menées dans les territoires non coopératifs.
De toute façon, les banques ont préféré la plupart du temps se retirer des territoires visés plutôt que de publier les informations demandées, confirmant l’aversion des acteurs financiers pour la transparence. Au final, les informations disponibles dans les rapports 2011 ne concernent qu’une poignée de filiales essentiellement situées dans les pays suivants : Philippines (BNP et Crédit Agricole), Brunei (BNP et Crédit Agricole), Panama (BNP et Crédit Agricole), Libéria (Crédit Agricole) et Costa Rica (Caisse d’Épargne-Banque Populaire Natixis).


L’engagement prometteur des régions françaises

Ce sont les régions françaises qui sont allées le plus loin dans l’exigence de transparence envers les intermédiaires financiers. Interpellées dans le cadre de la campagne « Stop paradis fiscaux », notamment par les bénévoles du CCFD-Terre Solidaire pendant les élections régionales, les collectivités locales ont en effet pris leurs responsabilités et sont entrées dans la lutte contre l’opacité financière. Le 17 juin 2010, la région Île de France a adopté à l’unanimité une délibération demandant à ses partenaires financiers (banques et potentiellement assurances) de fournir un état, pays par pays, de leur activité, de leurs chiffres d’affaire, des résultats d’exercice et des impôts et taxes versés aux autorités locales. Ces informations seront étudiées à la loupe avant l’engagement de toute opération financière. Depuis l’initiative a fait tâche d’huile : au 21 septembre 2011, 16 régions françaises sur 22 ont pris des engagements publics en matière de lutte contre les paradis fiscaux, 14 ont adopté des textes juridiquement contraignants et 9 exigent de leurs partenaires financiers une transparence financière pays par pays. Des villes également se montrent intéressées par la démarche : en France, la ville de Paris a voté un vœu en novembre 2010 ainsi que la communauté d’agglomération de Bordeaux et la ville de la Chapelle-sur-Erdre. L’initiative pourrait même s’exporter vers d’autres pays : les militants d’ATTAC Norvège interpellent activement leurs élus locaux et la Ville d’Helsinki s’est déclarée intéressée.

S’il n’est évidemment pas question de réguler les entreprises multinationales par la simple action des régions, la portée de ces initiatives est loin d’être symbolique. Les régions ont informé leurs partenaires financiers des délibérations adoptées et de leurs nouvelles exigences en matière de transmission d’informations. Pour l’instant, les banques affirment vouloir coopérer, mais les informations transmises restent insuffisantes, voire parfois plus pauvres que celles publiées dans les rapports d’activités. Certaines ne jouent d’ailleurs pas du tout le jeu, en indiquant par exemple que la caisse régionale sollicitée dans l’opération de financement de la région ne dispose pas de filiales à l’étranger, faisant l’impasse sur son appartenance à un groupe dont la présence internationale n’est pas à démontrer.

Si les banques sentent donc la pression accrue en matière de demande de transparence sur leurs activités, elles tentent pour l’heure d’esquiver les questions les plus gênantes. Nous approchons néanmoins de l’heure de vérité car la plupart des délibérations votées prévoient d’exiger la fourniture des informations détaillées pays par pays dans un délai de 6 mois après la publication des rapports annuels des banques. 2011 sera la première année de plein exercice de cette mesure.

La pression sur les banques pourrait bien d’autre part être accentuée par l’initiative des syndicats, lancée également dans le cadre de la campagne « Stop paradis fiscaux ». Ces derniers ont en effet décidé, au sein des comités de groupe des grands établissements financiers français (BNP, Société Générale, Crédit Agricole, Natixis) d’exercer leur droit de demander un audit financier afin d’analyser les comptes de leur banque dans un format pays par pays. Les premiers résultats pourraient bien réserver quelques surprises…


Un enjeu d’image

Ce qui a surtout changé pour les banques, c’est leur image dans l’opinion :

– Leur rôle dans et après la crise a suscité l’incompréhension, souvent même la colère, notamment aux États-Unis. Ces derniers viennent d’ailleurs de déposer plainte contre 17 banques américaines et étrangères accusées d’avoir fourni de fausses informations sur la qualité de leurs titres adossés à des créances hypothécaires avant la crise des subprimes.

– En France, les collectivités locales se retournent également contre les banques qui leur ont vendu des prêts toxiques, allant parfois aussi jusqu’à porter plainte. La ville de Saint-Étienne a été la première en octobre 2009 à assigner une banque en justice pour un « emprunt toxique ». Ont suivi les plaintes du conseil général de Seine-Saint-Denis en février contre trois banques, Dexia, Depfa et Calyon et celles de la mairie d’Unieux en avril 2011 contre Dexia pour « défaut de conseil » et « contrat léonin ».

Les banques sont de plus en plus conscientes de ces enjeux. Elles ne peuvent se permettre de passer pour des défenseurs de l’opacité. Au point de publier, comme la Société Générale, en novembre 2010, un « code de conduite fiscale » dans lequel la banque prend des engagements solennels, comme celui de « ne pas faciliter ou soutenir des opérations avec les clients dont l’efficacité repose sur la non transmission d’informations aux autorités fiscales ». Aveu implicite concernant la capacité de la banque à détecter ce genre de pratiques !

Par ailleurs, elle assure « faire [ses] meilleurs efforts pour appliquer une politique de prix de transfert* conforme aux principes OCDE », reconnaissant ainsi qu’il est difficile d’appliquer de façon vertueuse les standards en vigueur, qui régissent les échanges entre les différentes filiales d’un même groupe. Elle rejoint donc le constat des organisations de la société civile, qui réclament la possibilité de discuter de la mise en place de modèles alternatifs, notamment dans les pays du Sud. Standards sur lesquels l’OCDE n’est absolument pas disposée à ouvrir la discussion.

Quand les banques commencent à se sentir concernées, les États seraient bien mal inspirés de ne pas essayer de tirer parti de la situation. en s’inspirant des réformes américaines, par exemple.

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