Radiographie des OMD

Publié le 18.06.2013| Mis à jour le 10.09.2021

Le processus Objectifs du millénaire pour le développement n’est pas clos que, déjà, se font jour les premiers éléments de bilan et de prospective. La table-ronde proposée lors du séminaire a esquissé des pistes de réflexion pour mieux cerner ce qu’ont été ces OMD – les progrès qu’ils ont effectivement permis, leurs erreurs de conception, zones d’ombre et insuffisances – et ce qu’ils devraient devenir après 2015, repensés de fond en comble.

Dans leur dénomination même, les Objectifs du millénaire utilisent une terminologie positiviste et volontariste, puisqu’ils entendent soutenir un processus jusqu’alors inédit de développement dans les pays du Sud. Mais sont-ils réellement adaptés aux enjeux du nouveau millénaire ? S’attaquent-ils aux vrais problèmes ? Utilisent-ils les bons instruments ? Pour quels résultats ? Il est un peu tôt pour livrer une analyse précise et détaillée de ces différents points, cependant les acteurs de la société civile doivent faire entendre leur voix sur une initiative qui croise en grande partie leurs préoccupations et leurs actions. Au crédit des OMD Il convient avant toute chose de saluer la démarche lancée par les Nations unies à l’aube d’un millénaire que chacun souhaitait voir avancer vers davantage d’équité, de paix, de justice, de prospérité partagée – en d’autres termes, d’équilibre et d’harmonie entre les peuples et entre les États. Les organisations et mouvements sociaux à travers le monde ont suffisamment critiqué les OMD pour pouvoir aujourd’hui s’autoriser à en souligner et reconnaître les points forts et/ou les résultats – qu’il est cependant difficile de mesurer statistiquement. « Les inégalités ne sont pas faciles à traduire en indicateurs, ou en tout cas en cibles quantifiées », reconnaît Francine Mestrum (Global Social Justice). À cela, relève Xavier Godinot (ATD Quart Monde), s’ajoute le fait qu’une proportion importante (elle-même difficile à quantifier) des populations les plus marginalisées – qui sont les plus concernées par les OMD – demeure « invisible », car non recensée dans les registres d’état civil, et d’autre part que certains pays ne produisent pas de données statistiques. Dès lors, les chiffres officiels de la pauvreté, communiqués par la Banque mondiale notamment, doivent être considérés non comme des données effectives, mais bien comme des estimations qui se situent en-deçà des réalités étudiées. Par ailleurs, les résultats exploitables révèlent, selon Francine Mestrum, que si « actuellement, les inégalités diminuent légèrement entre les pays, celles-ci augmentent au sein des pays ». Aussi Xavier Godinot résume-t-il en quatre mots le principal atout de ces OMD : « on en parle partout ». Cette fenêtre médiatique, bien que très relative, est suffisamment importante pour avoir imposé aux acteurs de la société civile de travailler ensemble afin de « construire un autre discours, une autre approche du développement (…) et élaborer des positions communes », avec l’ambition d’inclure dans ces échanges « les personnes en situation d’extrême pauvreté » afin de leur permettre de « prendre la parole pour qu’elles partagent leur savoir ». Poussant un peu plus loin le satisfecit, Bertrand Gallet (Cités Unies France) estime pour sa part qu’avec les OMD, « c’est la première fois que l’on pose des objectifs clairs et un calendrier ». Pour illustrer ce progrès, Julie Chaverou (Coalition internationale sida PLUS) souligne les acquis manifestes dans la lutte contre le VIH/sida que l’on peut mettre au crédit de la dynamique enclenchée par les OMD. Pour résumer les avancées permises par les OMD, notons : – un impact manifeste dans l’agenda médiatique et de la société civile sur les questions de pauvreté et de développement ; – la définition par la communauté internationale d’objectifs partagés par tous les États ; – une amélioration notable dans la lutte contre la pandémie de VIH/sida. Il serait injuste de tenir ces résultats pour quantité négligeable, mais l’urgence et la gravité de la situation ne font qu’en souligner, malheureusement, la ténuité. Avant même la question des moyens déployés, cette incroyable faiblesse tient d’abord, estiment les acteurs de la société civile, à des causes structurelles et conceptuelles – lesquelles traduisent une volonté politique manifestement limitée. Des angles morts Les OMD souffrent à la base d’un défaut de conception fondamental : ils réduisent la misère à la fraction de l’humanité vivant en-dessous du seuil de la pauvreté de 1 dollar par jour, sans la considérer dans un contexte plus global et structurel d’exclusion sociale et d’inégalités. L’approche même de la pauvreté, constate Catherine Gaudard (CCFD Terre solidaire) est empreinte d’« une vision matérialiste, or la pauvreté n’est pas uniquement une question d’argent ». Cette faille a dès l’origine empêché d’approcher la pauvreté dans sa complexité et d’identifier les outils pour s’y attaquer de manière efficace. Par ailleurs les objectifs eux-mêmes peuvent apparaître comme insuffisants : en limitant d’emblée l’éradication de la pauvreté à la moitié de la population touchée, on fait preuve d’un manque d’ambition et de courage, qui se double d’une faute morale. Si l’on peut voir là une forme de réalisme, cela dénote surtout un manque de confiance en l’action politique. Et celui-ci est fatal. Les statistiques, que l’on a déjà évoquées, ne sont pas seulement un problème pour suivre aujourd’hui les avancées sur le front de la lutte contre la pauvreté. On s’aperçoit aussi à quel point celles-ci n’étaient pas fiables à l’origine des OMD. Xavier Godinot rapporte ainsi que le nombre estimé en 2000 par la Banque Mondiale de cent millions de personnes vivant dans des taudis était très largement sous-évalué, puisqu’en 2012 le rapport d’évaluation des OMD de l’ONU a fait état d’un chiffre supérieur à sept cents millions dès la période de référence ! Dès lors, sur quels éléments se baser pour avoir une vision précise des enjeux et pour suivre les progrès obtenus (ou non) ? Et puis, insiste Francine Mestrum, les OMD se sont heurtés, comme tous les programmes antérieurs censés réduire la pauvreté, à leur « incompatibilité avec les politiques néolibérales et le « consensus de Washington », qui produisent de la pauvreté en permanence ». Enfin, la focalisation sur la pauvreté et sur sa diminution hypothétique – en tout cas relative – occulte l’accroissement bien réel des inégalités, où l’on voit de manière ininterrompue se creuser l’écart entre des riches qui continuent de s’enrichir, et des très pauvres qui ne finissent jamais de s’appauvrir. « La croissance reste bloquée au sommet de la société. » D’un point de vue structurel, les OMD n’ont pas été dotés des moyens à la hauteur d’ambitions elles-mêmes timides et pas toujours pertinentes. Retenons :
— une approche strictement matérialiste, monétaire du phénomène de pauvreté ;
— la déconnexion entre le phénomène de pauvreté et un contexte socio-politique plus global, marqué par le choix d’un modèle mondialisé de croissance, qui tend a contrario à générer davantage d’inégalités ;
— des défaillances statistiques qui rendent impossible l’observation des progrès réels ;
— des objectifs tronqués, qui conduisent à opérer un tri entre des « bons pauvres » pouvant s’en sortir, et de « mauvais pauvres » voués à le rester. Nous avons brossé là à grands traits le cadre d’ensemble des OMD, en prenant garde de réaffirmer leurs impacts positifs tout en rappelant leurs fragilités intrinsèques, fruits d’une vision politique biaisée de la pauvreté. Voyons à présent plus concrètement comment se caractérisent la pauvreté et les inégalités en 2012. AMCP, un socle commun de principes dans le cadre des réflexions «post-2015»

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