Reporting pays par pays : la proposition lacunaire de la Commission européenne
Une semaine après les premières révélations des « Panama Papers », la Commission européenne publie une proposition de reporting pays par pays public en demi-teinte qui ne permettra pas de relever le défi de la transparence, pourtant cruciale dans la lutte contre l’évasion fiscale.
La proposition de directive de la Commission européenne s’applique aux entreprises multinationales ayant des activités au sein de l’Union européenne mais ne concerne que celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros, excluant de facto, selon l’OCDE [[Voir p.4 du document ‘Action 13: Guidance on the Implementation of Transfer Pricing Documentation and Country-by-Country Reporting’ (OECD 2015) http://www.oecd.org/ctp/beps-action-13-guidance-implementation-tp-documentation-cbc-reporting.pdf]], entre 85 % et 90% des entreprises multinationales. Plus grave encore, ces entreprises ne seront obligées de publier des informations concernant leurs activités et les impôts qu’elles payent uniquement dans les pays de l’Union européenne où elles sont implantées et dans les paradis fiscaux figurant sur la liste de l’UE[[La nouvelle liste des paradis fiscaux de l’Union européenne devrait être publiée dans le courant de l’année]].
« Avec le scandale des Panama Papers, nous pouvions nous attendre à des mesures beaucoup plus ambitieuses. Or cette proposition est extrêmement décevante. Elle ne devrait même pas s’appeler « reporting pays par pays » car l’obligation de reporting ne concerne que les Etats membre de l’UE et une poignée de paradis fiscaux : les entreprises pourront toujours cacher leurs profits dans des paradis fiscaux comme la Suisse ou les Etats-Unis qui pour des raisons politiques, ne risquent pas d’être blacklistés par l’UE», déclare Lucie Watrinet, chargée de plaidoyer financement du développement au CCFD-Terre Solidaire.
« Cette proposition est d’autant plus incompréhensible qu’une obligation de reporting complet existe déjà depuis 2013, pour les banques européennes : ces dernières doivent rendre publiques des informations dans tous les pays où elles ont des activités. Pourquoi n’avoir tout simplement pas élargi cette obligation à l’ensemble des entreprises multinationales ? », s’interroge Lucie Watrinet.
Cette proposition exclut également les pays en développement qui perdent chaque année au moins 100 milliards de dollars à cause des pratiques d’évasion fiscale des multinationales. En effet, à moins de figurer dans la liste des paradis fiscaux de l’Union européenne, ces pays n’auront pas accès aux informations concernant les activités et les impôts payés par les multinationales chez eux. « Il est intolérable que les pays en développement soient à nouveau mis de côté dans la lutte contre l’évasion fiscale. Sans ces informations cruciales ils ne pourront pas récupérer l’argent de l’évasion fiscale des entreprises, pourtant essentiel à leur développement », souligne Lucie Watrinet.
Le CCFD-Terre Solidaire demande au Parlement européen et aux Etats membres de l’UE de modifier la proposition de la Commission européenne afin que les multinationales soient obligées de publier des informations concernant leurs activités et les impôts qu’elles payent dans tous les pays où elles sont implantées.
Le CCFD-Terre Solidaire rappelle également que tant qu’un reporting pays par pays public permettant une véritable transparence ne sera pas adopté, des citoyens continueront à faire les frais de la confidentialité à l’instar d’Antoine Deltour, le lanceur d’alerte du Luxleaks, dont le procès s’ouvrira le 26 avril prochain.
Contact presse : Karine Appy, 06 66 12 33 02 – 01 44 82 80 67
avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE
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