Retour sur investissements

Publié le 15.10.2013| Mis à jour le 08.12.2021

Carton jaune aux investissements qui, aveuglés par la rentabilité financière, en oublient l’intérêt général. Le CCFD-Terre Solidaire lance sa campagne « Investissements Hors-jeu » afin que ces mises de fonds bénéficient aussi aux populations, à la lutte contre la pauvreté et à la cohésion sociale.


Des centaines de milliards sont investis chaque année dans des projets de toute taille, aux quatre coins du monde. Un complexe hydroélectrique titanesque au coeur de l’Amazonie, des terres spoliées pour produire des agro carburants, des mégaprojets d’infrastructures pour exploiter des sous-sols riches en bauxite, coltan ou autres matières précieuses. Certes, les investissements publics et privés sont nécessaires pour lutter contre la faim et pour le développement. Bien sûr, ils sont pensés et conçus pour répondre aux intérêts des investisseurs et à leurs logiques économiques, mais ils ne doivent pas pour autant occulter les besoins et les droits des populations. Pire, ces investissements ont parfois des impacts délétères sur la santé, le mode de vie ou l’environnement des habitants. Un état de fait que dénonce la campagne « Investissements Hors-jeu » du CCFD-Terre Solidaire, en tentant d’y apporter quelques réponses. Car « nous restons convaincus que l’investissement privé peut favoriser un développement durable et partagé à condition qu’il s’inscrive dans une démarche d’intérêt général », souligne Catherine Gaudard, directrice du Plaidoyer.

L’explosion des investissements

Les investissements internationaux ont explosé. Représentant un flux annuel de 50 milliards de dollars dans les années 1980, les Investissements directs à l’étranger (IDE) s’élèvent en 2012 à plus de 1 350 milliards de dollars selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Fruit des récents bouleversements de l’économie, de la finance et de la mondialisation des échanges, cette explosion est aussi liée aux privatisations des entreprises de réseau (eau, télécommunications, transports, énergie). Suivant la même tendance, le financement des projets de développement qui reposait dans les années 1960 principalement sur l’Aide publique au développement (APD) a lui aussi glissé vers le secteur privé.

Ainsi, dans les années 1960, 70 % des fonds investis pour le développement étaient d’origine publique, ils sont aujourd’hui à 70 %… d’origine privée. « Même l’aide publique au développement a de plus en plus pour objectif de favoriser l’investissement privé », souligne Catherine Gaudard. Poids lourds d’une économie mondialisée, les grandes entreprises multinationales sont ainsi devenues des acteurs-clé du développement.

Ce recul des États s’accompagne d’un lourd défi cit en matière de régulation, conduisant à des situations d’abandon des populations dans les pays du Sud ou de violations de leurs droits. « Il est nécessaire de s’opposer aux intérêts économiques à courte vue et à la mentalité de puissance de quelques-uns qui excluent la majorité des peuples du monde », soulignait le pape François lors d’une intervention à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en juin 2013.

Des paysans dépossédés de leurs terres

Depuis le consensus de Monterrey en 2002, texte issu de la Conférence internationale des Nations unies sur le financement du développement, les IDE sont au cœur des politiques des institutions internationales comme, notamment, le FMI ou la Banque mondiale, et au niveau français, l’Agence française de développement (AFD). « Or, trop souvent, ces investissements censés apporter capitaux, emplois, croissance, transferts de technologies et de compétences, accès aux marchés internationaux… sont en réalité le moteur d’un développement forcé qui ne prend pas en compte les besoins essentiels des populations. Ils cautionnent la course aux ressources (terres, eau, minerais) qui engendre des impacts négatifs majeurs sur les droits humains, économiques, sociaux et culturels », interpelle la campagne.

Au Guatemala par exemple, les terres fertiles sont convoitées par les investisseurs étrangers alors que près de la moitié de la population est paysanne. À coups de grands investissements, des entreprises achètent ces terres afin d’y cultiver bananes, coton et canne à sucre pour produire de l’éthanol. En 2009, des institutions de financement du développement ont participé aux investissements de Pantaleon, géant guatémaltèque de l’éthanol. Pour remplir les réservoirs des 4×4 nord-américains, les paysans guatémaltèques sont dépossédés de leurs terres ; leurs conditions de vie et de santé s’aggravent, provoquant des conflits locaux et des situations de dénutrition.

Respecter les règles existantes

Avec cette campagne « Investissements Hors-jeu », le CCFD-Terre Solidaire a pris le parti du pragmatisme. Si l’investissement privé est aujourd’hui incontournable, il doit néanmoins respecter les règles.

Et des règles existent ! Fruit d’un laborieux travail de la société civile, des avancées significatives ont été obtenues au niveau international. En 2011, les Nations unies ont adopté les « principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme », un cadre politique bâti autour de trois piliers : l’obligation des États de protéger leurs populations, le devoir des entreprises de respecter les droits de l’homme et l’accès à la justice pour les victimes. C’est la fin du jeu de cache-cache auquel se livrent les grandes entreprises depuis trop longtemps, s’abritant derrière la souveraineté des États souvent défaillants, des pays dans lesquels elles opéraient. Néanmoins, si les règles sont posées, elles n’en sont pas pour autant appliquées… « La mise en place, dans les pays d’origine des investisseurs, d’un cadre vertueux pour une utilisation juste de l’investissement, s’appuyant sur la défense des droits humains, est devenue indispensable », s’élève Catherine Gaudard.

Respecter les règles, mais aussi répondre aux besoins d’un développement durable, partagé et inscrit dans une démarche d’intérêt général. « Aujourd’hui, on donne des moyens aux firmes multinationales qui ont déjà tout. Les outils législatifs et financiers sont conçus pour elles. Alors qu’elles n’ont pas de problèmes de trésorerie, elles ont accès au crédit. Elles bénéficient de soutiens juridiques, politiques et même diplomatiques… », constate avec un brin d’irritation Maureen Jorand, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire. En effet : « Les engagements financiers accordés au secteur privé par les institutions financières internationales qui œuvrent pour le développement ont augmenté de manière significative ces dernières années, atteignant plus de 40 milliards de dollars par an en 2010 », poursuit-elle. Pourquoi ces efforts ne sont-ils pas tournés davantage vers les petites et moyennes entreprises, les petits entrepreneurs locaux, plus proches du terrain et répondant aux besoins des populations ?

Rentabilité financière et développement

L’idée n’est pas de mettre l’investissement privé au pilori. Bien au contraire. Mais de renforcer sa contribution au développement, en exigeant un encadrement contraignant. Pour y parvenir, le CCFD-Terre Solidaire propose un cadre regroupant des exigences déjà présentes dans les textes internationaux : la consultation préalable et effective des populations ; la réalisation d’études d’impacts sociaux et environnementaux indépendantes ; la transparence des données ; et l’accès à la justice pour les victimes.

Un cadre juste et exigeant que la puissance publique doit aussi s’imposer à elle-même. Car le retrait de la caution publique (qu’elle soit financière, politique ou diplomatique) d’un projet reste une sanction lourde et trace des lignes rouges. Ainsi, en 2007, le fonds souverain norvégien a revendu sa part de 9 millions d’euros détenue au capital de la compagnie minière anglaise Vedanta, reconnue responsable d’abus envers des populations indigènes en Inde. Une décision suivie en 2010 par l’Église d’Angleterre qui a retiré ses 3 millions d’euros.

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