Sommet du G8 à Lough Erne
Paris, le 19 juin – Le G8 en Irlande du Nord s’est clôt sur quelques avancées et des déceptions. Trois dossiers, sur lesquels le premier ministre britannique David Cameron avait affiché dès le départ sa volonté de progresser, étaient particulièrement attendus par les acteurs de la société civile : la lutte contre l’évasion fiscale, les mesures pour promouvoir la Sécurité alimentaire et la résolution des conflits, notamment celui en cours en Syrie.
Volet fiscal : un bon diagnostic mais pas de consensus sur les réponses
Le volet fiscal de la déclaration, dont David Cameron a voulu faire un axe majeur de sa présidence du G8, liste pour la première fois l’ensemble des défis clés en matière de transparence fiscale : une étape importante est ainsi franchie. Cependant, les engagements fermes de la part des pays membres restent à géométrie variable.
Si les chefs d’Etats ont exprimé leur volonté de généraliser l’échange automatique d’information et d’inclure les pays en développement, ils ne donnent pour l’instant aucune garantie d’avoir un système unique et multilatéral qui bénéficie à tous. Le G8 promeut la transparence pays par pays des entreprises multinationales sur les profits et les impôts auprès de toutes les administrations fiscales, ce qui constitue une avancée majeure et devrait être maintenant discuté en G20. En revanche, il reste sourd à la demande des organisations de la société civile de rendre publiques ces informations afin que cette règle exerce son effet dissuasif sur les entreprises.
Enfin, la création de registres centralisés (mais non publics) pour identifier les propriétaires réels des sociétés est pour la première fois abordée dans une déclaration du G8, et le Royaume Uni a annoncé qu’il se conformerait à cette proposition. Mais les négociations ont buté sur la question des sociétés écrans de type trusts, spécialité du droit anglo-saxon. Les pays du G8 ne sont donc pas parvenus à se mettre d’accord pour les insérer dans un tel registre. Les gestionnaires des trusts seront donc tenus de connaitre les propriétaires et bénéficiaires réels et de transmettre l’information aux autorités compétentes – une obligation qui existe déjà dans les règles du Groupe d’Action Financière Internationale (GAFI) en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Sur ce dernier point, ce sommet du G8 restera une occasion ratée d’obtenir de réelles avancées dans la lutte contre l’évasion fiscale.
Les recommandations du CCFD-Terre Solidaire sur les sociétés écrans : http://ccfd-terresolidaire.org/infos/souverainete/g8-et-sommet-de-la-faim/la-societe-civile-4212
Lutte contre l’insécurité alimentaire en Afrique : la part belle aux multinationales au détriment des agricultures locales
Les Etats membres du G8, sur ce dossier, ont fait preuve d’une grande inconséquence : la Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire, concentrée sur un petit nombre d’Etats africains avec comme principal but d’attirer les multinationales en Afrique, prend le pas sur d’autres engagements du G8. Elle est élargie à 4 nouveaux pays africains, en plus des 6 pays déjà engagés. Le G8 semble ainsi laisser inachevée l’initiative de L’Aquila pour la Sécurité alimentaire (AFSI) lancée en 2008, bien que les pays membres soient encore loin d’avoir déboursé les 20 milliards d’euros promis entre 2009 et 2012 (la France n’a réellement déboursé que 54% des sommes promises [[Lough Erne Accountability Report, 17 juin 2013]]). Par ailleurs, cette Nouvelle Alliance est en contradiction évidente avec l’engagement pris par chaque Etat membre aux Nations Unies de donner une place centrale à l’agriculture familiale et paysanne pour lutter durablement contre la faim. Les quelques références vagues faites dans la Déclaration sur ce point ne font pas illusion : ce sont au contraire les multinationales de l’agroalimentaire (Monsanto, Cargill, Danone, etc.) que les pays membres du G8 favorisent, avec une véritable efficacité cette fois ci : un an après le lancement de la Nouvelle Alliance, la moitié des projets sont déjà en cours de développement.
A l’inverse, ce G8 n’a pas progressé dans la formulation des règles qui doivent encadrer les pratiques de ces acteurs. Les timides avancées formulées notamment l’initiative sur la transparence foncière, ne permettront pas de réorienter l’Alliance, ni d’en limiter les impacts tels que les accaparements de terres et de ressources.
La France, qui a récemment rappelé par la voix du ministre Pascal Canfin, son désaccord sur la vision prônée par la Nouvelle Alliance, doit aller plus loin pour faire preuve de cohérence entre son discours et ses actions.
L’analyse de la Nouvelle Alliance par le CCFD-Terre Solidaire : http://ccfd-terresolidaire.org/IMG/pdf/positiong82013.pdf
Guerre en Syrie : l’impuissance totale du G8
Alors que le conflit syrien a déjà fait près de 100 000 morts, les dirigeants du G8 n’ont défini aucun agenda concret pour une sortie de crise. L’appel très vague à organiser une conférence diplomatique à Genève le plus tôt possible ne répond pas aux attentes que l’on pouvait avoir au début de ce sommet. Les autres chefs d’Etat doivent impérativement tirer les conséquences de leur incapacité à arracher un engagement à Vladimir Poutine, qui maintient son soutien politique et militaire au régime de Bachar el Assad.
En déroulant le tapis rouge aux principaux exportateurs d’armes russes pendant le salon du Bourget, François Hollande n’a pas saisi l’occasion de traduire en acte sa volonté de faire bouger les lignes dans le conflit syrien.
Responsabilité des acteurs économiques opérant en zones de conflit : de trop faibles avancées
Concernant le devoir de diligence que les acteurs économiques doivent avoir dans les zones en conflit ou à haut risque, le CCFD-Terre Solidaire se félicite que les États renouvellent leur soutien au guide de l’OCDE [[Le guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque]], adopté en 2011. Cet instrument est une étape positive dans la recherche des solutions pour rompre le lien entre l’exploitation des ressources naturelles et les conflits.
Il regrette cependant que le G8 n’ait pas cherché à rendre la diligence raisonnable contraignante en encourageant les Etats membres à l’intégrer dans les législations nationales -comme l’ont fait les USA dans la loi Dodd Frank. Les minerais exploités dans les zones en conflit ou à haut risque peuvent donc encore avoir des débouchés internationaux. Les belligérants en RDC, en Birmanie, en Colombie et en RCA qui profitent tous de l’exploitation et du commerce des minerais, ont encore de beaux jours devant eux.
Contacts Presse : Karine Appy – 01 44 82 80 67 – k.appy@ccfd-terresolidaire.org / Maud Lebeau – 01 44 82 80 68 – m.lebeau@ccfd-terresolidaire.org
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