SOS pour la Centrafrique: sauver la population de l’anarchie actuelle

Publié le 13.06.2013

Le 15 mars 2003, le général François Bozizé prenait le pouvoir et se proclamait président de la République centrafricaine. Dix ans plus tard, le 23 mars 2013, après plusieurs mois d’une conquête du pays accompagnée de violences contre la population, la Séléka, coalition de divers groupes d’opposition armés, renverse l’ancien putchiste Bozizé, et son leader, Michel Djotodia, s’autoproclame chef de l’État.


Principale victime de ce jeu politico-militaire, la population souffre depuis des mois : exécutions sommaires, violences sexuelles, attaques ciblées selon l’appartenance religieuse et ethnique, arrestations de partisans de l’opposition et de leurs familles, actes de torture, disparitions, recrutement d’enfants soldats, pillages à grande échelle. Dans les campagnes comme dans les villes, les gens ont fui où ils pouvaient : dans les pays voisins, Tchad, Cameroun, RD Congo ; en brousse, quand ils n’ont pu s’échapper au-delà. Après plusieurs semaines, les pillages, viols et autres exactions se poursuivent jusque dans Bangui, la capitale, où les vainqueurs n’arrivent pas à se faire obéir de leurs troupes transformées en pillards.

Des organismes des Nations unies, quelques ONG et les Eglises essaient de faire face à la détresse de la population qui manque de tout : soins de santé, alimentation … Dans presque tout le pays, les écoles sont fermées. Bangassou, dans l’est du pays, n’est plus ravitaillée que par les vols humanitaires : plus d’eau, plus de carburant, donc plus d’électricité. Comment faire fonctionner les centres de santé ? L’argent manque, incontestablement. Mais c’est surtout l’insécurité généralisée qui rend la situation particulièrement précaire et instable : le pays n’est plus contrôlé. Ceux qui détiennent une arme à feu n’hésitent pas à en faire usage pour obtenir ce que bon leur semble. La Centrafrique va-t-elle devenir la Somalie de l’Afrique centrale ? Ce « no man’s land » institutionnel, pourrait bien attirer les terroristes du Nigeria et du Mali, ou encore l’Armée de libération du Seigneur, qui trouveraient facilement refuge dans ce pays de 4,5 millions d’habitants sur 650.000 km²…

On peut comprendre que la France ne fasse pas confiance à ceux qui ont pris le pouvoir par la force et qui ne parviennent pas à faire respecter un minimum de sécurité dans la pays, mais il est impensable d’attendre qu’un président légitime soit en place pour agir car la situation ne peut qu’empirer et des conflits intercommunautaires et interconfessionnels pourraient compromettre encore plus gravement l’avenir. Nous demandons à la France et aux pays européens, mais aussi aux instances africaines, de revoir leurs positions. Il est indispensable d’apporter sans délai de l’aide humanitaire à une population en danger, il est tout aussi important d’appuyer le rétablissement d’un processus démocratique. Dans le même temps, il est nécessaire que les autorités centrafricaines actuelles prennent des mesures pour restaurer la sécurité (collecte des armes légères, démilitarisation des rebelles, etc.), et pour rétablir le fonctionnement de l’administration et des services sociaux de base (éducation, santé…).

Enfin, nous appelons à la création d’une commission d’enquête du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies sur les violations des droits de l’homme commises entre décembre 2012 et aujourd’hui, pour établir les responsabilités des exactions commises et trouver des pistes pour juger leurs auteurs.

La population de ce pays oublié a déjà trop souffert et mérite, d’urgence, l’attention et l’appui de la communauté internationale, pour mettre un terme à la violence et à la misère qui l’accompagne. Demain, il pourrait être trop tard.

François Picart, président de l’ACAT
Guy Aurenche, président du CCFD-Terre Solidaire
François Soulage, président du Secours Catholique/Caritas France
François Content, secrétaire général des Apprentis d’Auteuil

Tribune publiée dans le journal La Croix du 12 juin 2013

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