Soulèvements arabes

Publié le 09.02.2011| Mis à jour le 08.12.2021

Partenaire des acteurs de la société civile dans le monde arabe, le CCFD-Terre Solidaire considère avec une grande estime les différents mouvements de contestation qui prennent place dans de nombreux pays.


La demande de transformation politique et sociale s’exprime à l’égard des régimes qui présentent des caractéristiques communes : la longévité des mandats des chefs d’Etat, la fermeture des espaces politiques et médiatiques, l’entrave des libertés fondamentales, la captation des ressources économiques pour le compte d’une oligarchie qui alimente la corruption et le népotisme…

Bien que ces mouvements diffèrent selon les contextes, les trajectoires historiques et les configurations particulières des pouvoirs en place, ils s’inscrivent tous dans une continuité de lutte contre la répression.

Les mouvements de protestation semblent se caractériser à première vue, de manière spectaculaire et symbolique, à travers deux formes d’action :

  • Des revendications sociales et/ou économiques sous la forme d’« émeute de la faim ».
  • La révolte (ou Intifada), qui porte en elle aussi des revendications politiques.

Actuellement, tous les mouvements de soulèvement des peuples arabes qui ont lieu tentent de faire le lien entre les conditions sociales et les conditions politiques.

Cependant, ces mouvements de contestation ne se limitent  pas seulement à ces deux formes d’action qui peuvent apparaître comme non organisées de la part des syndicats ou de la société civile. En effet, l’articulation entre les revendications sociales et politiques, ainsi que les enjeux de construction d’alternatives globales impliquent à un moment ou à un autre la participation de groupes organisés partisans et non partisans. Les effets et les perspectives liés aux soulèvements arabes ne peuvent être compris sans regarder la place des organisations associatives, syndicales ou partisanes dans ces mouvements.

En Tunisie, le succès de la « révolution » ne repose pas uniquement sur la spontanéité des masses. Ce soulèvement s’inscrit bel et bien dans la continuité des luttes sociales antérieures, comme dans celles du bassin minier de Gafsa. La place de l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT) dans la construction nationale du pays est fondamentale dans la « révolution » tunisienne. L’UGTT est un syndicat unique, dont les positions officielles s’étaient largement alignées sur celles du régime en place. Cependant, certaines sections locales et professionnelles (enseignants) ont pu mener des combats autonomes en faveur de la mobilisation. La Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, impuissante par la répression du régime, a néanmoins su former de nombreux militants, présents sur l’ensemble du territoire. L’Ordre des Avocats, symbole de la classe supérieure urbaine, a rapidement rejoint le mouvement populaire.

Pour reprendre l’analyse de notre partenaire, le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), « la révolution, dont tout le monde se réclame désormais à l’unanimité, n’a finalement pas été tout à fait spontanée, en raison de l’activisme de certaines personnes, et pas assez organisée ». Les enjeux actuels de la rénovation institutionnelle et de l’organisation du pouvoir impliquent l’ensemble des partis politiques, qui ont du rejoindre le mouvement populaire en marche. Aujourd’hui, la question est de savoir si les organisations a-partisanes de la société civile disposent d’un espace pour contribuer à la reconstruction et si celles-ci verra l’émergence de nouveaux acteurs.

En Egypte, la spontanéité semble plus faible et certains concluent déjà à l’échec de la révolte pour la transformation du système, au-delà du départ de Moubarak. Pourtant, la durée de la mobilisation nationale, la détermination des manifestants face à la répression, ainsi que la nature politique des revendications témoignent de la force sans précédent de ce mouvement. Comme en Tunisie, il se caractérise par l’importance de la nature informelle de la mobilisation, grâce aux réseaux sociaux sur internet. Mais cela ne doit pas occulter la place des organisations plus formelles. Les organisations de défense des droits humains, en confrontation avec le régime, se sont rapidement coordonnées en coalition afin d’exprimer des revendications conjointes aux demandes populaires. 

L’expression rapide des revendications politiques ont permis une implication des partis d’opposition, que ce soient Les Frères musulmans, le Wafd et les partis de la gauche laïque. En Egypte, la recherche d’une unité et les discussions d’un accord pour une éventuelle transition politique se sont faites bien plus en amont qu’en Tunisie. Si ce procédé permet de nourrir la mobilisation, il présente en revanche un risque de division avec lequel le gouvernement ne manque pas de jouer.

Alors que l’Algérie est dans une toute autre situation, la mainmise des militaires sur le pouvoir politique et économique reste comparable à l’Egypte. Mais la capacité de l’Etat à redistribuer les revenus colossaux des hydrocarbures permet de satisfaire plus facilement les revendications sociales. La guerre civile des années 90 a eu un impact durable sur la capacité à formuler des revendications politiques sur la base d’une contestation sociale.

Néanmoins, les premières émeutes de janvier 2011, conjuguées aux révoltes tunisiennes et égyptiennes, ont dynamisé l’ensemble des syndicats autonomes, des associations de défense des droits humains, des organisations de développement local à vocation plus militante.  Elles ses ont confédérées dans la « Coordination Nationale pour le Changement et la Démocratie » et ont permis d’intégrer des groupes émergeants plus informelles.

Ce mouvement constitue un signe d’espoir important.

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