Stop compensation carbone : pourquoi cette campagne ? (FAQ)

Publié le 04.10.2021| Mis à jour le 02.01.2022

Face à l’urgence climatique et à l’approche de la COP26, le CCFD-Terre Solidaire se mobilise du 6 octobre au 12 novembre pour dire non aux fausses solutions pour le climat ! Parmi elles, la compensation carbone. Pourquoi dire stop ? On vous explique tout.

Pourquoi le CCFD-Terre Solidaire porte cette campagne ?

Bruxelles inondée, 50 °C au Canada … Les effets du dérèglement climatique sont de plus en plus visibles et affectent les populations du Sud comme du Nord.

Le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires, eux-mêmes témoins des ravages du réchauffement climatique, se mobilisent face à cette urgence. Leur objectif est de promouvoir des alternatives tournées vers l’écologie, la justice sociale et climatique.

À l’occasion de la COP26 qui se tiendra à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre 2021, le CCFD-Terre Solidaire sera présent pour faire entendre la voix des populations les plus affectées.

Bénévoles et partenaires unissent leurs forces pour porter cette campagne à travers de nombreuses mobilisations, partout en France et à l’international.

Qu’est-ce que la neutralité carbone ?


La neutralité carbone est l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre (GES)[1] et leur absorption par les « puits de carbone ». Ces derniers sont des réservoirs qui stockent (ou séquestrent), de façon naturelle ou artificielle, le carbone présent dans l’atmosphère.

Atteindre cette neutralité, c’est répondre à l’objectif du “zéro émission nette”[2], soit :
1 tonne émise – 1 tonne séquestrée = 0 émission.

Et cela passe par deux leviers :
– réduire une partie des émissions à la source
– compenser les autres par la séquestration du carbone

Mais comme aucune répartition claire entre les deux n’a été définie, les entreprises misent essentiellement sur la compensation carbone pour atteindre cet objectif de neutralité.

Pour aller plus loin : Neutralité carbone : vers le zéro pointé

Qu’est-ce que la compensation carbone ?


Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, la compensation carbone est érigée comme la solution par de nombreuses multinationales.

Le mécanisme est simple : il consiste à compenser ses émissions de GES en finançant des projets de séquestration ou de réduction d’émissions de CO2.

Ainsi, sur les marchés carbone[3], les pollueurs peuvent acheter des « crédits carbone » aux bons élèves pour contrebalancer le CO2 qu’ils ont émis.

Planter un arbre : c’est mal ?


Sans être « mal », planter des arbres pour compenser les émissions de GES est loin d’être une solution suffisante et présente de nombreuses limites :

– Seules les émissions de CO2 peuvent être compensées. Et même pour cela, il faudrait planter beaucoup d’arbres pour compenser l’ensemble de nos émissions. Cela nécessite des millions d’hectares et de nombreuses années avant que les arbres atteignent leur taille adulte et puissent accumuler l’équivalent du carbone émis. Pour aboutir, ce mécanisme nécessite du temps et de l’espace que nous n’avons plus.

– Le CO2 provenant des activités humaines s’ajoute à celui qui circule déjà naturellement dans l’atmosphère. Or, les arbres ont une capacité d’absorption limitée et les effets d’une sur-absorption peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la biodiversité.

– Dès lors qu’un arbre brûle ou se décompose, il rejette automatiquement dans l’atmosphère l’ensemble du carbone qu’il séquestre. Or, comme nous avons pu le constater cette année, les dérèglements climatiques engendrent une hausse du nombre d’incendies forestiers.

La compensation est donc un processus lent, soumis aux aléas de la biodiversité en même temps qu’il la met en danger, et nous détourne des enjeux vitaux de préservation des forêts primaires et de réduction des émissions de CO2.

Pour aller plus loin : « La compensation carbone ne sauve pas la forêt ! »

Pourquoi la compensation carbone est-elle inefficace ?


La compensation carbone – soit prétendre « gommer » ses émissions en plantant des arbres – est un leurre pondu par les lobbies des multinationales pour maintenir leurs activités tout en donnant l’impression de « faire leur part pour le climat ».

Scientifiquement, ce n’est pas une solution viable : aucune étude sérieuse ne démontre que le carbone est durablement capté par les arbres ou dans les sols. De plus, une tonne de gaz émise n’équivaut pas à une tonne de gaz « compensée ».

–  La compensation carbone ne peut pas être une fin en soi  : elle doit se faire en complément d’une réelle politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre plutôt que de s’en détourner.

Pour aller plus loin : Six mythes autour de la compensation carbone

Pourquoi la compensation carbone est-elle dangereuse ?


De nombreuses multinationales, avec la passivité ou la complicité des Etats, s’accaparent des milliers d’hectares de terres agricoles fertiles et nourricières, pour mener des projets de compensation carbone.

– Sur le plan des droits humains et de la biodiversité, les conséquences de l’accaparement de ces terres sont nombreuses et irréversibles : une mise à mal de la souveraineté alimentaire ; des populations et des communautés agricoles chassées de leurs terres et privées de leurs ressources, parfois dans la plus grande violence.

– Sur le plan écologique, la séquestration du carbone dans les sols, mais aussi dans les mers, menace de bouleverser ou de détruire irrémédiablement les écosystèmes.

Pour aller plus loin : Mozambique : les communautés contre la plaie du charbon

Pourquoi la compensation carbone est-elle injuste ?

Les populations qui polluent le moins sont celles qui payent le prix fort de la compensation carbone.
Les pays du Sud subissent déjà les revers de l’hyper-pollution des pays du Nord. Avec le mécanisme de compensation carbone, ils deviennent en plus « la poubelle à carbone » des gros pollueurs qui s’accaparent leurs terres pour séquestrer leurs émissions.

Et cela, dans des conditions injustes : le rachat des terres se fait bien souvent sans que les populations concernées n’aient leur mot à dire où qu’elles n’en voient la couleur, surtout dans les pays où règne la corruption.

Pendant ce temps, les Etats se dédouanent de toute responsabilité économique, sociale et civique. Ils entretiennent une politique d’abandon des souverainetés foncières et alimentaires.

Ce mécanisme est aussi injuste pour les consommateurs soucieux d’être responsable dans leur consommation, qui sont finalement dupés par les grandes entreprises qui transforment une pratique écologiquement douteuse en un argument marketing, proche de la publicité mensongère.

Pour aller plus loin : Brésil : les Indiens Huni Kuin face à leur destin

Que dénonce-t-on derrière la compensation carbone ?


En plus d’accentuer les inégalités sociales et environnementales, la pandémie de la COVID-19 a montré l’urgence de transformer nos modes de production et de consommation pour limiter le réchauffement climatique.

Plutôt que de réformer en profondeurs nos systèmes, les Etats et les principaux pollueurs optent pour la politique de l’autruche en favorisant de fausses solutions pour le climat.

En effet, depuis l’Accord de Paris, les objectifs de « neutralité carbone » fleurissent chez nombre d’acteurs. Pourtant, les mécanismes promus pour y répondre interrogent et inquiètent.

Lire aussi  : Neutralité carbone : le pari de la conversion plutôt que de la compensation

COP26 : que revendiquons-nous ?


– D’une part, la mise en place de politiques et de financements publics réduisant réellement les émissions de GES dans les secteurs les plus émetteurs (énergie, industrie, aérien). Et non des mesures qui, en quelque sorte, cachent sous le tapis les émissions de gaz dues à l’activité humaine. Compenser ce n’est pas réduire.

– D’autre part, ces mesures doivent intégrer une protection des droits humains et des écosystèmes, en incluant des garde-fous stricts et en créant une instance indépendante pour déposer des plaintes en cas de problème.

– Enfin, une aide au développement de systèmes productifs locaux et territoriaux, sobres en carbone et porteurs d’une vraie transition écologique, sociale, alimentaire et économique.

Le CCFD-Terre Solidaire a mis les terres nourricières au centre de son action et milite pour qu’elles soient absolument exclues des mécanismes de compensation via les marchés carbone de l’Accord de Paris.

Pour aller plus loin : COP 26 : tout ce qu’il faut savoir sur le prochain rendez-vous climat (FAQ)

Quelles autres alternatives sont possibles ?


Pour réduire l’impact du secteur agricole et aider les agriculteurs à s’adapter au changement climatique, il est nécessaire d’adopter une transition vers l’agroécologie paysanne et solidaire.

C’est-à-dire, la promotion de systèmes alimentaires qui intègrent toutes les dimensions – sociétale, économique, politique, environnementale – au-delà des seules pratiques agricoles.

Promouvoir l’agroécologie, c’est soutenir :
– la protection de la biodiversité
– la gestion démocratique des territoires et de leur ressource
– l’égalité femme-homme, l’agriculture familiale et les droits des populations paysannes, qui sont en première ligne de la lutte contre la faim dans le monde

C’est pourquoi, le CCFD-Terre Solidaire est mobilisé depuis 60 ans, aux côtés de celles et ceux qui œuvrent pour fonder un nouveau modèle de développement et encourager les acteurs politiques et privés à faire de même.

Stop Compensation ! Découvrez notre page de campagne

[1] Les gaz à effet de serre (GES) sont des gaz qui absorbent les rayons solaires et qui les retransmettent dans l’atmosphère sous forme de radiations : c’est l’effet de serre. Parmi ces gaz, on retrouve le dioxyde de carbone (CO2), mais pas seulement : le méthane et le dioxyde d’azote ont aussi un impact très important sur le réchauffement climatique.

[2] Neutralité carbone : l’objectif central de l’Accord de Paris est de limiter le réchauffement climatique à 1,5 voire 2°C. Pour atteindre cet objectif, l’Accord de Paris introduit une notion d’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et la séquestration du carbone. C’est ainsi qu’apparaît la notion de neutralité carbone.

[3] Sur les marchés du carbone, des acteurs (gouvernements, entreprises et particuliers) peuvent acquérir et vendre du carbone soit sous la forme d’émissions de gaz à effet de serre évitées (par exemple, en mettant hors service une centrale électrique au charbon et en réduisant la demande, ou en passant à des sources d’énergies renouvelables), soit sous la forme d’absorption de carbone (plantation d’arbres ou restauration d’écosystèmes). Cela se traduit par l’obtention de « crédits carbone » qui peuvent être revendus sur des marchés.

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