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Taxe GAFA : beaucoup de bruit pour une mesure limitée (communiqué)

Publié le 06.03.2019| Mis à jour le 16.11.2021

Après plusieurs semaines d’annonces, le gouvernement va présenter mercredi 6 mars, en Conseil des ministres, son projet de loi visant à instaurer une taxe GAFA. Ce projet de loi consiste à mettre en place une taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires des grands groupes internationaux du numérique qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France. Le gouvernement espère ainsi récolter 500 millions d’euros par an, mais ce montant devrait être déductible du bénéfice imposable des entreprises concernées.


Pour les organisations de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, si ce projet de loi a le mérite de pointer les limites du système fiscal international, il est très décevant et extrêmement peu ambitieux au regard de l’ampleur de l’évasion fiscale en France.

« Derrière le bel exercice de communication du ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire, il faut rappeler que cette mesure reste très limitée : elle ne vise qu’une trentaine d’entreprises en France et ne rapporterait pas plus de 500 millions d’euros chaque année d’après les annonces ministérielles, un grain de sable comparé aux 80 à 100 milliards d’euros que coûte l’évasion fiscale au budget de l’Etat français chaque année » indique Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires.
« Cette taxe reste une réponse temporaire à un problème systémique : un système fiscal qui n’est plus adapté à une économie du XXIe siècle. Le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire ne cesse de brandir la taxe GAFA comme « la » mesure de justice fiscale. Pourtant, les GAFA ne sont que la face visible de l’iceberg : l’évasion fiscale est un phénomène généralisé qui va bien au-delà des géants du numérique. Une nouvelle taxe sur les GAFA ne changera pas les lacunes du système fiscal et les grandes entreprises continueront à ne pas payer leur juste part d’impôt. » explique Quentin Parrinello, chargé de plaidoyer à Oxfam France.
Le système fiscal actuel, dont les principes datent de plus d’un siècle, est largement dépassé. Il repose sur une approche traditionnelle de l’activité économique, basée notamment sur la notion d’établissement stable (présence durable et physique), facilement contournée, et considère les filiales des entreprises multinationales comme des entités séparées qui échangeraient au prix du marché, selon le prix « de pleine concurrence ». Ce système permet aux entreprises multinationales de transférer artificiellement leurs bénéfices d’une filiale à une autre, d’une juridiction à une autre, dans le seul but d’échapper à l’impôt. Il y a 18 mois, les révélations des Paradise Papers ont démontré que des entreprises de tous les secteurs peuvent jouer avec les règles de notre système fiscal obsolète : Apple et Facebook étaient pointés du doigt mais aussi Nike, Total, Whirpool…

« Pour en finir avec ce jeu de passe-passe opéré par les grandes entreprises, il est crucial de réformer en profondeur notre système fiscal international. Si la France veut être crédible dans sa lutte contre l’évasion fiscale, elle doit aller beaucoup plus loin. Cela passe par des mesures de transparence fiscale, sur lesquelles la France se montre désormais bien timide au niveau européen, et par une remise à plat des règles du système fiscal international, afin de pouvoir taxer plus simplement les entreprises en fonction de leurs activités réelles en les considérant comme une entité unique. L’impôt sur les sociétés est à la croisée des chemins, c’est le véritable enjeu de ces prochaines années. » déclare Lison Rehbinder.

« Quand les multinationales ne paient pas leur part d’impôts, ce sont tout-e-s les citoyen-ne-s qui en paient le prix. Tous les Etats sont touchés par ce fléau, en premier lieu les pays en développement qui perdent jusqu’à 180 milliards d’euros chaque année. Tandis que les inégalités augmentent et que les services publics font face à des coupes budgétaires majeures, il n’est pas acceptable de voir s’évaporer de telles sommes d’argent ! » conclut Quentin Parrinello.

Notes aux rédactions :

– Ce projet de loi fait suite à l’échec annoncé des discussions menées au sein de l’Union européenne d’instaurer une taxe GAFA de 3 % sur le chiffres d’affaires des entreprises du numérique réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros. Ce projet sera encore à l’ordre du jour de l’ECOFIN du 12 mars prochain, mais ne rencontre pas le soutien de pays comme l’Irlande, le Danemark ou la Suède notamment.

– A ce jour, au moins 4 autres Etats de l’UE ont annoncé avancer de leur côté sur une taxe sur le chiffre d’affaire des géants du numérique : l’Italie, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Autriche,

– Les débats sur taxation du numérique occupent également les travaux de l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement), et plus de 125 Etats ont annoncé vouloir avancer sur cette question d’ici à 2020. La France veut porter une proposition sur une imposition mondiale minimale en ce sens.
Cependant, les précédentes réformes fiscales menées au sein de l’OCDE dans le cadre de la réforme « BEPS » ont renforcé les principes de pleine concurrence, et n’ont pas permis la participation des pays en développement aux travaux, mettant leurs intérêts de côté. La capacité des Etats de réussir à mener des réformes au sein de l’OCDE prenant en compte les demandes et intérêts de tous les Etats, y compris en développement, est à démontrer et sera au cœur des enjeux de ces travaux.
Les Etats du G77, de leur côté, demandent la création d’un organisme fiscal à l’ONU, afin que tous les Etats puissent travailler à la révision des règles fiscales sur un pied d’égalité.

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Membres de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires :
Anticor – Attac France – CADTM France – CCFD-Terre Solidaire – CFDT – CGT – Collectif Roosevelt – CRID – Les Amis de la Terre – Observatoire citoyen pour la transparence Financière Internationale – Oxfam France – Justice et Paix – Peuples Solidaires-ActionAid France – Réseau Foi et Justice Afrique Europe – Secours catholique Caritas France – Sherpa – Survie – Syndicat de la magistrature – Solidaires Finances Publiques – www.stopparadisfiscaux.fr

Contact média :
Louis Moreau, l.moreau@ccfd-terresolidaire.org, 07 80 35 69 00

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