Timor oriental et extractivisme : pour un autre modèle économique

Publié le 28.02.2020| Mis à jour le 08.12.2021

Organisation partenaire soutenue par le CCFD-Terre Solidaire, l’ONG La’o Hamutuk analyse les politiques de la nation timoraise orientées essentiellement vers l’extractivisme. Elle tente de les influencer en faveur d’un développement équitable, durable et tourné vers le bien-être des populations.
Maxi Tahu, chercheur au sein de l’organisation, nous explique les choix auxquels est confronté le pays.


Quel est le modèle de développement mis
en œuvre par le gouvernement depuis l’indépendance en 2002 ?

Maxi Tahu – Après l’occupation indonésienne, tout était détruit. Le gouvernement s’est donc concentré sur les infrastructures : les routes, les ponts, etc.

Pendant cette période de reconstruction, le pays dépendait fortement de l’aide étrangère et les autorités suivaient les diktats des agences internationales. Le développement de notre économie reposait sur l’industrie extractive.

À partir de 2012, l’aide étrangère a progressivement diminué. Aujourd’hui, notre budget dépend à 90 % du pétrole et du gaz, et nous importons 80 % de ce que nous consommons.

N’est-ce pas logique de tirer profit des richesses pétrolières du pays ?

Entre 2002 et 2018, le Timor oriental a engrangé quelque 22 milliards de dollars grâce à l’extraction du pétrole et du gaz. Mais d’ici à 2023, les réserves d’hydrocarbures en exploitation seront épuisées.

Au lieu de tenter de sortir de sa dépendance vis-à-vis des matières premières, le Timor oriental a décidé d’engager des milliards de dollars dans de nouveaux mégaprojets d’extraction.

La mer qui sépare le Timor et l’Australie regorge encore de réserves inexploitées de gaz et de pétrole convoitées par des pays voisins. La’o Hamutuk a une position très critique par rapport à cette décision.

L’expérience d’autres pays montre que l’économie extractive ne contribue pas durablement à la réduction de la pauvreté. Cette stratégie met aussi le pays à la merci des aléas des prix du marché. Et ces investissements bénéficient surtout aux nantis.

Une fois les ressources épuisées, les investisseurs disparaissent, laissant aux populations un environnement pollué. Paysans et pêcheurs perdent alors leurs terres fertiles et leurs riches écosystèmes marins. Alors que l’on parle de la sortie de l’économie carbonée, il est temps de changer de stratégie.

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Quelle est votre analyse des politiques publiques actuelles ?

Nous regrettons que le gouvernement continue à accorder une telle priorité aux grands projets d’infrastructures tels que des autoroutes et des aéroports.

Près de 70 % des Timorais vivent dans les zones rurales, la plupart d’entre eux pratiquent une agriculture de subsistance. Pourtant, seul 1,5 % du projet de budget de l’État pour 2020 est dédié à l’agriculture.

L’ensemble des dépenses publiques pour l’éducation, la santé et l’eau n’atteint que 19 % du budget total. C’est insuffisant pour faire face au faible niveau d’éducation, à la malnutrition généralisée et à un accès peu fiable à l’eau propre.

Quel modèle de développement défendez-vous ?

Nous faisons la promotion d’une diversification de l’économie. Nous sommes conscients que nous ne pourrons pas empêcher les investissements miniers prévus. Mais nous interpellons les autorités pour qu’elles se concentrent sur les secteurs productifs : la petite industrie nationale, l’agriculture paysanne et le tourisme à petite échelle.

Nous ne sommes pas contre les infrastructures, mais elles devraient s’orienter vers les besoins de base de la population, comme des routes rurales, des écoles, des hôpitaux…

Une grande partie de notre alimentation est importée, car notre secteur agricole est peu développé et notre productivité très basse. Par exemple, nous ne produisons qu’entre 30 et 40 % du riz que nous consommons. C’est pour cela que nous défendons une agriculture familiale durable pour développer le pays.

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Le terrain est favorable, car les pesticides sont très peu répandus et l’agro-industrie très peu présente. Nous restons cependant très vigilants, car des institutions comme l’Agence asiatique de développement ou l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) essayent d’influencer les politiques vers l’agro-industrie.

La pression sur la terre augmente avec les projets de développement, et les paysans perdent leur accès à la terre. Nous croyons qu’une agriculture paysanne durable permettra de diversifier l’alimentation locale, de développer l’économie familiale et de nourrir le pays.

Tous les citoyens doivent bénéficier des ressources du Timor oriental, tout en prenant la responsabilité de les protéger.

Propos recueillis par Isabelle Delforge à Dili, le 26 novembre 2019

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