Transparence fiscale des multinationales : le Conseil débloque le projet de directive, mais soutient une transparence en trompe-l’oeil

Publié le 25.02.2021| Mis à jour le 08.12.2021

Après près de 5 ans de blocage, les ministres européens ont débloqué aujourd’hui les négociations sur la transparence fiscale des multinationales. Mesure clé contre l’évasion fiscale, le « reporting pays par pays public » permettrait de savoir si les grandes entreprises paient leur part d’impôts en fonction de leurs activités réelles, ou si elles procèdent à des montages pour échapper à l’impôt. Le texte soutenu par la majorité du Conseil contient cependant des lacunes majeures : il doit évoluer en trilogue pour que la mesure soit réellement efficace.

Retour sur la directive

La Commission européenne avait publié une proposition de directive sur le reporting pays par pays public en 2016, dans la suite des révélations du Luxleaks qui montrait les pratiques d’évasion fiscale massive d’entreprises multinationales, notamment via les paradis fiscaux européens.
Le reporting pays par pays public est une mesure majeure contre l’évasion fiscale, défendue depuis près de 15 ans par les ONG et syndicats, et déjà en vigueur pour les banques européennes depuis 2014. Elle obligerait les entreprises multinationales à publier des informations clés sur les impôts qu’elles payent et leurs activités, dans tous les pays où elles sont présentes, et permettrait de déceler les montages d’évasion fiscale. Le Parlement avait adopté sa position en 2017, et il manquait la position du Conseil pour que les négociations en trilogue puissent commencer en vue de l’adoption d’un texte.

Avancée en Conseil aujourd’hui

Malgré la pression des paradis fiscaux européens, mais aussi de grands pays, une majorité qualifiée d’Etats s’est enfin prononcée en faveur de la progression du texte cet après-midi. Du fait des modalités de réunions avec le COVID-19, le vote doit être confirmé par les représentant-e-s permanent-e-s la semaine prochaine.

« C’est une très bonne nouvelle que la directive sur la transparence fiscale progresse enfin ! Alors que les révélations d’évasion fiscale continuent et que les inégalités augmentent davantage encore avec la crise déclenchée par le COVID, c’est indispensable que citoyen·ne·s et journalistes puissent enfin savoir combien d’impôts paient réellement les grandes entreprises. La France a voté en faveur du texte, mais elle continue de défendre des échappatoires pour amoindrir le texte, dans la lignée des demandes des lobbys de grandes entreprises européennes. Alors que la France a longtemps été championne de la transparence fiscale, elle doit s’investir à nouveau pour faire aboutir une mesure réellement efficace. » réagit Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires.

En effet, le texte tel qu’adopté par le Conseil contient des lacunes majeures : il ne couvre pas tous les pays, mais seulement les pays de l’Union européenne et de la liste des paradis fiscaux européens. Or si les entreprises ne déclarent pas leurs activités dans toutes leurs filiales, la mesure ne sera pas efficace : une seule filiale suffit pour faire de l’évasion fiscale. Le Conseil, et notamment la France, offre encore aux entreprises la possibilité de ne pas divulguer certaines informations si elles estiment que cela porterait atteinte à leur compétitivité : cela constitue un échappatoire inacceptable.
« Les négociations en trilogue vont être importantes, et le texte doit évoluer pour que cette mesure soit réellement utile et ne soit pas une transparence en trompe l’œil. Si les entreprises ne publient pas un reporting dans tous les pays où elles opèrent, mais seulement dans les pays européens et dans la liste européenne de paradis fiscaux quasiment vide, il ne sera pas possible de suivre réellement les montages d’évasion fiscale. La transparence fiscale est une mesure d’intérêt général, il est urgent qu’elle soit adoptée de façon à être vraiment utile » conclut Quentin Parrinello, responsable plaidoyer Justice fiscale et inégalités à Oxfam France.

Contact presse
Sophie Rebours, CCFD-Terre Solidaire – Responsable Relation médias : 07 61 37 38 65

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