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Tunisie : les femmes, premières victimes du manque d’accès à l’eau

Publié le 03.02.2021| Mis à jour le 10.12.2021

Mauvaise gestion, réchauffement climatique et surexploitation sont en train de faire de l’eau l’un des enjeux les plus vitaux de la question sociale. Proclamé par la Constitution de 2014, le droit à l’eau est, dans la pratique, de plus en plus en difficile à garantir. Les femmes sont les premières touchées.


Les tendres paysages du nord du pays ont valu à la Tunisie d’être surnommée « la verte » (el Khadra). Pourtant l’eau est en train d’y devenir une ressource rare.

Les progrès accomplis, qui ont permis de garantir aujourd’hui un taux d’accès à l’eau potable de 100 % en ville et de 93 % en zone rurale (contre 30 % en 1985), sont compromis. La quantité d’eau disponible est passée aux alentours de 430 m3 par habitant et par an, sous le seuil des 500 m3 considéré selon les normes internationales comme la limite du stress hydrique.

Les longues périodes de sécheresse se multiplient depuis quelques années et la pluviométrie pourrait baisser d’un tiers d’ici 2050. La hausse de la température accélère l’évaporation des eaux captées dans les barrages dont l’envasement diminue sensiblement les capacités. La salinité des eaux souterraines augmente sous l’effet de la diminution du niveau des nappes phréatiques : la quasi-totalité dépasse le seuil de 1,5 g de sel par litre qui rend l’eau en théorie impropre à la consommation humaine et la réserve aux usages agricoles, non sans dégrader la qualité de la production alimentaire.

Cette crise va surcharger une infrastructure déjà fatiguée. Près de la moitié du réseau de la société nationale de distribution d’eau (la Sonede) a plus de 25 ans et le prix auquel l’eau est facturée ne couvre même pas les frais de fonctionnement. L’entretien et la modernisation ne suivent pas et les coupures se font de plus en plus fréquentes en ville. Notamment l’été.

Zones rurales

Dans les zones rurales la situation est encore plus alarmante. L’approvisionnement en eau de 1,5 million de Tunisiens, sur 11 millions, dépend d’associations d’usagers, les groupements de développement agricoles (GDA). Ils se financent par les cotisations de leurs membres et la vente de l’eau. Mais ils ne sont pas à la hauteur de la tâche. « Les assemblées générales n’ont pas lieu régulièrement, l’élection des conseil d’administration n’est pas transparente, déplore Minyara Mejbri, coordinatrice du projet justice environnementale pour la section du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES, partenaire du CCFD-Terre solidaire) à Kairouan. La direction des GDA est accaparée par des politiciens, des commerçants, des gens proches de l’administration. »

Le contrôle des ressources financières et de la distribution de l’eau est une source de corruption. L’argent de la maintenance est détourné, les réseaux sont mal entretenus et se dégradent, les fuites alourdissent les factures d’électricité pour le pompage. Le prix facturé pour l’eau à des usagers pourtant parmi les plus pauvres du pays, peut atteindre 1 à 1,5 dinar (1 euro = 3,4 dinars) par m3, soit 30 à 80 % plus cher que l’eau fournie par la Sonede.

Le fardeau des femmes

Mauvaise gestion et service défaillant, coût prohibitif, enclenchent un cercle vicieux : les abonnés ne paient pas leur consommation. Les taux de recouvrement ne dépassent pas 40 % du volume d’eau consommé, les GDA ne sont plus en mesure de régler leurs factures auprès de la Steg (la compagnie nationale d’électricité) qui coupe le courant et prive d’eau des territoires entiers, écoles et hôpitaux compris, pendant plusieurs jours, parfois plusieurs semaines. Conséquence logique, les familles vont se ravitailler à des sources ou des rivières parfois polluées, achètent à prix d’or des citernes d’eau sans contrôle sanitaire. Pour l’eau d’irrigation, les paysans multiplient les forages illégaux.

Cette faillite générale du système pèse lourdement sur les femmes auxquelles échoient les servitudes domestiques dont l’eau est la matière essentielle. Ce sont elles qui doivent passer des heures chaque jour pour aller se ravitailler aux bornes-fontaines ou aux oueds (cours d’eau dans les régions sèches). Beaucoup dans ces conditions sont incapables d’assurer l’hygiène de leur foyer et de leurs enfants, un problème crucial en cette période de pandémie.

Elles sont aussi les premières à se mobiliser pour exiger leur droit à l’eau potable. En janvier 2020, les habitantes d’Erroui, un hameau du nord-ouest du pays, le « château d’eau de la Tunisie », avait organisé une marche vers un barrage situé à quelques kilomètres de chez elles : dont « l’eau est acheminée vers les gouvernorats voisins, tandis que nous, on meurt de soif ! », avaient-elles protesté.

Au-delà de la crise des GDA, c’est tout le système de gestion des ressources hydriques qui est en crise. Le gouvernorat de Kairouan, au centre du pays, est l’un des plus défavorisés, un tiers seulement de sa population est desservie par la Sonede. Qui plus est « le réseau de la Sonede est très mauvais et beaucoup de GDA sont paralysés par des conflits », explique Ines Labiadh, directrice du département Justice environnementale du FTDES. « la région, poursuit-elle, compte sept unités de conditionnement d’eau minérale en été, l’eau potable est coupée pour les habitants des zones rurales tandis que de l’eau en bouteille est fournie aux marchés urbains ».

Par Thierry Brésillon

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