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En Bolivie : les Guaranis attendent la pluie pour réparer leurs terres décimées #JeudiPhoto
A l’occasion de la Journée Mondiale du Climat, notre regard se tourne cette semaine sur les familles paysannes Guaranis en Bolivie. Regardons, comme avec eux, leurs terres réduites en cendres par les incendies à répétition, sans le moindre présage de pluie à l’horizon.
© Ana Carolina Lima / CCFD-Terre Solidaire Rumildo Chavez Gonzalez, connu sous le nom de « Curepa » est un agriculteur né et élevé sur les terres de la communauté Guaranis, à l’est de la Bolivie. Sur le dos de Juan, son cheval, il foule en silence ses terres réduites en cendres.
« Avant, la seule chose que Juan et moi avions l’habitude de trouver, c’était du bétail tué par des pumas échappés d’autres régions. Mais tout a changé. Je pouvais voir les grands feux qui entouraient la ferme. Ça venait de nulle part. Je travaille sur ses terres depuis plus de 30 ans, j’ai vécu toute ma vie dans la région et jamais je n’ai vu de tels incendies ».
Dans le tout petit village de Gabetita, la photographe Ana Carolina de Lima est allée à la rencontre de ces familles paysannes. Elle a foulé, à son tour, les terres agricoles, décimées par la sécheresse auquel s’ajoutent les pratiques de l’agro-industrie qui alimentent le départ d’incendies par l’usage de brûlis pour défricher les terres. Des feux incontrôlables qui se déchaînent au contact des vents violents et de la saison sèche.
Les familles paysannes vivent dans l’attente et l’espoir de voir la pluie, qui se fait de plus en plus rare, réparée leurs terres asséchées et brûlées.
« Les incendies ont tout dévasté. En ce moment, tout est sec, mais nous savons que les choses changeront quand la pluie arrivera », témoigne Marisol qui vit avec ses trois enfants dans une tente au milieu des arbres brunis par la sécheresse.
Chaque jeudi, nous vous proposons un arrêt sur image pour prendre conscience, autrement, d’une fracture de notre monde sur lequel, par l’action collective et le plaidoyer, nous agissons.
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Timor-Leste : des solutions pour lutter contre la faim climatique (vidéo)
Au Timor-Leste, les dérèglements climatiques causent régulièrement des catastrophes naturelles extrêmes qui menacent la souveraineté alimentaire du pays. Face à ces enjeux, notre partenaire, Permatil, soutient de nombreuses initiatives pour permettre à la population de retrouver sa sécurité alimentaire.
Cyclones, inondations, sécheresses … ces évènements météorologiques récurrents au Timor-Leste, mettent en péril les récoltes et déstabilisent l’économie.
Notre organisation partenaire local, Permatil, soutient la réhabilitation des bassins versants permettant de s’adapter aux fortes pluies et de stocker l’eau en cas de sécheresse.
Elle aide également les paysans à engager des démarches agro-écologiques durables pour régénérer les sols et retrouver leur sécurité alimentaire.
Grâce à son action, une loi inédite a été adoptée en 2015, permettant d’intégrer la permaculture et l’aménagement des jardins potagers dans les programmes scolaires.
Faim climatique, changeons les prévisions !
Pour aller plus loin :
L’agroécologie vue du Timor Leste : des potagers en permaculture dans toutes les écoles ? -
En Irak, la menace de la faim le long des marais assoiffés #JeudiPhoto
A l’occasion de notre campagne pour agir contre la faim climatique, notre regard se porte cette semaine, sur les populations du Sud de l’Irak vivant de l’écosystème unique des Marais Mésopotamiens, aujourd’hui menacés de disparaître.
IRAK. Long la route de Bagdad à Chibayish. © Roberta Valerio / CCFD-Terre Solidaire Le long de la route de Bagdad à Chibayish, une femme de pêcheur accompagnée de ses deux enfants vend les quelques poissons fraîchement pêchés aux aurores. Une denrée qui se fait de plus en plus rare.
La photographe Roberta Valerio a sillonné le Sud de l’Irak à la rencontre des populations de pêcheurs et d’agriculteurs des Marais Mésopotamiens, qui subissent de plein fouet les dérèglements climatiques qui menacent leurs moyens de subsistance.
Les marais mésopotamiens, à l’écosystème unique et connus comme “le Jardin d’Eden”, est un trésor multimillénaire aujourd’hui menacé de disparaître au grand désespoir des populations et des espèces qui y vivent. En raison des fortes vagues de chaleur, pouvant atteindre jusqu’à 50°C l’été, l’eau s’évapore à vue d’œil. A cela, s’ajoutent les barrages construits en amont et les déchets rejetés en aval qui remontent en polluant les terres.
Se nourrir devient un défi du quotidien et contraints les familles qui y vivent à s’exiler et à abandonner leurs terres, leurs cultures et leurs habitats.
Contre la faim climatique, nous pouvons agir en changeant les prévisions
et empêcher que 600 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde d’ici 2080.Chaque jeudi, nous vous proposons un arrêt sur image pour prendre conscience, autrement, d’une fracture de notre monde sur lequel, par l’action collective et le plaidoyer, nous agissons.
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Justice climatique : Stop compensation carbone
Non aux fausses solutions pour le climatFace au dérèglement climatique, les multinationales rivalisent de fausses solutions sur leur neutralité carbone. Comment ? En plantant des arbres plutôt qu’en réduisant significativement leurs émissions de gaz à effet de serre.
Non, planter des arbres à l’autre bout du monde ne diminue pas l’impact des activités des plus gros pollueurs.
Oui, cela a des conséquences dévastatrices sur les populations les plus vulnérables et l’environnement.
1.5°C
c’est la limite qui sera franchie dans 10 ans
67 %
de hausse d’émissions de CO2
dans le monde entre 1990 et 2018.© William DupuyNos convictions
Les dérèglements climatiques révèlent l’impasse de notre modèle de développement.
L’eau, la terre, les forêts et l’air sont des biens communs trop précieux pour les laisser entre les mains de la finance et des multinationales.
Nous défendons une justice climatique fondée sur l’équité, la solidarité et le respect des humains.
Nos revendications pour une justice climatique
Pendant la COP 26, demander le retrait du secteur des terres de l’Article 6 de l’Accord de Paris. Nos terres doivent rester en dehors des mécanismes de compensation carbone et des marchés financiers.Privilégier des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre, plutôt que des fausses solutions comme la compensation carbone.Soutenir les initiatives citoyennes, ici et là-bas, qui construisent une vraie transition écologique, sociale, alimentaire et économique.Partout dans le monde, nos partenaires se mobilisent pour dénoncer l’impact des programmes de compensation carbone.
Sur le terrain
Nos partenaires témoignent
© Gwenn DubourthoumieuF.A.Q : Pourquoi cette campagne ?
Bruxelles inondée, 50 °C au Canada … Les effets du dérèglement climatique sont de plus en plus visibles et affectent les populations du Sud comme du Nord.
Le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires, eux-mêmes témoins des ravages du réchauffement climatique, se mobilisent face à cette urgence. Leur objectif est de promouvoir des alternatives tournées vers l’écologie, la justice sociale et climatique.
À l’occasion de la COP26 qui se tiendra à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre 2021, le CCFD-Terre Solidaire sera présent pour faire entendre la voix des populations les plus affectées.
Bénévoles et partenaires unissent leurs forces pour porter cette campagne à travers de nombreuses mobilisations, partout en France et à l’international.
La neutralité carbone est l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre (GES) et leur absorption par les “puits de carbone”. Ces derniers sont des réservoirs qui stockent (ou séquestrent), de façon naturelle ou artificielle, le carbone présent dans l’atmosphère.
Atteindre cette neutralité, c’est répondre à l’objectif du “zéro émission nette”, soit :
1 tonne émise – 1 tonne séquestrée = 0 émission.Et cela passe par deux leviers :
- réduire une partie des émissions à la source
- compenser les autres par la séquestration du carbone
Mais comme aucune répartition claire entre les deux n’a été définie, les entreprises misent essentiellement sur la compensation carbone pour atteindre cet objectif de neutralité.
Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, la compensation carbone est érigée comme la solution par de nombreuses multinationales.
Le mécanisme est simple : il consiste à compenser ses émissions de GES en finançant des projets de séquestration ou de réduction d’émissions de CO2.
Ainsi, sur les marchés carbone, les pollueurs peuvent acheter des “crédits carbone” aux bons élèves pour contrebalancer le CO2 qu’ils ont émis.
Sans être “mal”, planter des arbres pour compenser les émissions de GES est loin d’être une solution suffisante et présente de nombreuses limites :
- Seules les émissions de CO2 peuvent être compensées. Et même pour cela, il faudrait planter beaucoup d’arbres pour compenser l’ensemble de nos émissions. Cela nécessite des millions d’hectares et de nombreuses années avant que les arbres atteignent leur taille adulte et puissent accumuler l’équivalent du carbone émis. Pour aboutir, ce mécanisme nécessite du temps et de l’espace que nous n’avons plus.
- Le CO2 provenant des activités humaines s’ajoute à celui qui circule déjà naturellement dans l’atmosphère. Or, les arbres ont une capacité d’absorption limitée et les effets d’une sur-absorption peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la biodiversité.
- Dès lors qu’un arbre brûle ou se décompose, il rejette automatiquement dans l’atmosphère l’ensemble du carbone qu’il séquestre. Or, comme nous avons pu le constater cette année, les dérèglements climatiques engendrent une hausse du nombre d’incendies forestiers.
La compensation est donc un processus lent, soumis aux aléas de la biodiversité en même temps qu’il la met en danger, et nous détourne des enjeux vitaux de préservation des forêts primaires et de réduction des émissions de CO2.
La compensation carbone – soit prétendre “gommer” ses émissions en plantant des arbres – est un leurre pondu par les lobbies des multinationales pour maintenir leurs activités tout en donnant l’impression de “faire leur part pour le climat”.
- Scientifiquement, ce n’est pas une solution viable : aucune étude sérieuse ne démontre que le carbone est durablement capté par les arbres ou dans les sols. De plus, une tonne de gaz émise n’équivaut pas à une tonne de gaz “compensée”.
- La compensation carbone ne peut pas être une fin en soi : elle doit se faire en complément d’une réelle politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre plutôt que de s’en détourner.
De nombreuses multinationales, avec la passivité ou la complicité des Etats, s’accaparent des milliers d’hectares de terres agricoles fertiles et nourricières, pour mener des projets de compensation carbone.
- Sur le plan des droits humains et de la biodiversité, les conséquences de l’accaparement de ces terres sont nombreuses et irréversibles : une mise à mal de la souveraineté alimentaire ; des populations et des communautés agricoles chassées de leurs terres et privées de leurs ressources, parfois dans la plus grande violence.
- Sur le plan écologique, la séquestration du carbone dans les sols, mais aussi dans les mers, menace de bouleverser ou de détruire irrémédiablement les écosystèmes.
Les populations qui polluent le moins sont celles qui payent le prix fort de la compensation carbone.
Les pays du Sud subissent déjà les revers de l’hyper-pollution des pays du Nord. Avec le mécanisme de compensation carbone, ils deviennent en plus “la poubelle à carbone” des gros pollueurs qui s’accaparent leurs terres pour séquestrer leurs émissions.
Et cela, dans des conditions injustes : le rachat des terres se fait bien souvent sans que les populations concernées n’aient leur mot à dire où qu’elles n’en voient la couleur, surtout dans les pays où règne la corruption.
Pendant ce temps, les Etats se dédouanent de toute responsabilité économique, sociale et civique. Ils entretiennent une politique d’abandon des souverainetés foncières et alimentaires.
Ce mécanisme est aussi injuste pour les consommateurs soucieux d’être responsable dans leur consommation, qui sont finalement dupés par les grandes entreprises qui transforment une pratique écologiquement douteuse en un argument marketing, proche de la publicité mensongère.
En plus d’accentuer les inégalités sociales et environnementales, la pandémie de la COVID-19 a montré l’urgence de transformer nos modes de production et de consommation pour limiter le réchauffement climatique.
Plutôt que de réformer en profondeurs nos systèmes, les Etats et les principaux pollueurs optent pour la politique de l’autruche en favorisant de fausses solutions pour le climat.
En effet, depuis l’Accord de Paris, les objectifs de “neutralité carbone” fleurissent chez nombre d’acteurs. Pourtant, les mécanismes promus pour y répondre interrogent et inquiètent.
D’une part, la mise en place de politiques et de financements publics réduisant réellement les émissions de GES dans les secteurs les plus émetteurs (énergie, industrie, aérien). Et non des mesures qui, en quelque sorte, cachent sous le tapis les émissions de gaz dues à l’activité humaine. Compenser ce n’est pas réduire.
D’autre part, ces mesures doivent intégrer une protection des droits humains et des écosystèmes, en incluant des garde-fous stricts et en créant une instance indépendante pour déposer des plaintes en cas de problème.
Enfin, une aide au développement de systèmes productifs locaux et territoriaux, sobres en carbone et porteurs d’une vraie transition écologique, sociale, alimentaire et économique.
Le CCFD-Terre Solidaire a mis les terres nourricières au centre de son action et milite pour qu’elles soient absolument exclues des mécanismes de compensation via les marchés carbone de l’Accord de Paris.
Pour réduire l’impact du secteur agricole et aider les agriculteurs à s’adapter au changement climatique, il est nécessaire d’adopter une transition vers l’agroécologie paysanne et solidaire.
C’est-à-dire, la promotion de systèmes alimentaires qui intègrent toutes les dimensions – sociétale, économique, politique, environnementale – au-delà des seules pratiques agricoles.
Promouvoir l’agroécologie, c’est soutenir :
- la protection de la biodiversité
- la gestion démocratique des territoires et de leur ressource
- l’égalité femme-homme, l’agriculture familiale et les droits des populations paysannes, qui sont en première ligne de la lutte contre la faim dans le monde
C’est pourquoi, le CCFD-Terre Solidaire est mobilisé depuis 60 ans, aux côtés de celles et ceux qui œuvrent pour fonder un nouveau modèle de développement et encourager les acteurs politiques et privés à faire de même.
Pesticides : un modèle qui nous est cher
Dans les prochains mois, en particulier avec la présidence française de l’Union européenne et la volonté affichée d’Emmanuel Macron de porter une « initiative forte » sur les pesticides, ce sujet sera plus que jamais au cœur des débats. Les échéances ne manquent pas : objectif de réduction de 50% des pesticides, interdiction du glyphosate, fin des exports hors-UE des pesticides interdits d’usage… Pour éclairer la dimension économique – encore peu explorée – de ce sujet, le BASIC, le CCFD-Terre Solidaire et POLLINIS publient un rapport sur les coûts générés par le secteur des pesticides.
Tandis que les bénéfices de ce secteur se concentrent entre les mains de quatre multinationales (Bayer, BASF, Corteva et Syngenta-ChemChina), les citoyens s’acquittent chaque année d’une facture considérable pour payer les coûts associés à leur usage. Aujourd’hui, au sein de l’Union européenne, le secteur des pesticides coûte deux fois plus cher aux citoyens qu’il ne rapporte aux firmes qui les fabriquent et les commercialisent : 2,3 milliards d’euros directement attribuables aux pesticides et à la charge de la société en 2017 [1] , contre 0,9 milliard d’euros de bénéfices nets réalisés par l’industrie la même année.
Ainsi, l’Union européenne offre près d’un demi-milliard d’euros par an au secteur en réduction de TVA, tandis que le système agro-industriel auquel ils sont intrinsèquement associés ne tient pas ses principales promesses : la faim persiste, la malnutrition augmente et les revenus des agriculteurs restent insuffisants.
Malgré ce constat d’échec et la remise en question grandissante du modèle agricole intensif, les institutions continuent de soutenir les fabricants de pesticides et leur volonté d’imposer une 3ème révolution agricole. Les leaders du secteur tentent en effet de se réinventer en développant « l’agriculture numérique » et les nouvelles technologies du génie génétique. Cette évolution, coûteuse et dont les impacts sont trop peu documentés, repose sur l’utilisation intensive de ressources non-renouvelables et accentue la dépendance des agriculteurs vis-à-vis de leurs fournisseurs d’intrants.
De plus, derrière cette vision se cache une réalité moins reluisante pour le secteur : il repose de plus en plus sur son expansion à l’international et notamment l’export, dans les pays en développement et émergents, de pesticides interdits en Europe en raison de leur toxicité.
Les résultats de cette étude confirment la nécessité d’une transition ambitieuse de nos systèmes agricoles et alimentaires, qui permettrait de s’affranchir des pesticides et d’atteindre la souveraineté alimentaire, partout dans le monde. 2022 sera une année clé : aux représentants des États Membres de choisir entre un modèle coûteux et polluant concentré dans les mains de quelques industries, et une transition agroécologique permettant, entre autres, la sortie des pesticides défendue par plus d’un million de citoyens [2] .
Pour en savoir plus :
[1] 1,9 milliards de dépenses associées aux coûts de régulation, de dépollution de l’eau, d’émissions de GES et aux coûts des maladies professionnelles causées par les pesticides, plus 0,4 milliard de réduction de TVA
Le scandale des pesticides interdits en Europe et exportés en Afrique
En Côte d’Ivoire, Sena Adessou est le secrétaire général d’Inades-Formation, un réseau présent dans 10 pays d’Afrique et soutenu par le CCFD-Terre Solidaire. Il dénonce l’importation de pesticides toxiques interdits en Europe.
Une grande partie des produits classés « extrêmement dangereux », le plus souvent interdits dans l’UE, reste commercialisée ailleurs dans le monde notamment en Afrique. Est-ce le cas en Côte d’Ivoire ?
Sena Adessou : Oui, ces pesticides chimiques de synthèse sont encore utilisés en Côte d’Ivoire, et plus largement en Afrique, alors qu’ils sont considérés comme toxiques pour la santé humaine, l’environnement et la biodiversité.
Interdits sur le marché européen, ces produits sont souvent fabriqués dans les pays du Nord, notamment dans l’Union européenne !Comment ces pesticides se retrouvent-ils en vente sur vos marchés ?
De manière générale, pour vendre ces pesticides sur nos marchés, il faut obtenir des autorisations officielles. On s’interroge donc sur la réglementation en vigueur, sur ce que font nos autorités en matière de gestion des circuits de commercialisation, de distribution mais aussi d’importation.
Si certains décideurs ne connaissent pas suffisamment les impacts de ces produits et s’en tiennent à leur usage d’herbicide, insecticide ou fongicide, ceux, conscients de leurs effets, qui les laissent entrer sur le marché national mettent nos vies en danger.Que propose Inades-Formation pour lutter contre leur utilisation ?
Nous venons de lancer la campagne « Conscience AlimenTerre » fondée sur le droit à une alimentation saine et durable. Son objectif est d’abord d’informer et de sensibiliser les acteurs issus du monde agricole sur les dangers et le caractère toxique des pesticides chimiques de synthèse.
Ils les utilisent souvent à tort et à travers par manque de connaissances. L’absence d’informations claires des étiquetages de ces produits est d’ailleurs un problème !Cette campagne vise aussi les pouvoirs publics pour qu’ils prennent en compte leur dangerosité et toxicité afin de ne plus les importer.
Nous voulons aussi les encourager à mettre en œuvre la transition agroécologique de nos systèmes alimentaires.
Les premiers lancements de la campagne – pilotée dans les 10 pays d’Afrique de l’Ouest où agit Inades-Formation – ont déjà convaincu nombreuses organisations paysannes de rallier la cause !Propos recueillis par Marion Chastain
Lire notre rapport : “Pesticides, un modèle qui nous est cher”
Le corbeau et le renard : produire local n’est pas une fable
Maître Corbeau tenait en son bec un fromage local… Quand la célèbre fable de La Fontaine se détourne en une allégorie des bienfaits de l’agroécologie où l’agroindustrie n’a qu’à bien se tenir.
Le corbeau et le renard
Cette parodie de la fameuse fable nous raconte comment l’agroécologie est une réponse concrète au problème agricole mondial.
Le CCFD-Terre Solidaire est engagé dans le programme de Transition vers une agroécologie paysanne au service de la souveraineté alimentaire (TAPSA), qui soutient partout dans le monde des initiatives en faveur de systèmes agricoles et alimentaires territorialisés, démocratiques et sains pour la planète et ses habitants.
À voir aussi :
Episode 1, La cigale et la fourmi : une nouvelle version de la fable autour de l’agroécologie
Episode 2, Semences paysannes : la fable du loup et de l’agneau revisitéeUn programme mondial pour soutenir l’agroécologie paysanne
La lente transition de l’agriculture bretonne
Cet été, les bénévoles du CCFD-Terre Solidaire ont invité les touristes de passage sur la Côte d’Émeraude à la rencontre d’agriculteurs engagés.
À vol d’oiseau, un kilomètre sépare le phare du cap Fréhel de la ferme du Gros-Chêne, l’exploitation agricole de Matthieu Juhel.
Comme vingt autres exploitations, la ferme apparaît dans la brochure éditée par l’équipe de bénévoles de la Côte d’Émeraude. « À l’occasion des 60 ans du CCFD-Terre Solidaire, nous avons imaginé , avec Bertrand Lebrun et Jean-François Comyn, un rallye pour découvrir des fermes paysannes et solidaires, raconte Yves Cohen. Cette initiative autour de l’agroécologie fait écho à tous ces projets soutenus par notre association dans les pays du Sud. »
L’équipe de bénévoles du CCFD-Terre Solidaire a travaillé en partenariat avec le Réseau Bretagne Solidaire [1] et quelques groupements d’agriculteurs bio des Côtes-d’Armor, afin de sélectionner un certain nombre d’exploitations bio : maraîchage, élevage, production laitière…
La plupart des agriculteurs sont installés depuis des années, mais d’autres, comme Matthieu, débutent.
Matthieu, éleveur de brebis, a pu s’installer il y a quatre ans grâce au soutien de ses parents
L’idée était d’attirer les touristes de la côte vers les fermes et de leur faire découvrir des producteurs, mais aussi d’évoquer la situation des paysans dans les pays du Sud.
Bertrand Lebrun, BénévoleLa terre agricole : rare, chère et très prisée
Ce fils de paysan a suivi une formation de paysagiste, puis a séjourné un temps en Australie et pratiqué divers métiers assez éloignés de l’agriculture. « Éleveurs de porcs dans un système très conventionnel, mes parents ont tout fait pour que leurs enfants n’entrent pas dans cette profession. »
Pourtant, il y a quatre ans, Matthieu s’est lancé dans un projet d’exploitation agricole. « Sur un autre modèle que celui des parents, reconnaît le jeune homme de 28 ans. Je n’avais pas eu envie de travailler dans la ferme familiale, car nous n’avons pas la même idée de l’agriculture. J’ai préféré m’installer ailleurs. Mais ils me soutiennent à 100 %. »
Les parents ont en effet financé la vieille ferme où s’est installé leur fils, quasi abandonnée depuis 25 ans, ainsi que les 7 hectares de terre, éloignés de quelques kilomètres.
Matthieu a choisi une culture assez « exotique » pour la Bretagne : le houblon. Une expérimentation sur un demi-hectare qui, les deux premières années, ne donna guère de résultats. L’année dernière, il en a récolté 60 kg vendus à des brasseries régionales. « Mais l’objectif à terme, c’est d’obtenir 400 à 500 kg de houblon. »
Quand un agriculteur voisin a pris sa retraite, ses parents ont à nouveau financé 25 hectares. « Il fallait faire vite, c’était une opportunité », explique Matthieu. Il décide, tout en gardant un travail à temps partiel, de se lancer dans l’élevage de brebis destinées à la reproduction d’agneaux. Il en possède 50 et l’année prochaine, il devrait avoir un troupeau de 200 têtes. Mais les acquisitions foncières pèsent lourd sur les épaules des parents.
« Quand je serai définitivement installé à plein temps en 2022, je devrai tout leur racheter. Cela représente environ 200 000 €. Alors j’aimerais que le GFA Sol en Bio me rachète les terres et me les loue. Sinon, je ne pourrai pas m’en sortir. »
Houblon bio, élevage de moutons viande. Visite de bénévoles CCFD Essayer de sensibiliser les touristes à l’agroécologie
« Notre idée était d’attirer les touristes de la côte vers les fermes et de leur faire découvrir des producteurs, mais aussi d’évoquer la situation des paysans dans les pays du Sud », précise Bertrand Lebrun, bénévole.
Une brochure, imprimée à 10 000 exemplaires, a été distribuée dans les offices du tourisme de la région.
Hélas… après six semaines, il n’y a eu que très peu de visites chez les agriculteurs. « C’est un semi-échec, reconnaît Yves Cohen. Que les gens prennent leur voiture pour se rendre sur les exploitations, c’était un peu un prétexte. L’idée, à travers cette proposition touristique,c’était surtout de parler du CCFD-Terre Solidaire ».
Matthieu, l’éleveur de brebis, lui a vu cela « comme une opportunité de montrer l’importance de l’agroécologie, de faire prendre conscience de l’importance de replanter des arbres, de manger local. Une occasion aussi de donner un visage un peu plus humain à l’agriculture ».
Dans leur ferme, à Pléneuf-Val-André, Hervé et François Talbourdet et leur nièce Marie élèvent des brebis. Pendant des décennies, ils ont pratiqué l’élevage conventionnel de vaches laitières.
La conversion en bio s’est faite en 2001, et comme à cette époque il n’y avait pas de collecte de lait bio, les deux frères se sont lancés dans la transformation : yaourt, beurre, fromage blanc.
Mais, à la suite d’un souci sanitaire, l’exploitation a failli fermer. « Nous nous sommes aperçus qu’on avait un peu trop délaissé la production au profit de la transformation », admet l’éleveur. Ils se séparent des vaches et se tournent vers l’élevage de brebis laitières.
Après une période d’adaptation, Hervé et François ne regrettent rien : « Avec les changements climatiques, nos terres semblent mieux adaptées pour ce type d’élevage. » Le troupeau de 140 têtes occupe la moitié des terres. D’autres parcelles sont semées en blé (vendu à un artisan-boulanger). « Nous sommes principalement en location et notre surface a doublé en 30 ans. Mais nous commençons à “lâcher” des terres. Pour beaucoup d’agriculteurs, c’est compliqué de trouver de nouvelles terres », souligne Hervé.
L’importance des circuits courts
Les produits de la ferme, essentiellement des fromages, sont vendus dans des boutiques bio et par une Amap. Avec d’autres producteurs, François et Hervé ont créé un système de vente sur Internet : la Binée paysanne. « C’est important le circuit court », précise Hervé.
Son autre cheval de bataille, c’est la souveraineté alimentaire à l’échelle de la planète : « Pourquoi les producteurs français exportent leurs poules réformées vers l’Afrique ? Cela tue la filière locale. Et, à l’inverse, s’il y avait un jour un problème d’approvisionnement en soja, importé d’Amérique du Sud, car moins cher, comment pourrions-nous nourrir le bétail puisque nous n’en produisons pas ? Sans parler des dégâts écologiques dus à ce genre de culture. Dans notre ferme, nous visons l’autonomie, et nos brebis ne se nourrissent que d’herbe, pour avoir le moins d’impact possible sur les pays du Sud. »
Un autre modèle économique agricole est possible
Claire et Yann Yobé ne sont pas non plus propriétaires. Ils louent leurs bâtiments et leurs terres depuis 1994. Avant eux les parents et aussi les grands-parents de Yann en furent locataires. « On a calculé qu’en partant du prix de la location, il nous faudrait 42 ans pour payer les terres et les bâtiments, précise Claire. Et après 30 ans d’exploitation, nous n’avons aucune dette. » Il n’y a pas non plus de gros engins ni de haute technologie dans la salle de traite.
Claire et Yann Yobé louent leurs terres, n’ont pas de grosses machines et n’ont aucune dette.
Les quarante vaches laitières paissent dans les prairies. « C’est un troupeau qui, pour le secteur, peut sembler ridicule, reconnaît Yann. Mais le bio est aussi une façon de valoriser le produit et donc de s’en sortir. »
Claire fabrique aussi une centaine de kilos de pain par semaine. Elle les vend également par l’intermédiaire de l’association La Binée paysanne. « Nous avons toujours voulu avoir une vie à côté de notre activité », explique-t-elle. Savoir s’arrêter, prendre des vacances et ne pas toujours travailler.
L’image de l’agriculteur croulant sous le travail afin de rembourser ses dettes est un peu écornée. Le couple prouve ainsi qu’un autre modèle économique est possible. Bientôt Claire transmettra son savoir-faire à un jeune en installation.
« Nous avons toujours eu cette philosophie d’aider les autres. Nous accueillons des stagiaires et des woofeurs [2]. » Les liens, l’entraide, la création des réseaux sont importants pour ce couple qui a monté une association culturelle et a transformé une grange en salle de spectacle où se déroulent des pièces de théâtre, des concerts. C’est ici que les bénévoles du CCFD-Terre Solidaire ont organisé, le 11 septembre dernier, une grande fête de l’agroécologie, avec un marché paysan, une exposition et une randonnée « rallye thématique », au son de la musique et d’explications sur l’agroécologie, l’accès au foncier ici et dans les pays du Sud.
« À travers ce rallye, nous avons semé. Sur le long terme, on ne sait pas encore sous quelle forme pourra se poursuivre ce projet, conclut Bertrand Lebrun. La Bretagne, première région agricole française, est en pleine mutation. L’agriculture intensive industrielle a permis d’enrichir considérablement son économie, mais aussi a détruit partiellement l’environnement. Nous avons pensé qu’il était important de mettre l’accent sur des pratiques agricoles vertueuses, certes minoritaires, mais qui se développent. »
Texte et photos : Jean-Michel Delage/Hans Lucas
UN GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE (GFA) est une société civile particulière au secteur agricole et exploitant des terres. Sa vocation est de détenir des terres agricoles cultivables, le plus souvent pour les louer à un exploitant, en contrepartie d’un bail à long terme. Le GFA Sol en Bio, qui a vu le jour en 2013 sous l’impulsion notamment de Claire et de Yann Yobé, acquiert des terres pour les louer ensuite à des jeunes qui cherchent à s’installer ou à des fermiers qui ne peuvent ou ne veulent pas devenir propriétaires de leur exploitation. Des agriculteurs mais aussi des épargnants peuvent acheter des parts pour une valeur de 100 €.
Cela ne peut se faire que dans le cadre d’un projet d’installation ou d’aménagement de bâtiments.[1] Le Réseau Bretagne Solidaire est né de la fusion de deux réseaux bretons dédiés à la coopération et à la solidarité internationale. https://www.bretagne-solidaire.bzh/
[2] Les bénévoles (les Woofeurs) s’initient aux savoir-faire et aux modes de vie biologiques, en prêtant main-forte à des agriculteurs ou particuliers (les hôtes) qui leur offrent le gîte et le couvert.
Un manuel pour aider les communautés paysannes africaines à défendre leurs droits
Ce manuel en forme de boite à outil donne des clés aux organisations paysannes pour défendre leur droits économiques et sociaux lorsque des politiques publiques les mettent en difficulté
Pour permettre aux organisations paysannes de se défendre et de se mobiliser pour l’accès à leurs droits, le CCFD-Terre Solidaire les accompagne à travers un soutien financier et des formations.
C’est lors d’une de ces formations que les participants ont émis le souhait de fabriquer un manuel en forme de boîte à outil pour les accompagner dans leurs revendications à faire respecter leurs droits économiques et sociaux.
Ce manuel des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) s’adresse à tous les acteurs de la société civile et en particulier aux représentants des groupements de paysannes et paysans d’Afrique.
Sous forme didactique il est la synthèse des contenus d’une formation organisée en collaboration avec Human Dignity en octobre 2019 dans le cadre du programme TAPSA co-financé par l’Agence Française de Développement.
L’ambition est de donner les clés d’engagement pour permettre aux populations de défendre leur droits et d’accéder à une vie digne.
Lettre ouverte – Les banques de développement n’ont pas vocation à financer l’agrobusiness
Plus de 450 banques publiques de développement (BPD) du monde entier vont se retrouver à Rome les 19 et 20 octobre 2021 pour un second sommet international, baptisé Finance en commun. Durant le premier sommet à Paris en 2020, plus de 80 organisations de la société civile avaient publié une déclaration conjointe réclamant que les BDP arrêtent de financer les entreprises et projets agroalimentaires qui privent les communautés locales de leurs terres et de leurs ressources naturelles. Cette année, cependant, les BPD ont fait de l’agriculture et de l’agrobusiness la priorité de leur second sommet. C’est une grande source d’inquiétude pour les signataires ci-dessous, car les BPD se sont depuis longtemps spécialisées dans les investissements agricoles qui bénéficient aux intérêts privés et aux entreprises agroindustrielles, aux dépens des agriculteurs, des éleveurs, des pêcheurs, des travailleurs de l’alimentation et des peuples autochtones, portant sévèrement atteinte à leur souveraineté alimentaire, leurs écosystèmes et leurs droits humains.
Nos inquiétudes
Les BPD sont des institutions publiques établies par les gouvernements nationaux ou les agences multilatérales pour financer des programmes gouvernementaux ou des entreprises privées dont les activités sont censées contribuer à l’amélioration de la vie des gens dans les endroits concernés, en particulier dans les pays du Sud. Beaucoup de banques de développement multilatérales, qui constituent un sous-groupe important parmi les BPD, fournissent également des services de conseil technique et politique aux gouvernements, les poussant à changer leur législation et leurs politiques pour attirer les investissements étrangers.
En tant qu’institutions publiques, les BPD se doivent de respecter et protéger les droits humains et sont supposées être redevables au public de leurs actions. Aujourd’hui, les banques de développement dépensent collectivement plus de 2000 milliards de dollars US par an pour financer des entreprises publiques et privées dans le but de construire des routes, des centrales électriques, des fermes et des plantations industrielles et autres au nom du « développement ». On estime qu’à lui seul, le secteur agricole et alimentaire bénéficie de 1400 milliards de dollars. Le financement des entreprises privées par les BPD, qu’il se fasse par la dette ou l’achat de participations, vise à faire de l’argent mais une grande partie des dépenses est soutenue et financée par le public, c’est-à-dire par le travail et les impôts des citoyens.
Le nombre des BPD et le financement qu’elles reçoivent ne cessent d’augmenter. L’influence de ces banques augmente également, à mesure qu’elles font passer de plus en plus les fonds publics par le capital investissement, la « finance verte » et autres plans financiers pour réaliser les solutions prévues, plutôt que de soutenir de manière plus traditionnelle des programmes gouvernementaux ou des projets à but non lucratif. L’argent d’une banque de développement offre une sorte de garantie aux entreprises qui veulent investir dans les pays ou les industries dits à haut risque. Ces garanties permettent aux entreprises de lever plus de fonds auprès de bailleurs privés et d’autres banques de développement, à des taux souvent intéressants. Les banques de développement jouent donc un rôle crucial : elles donnent aux multinationales des moyens qu’elles n’auraient pas autrement pour poursuivre leur expansion dans les marchés et les territoires du monde entier – depuis les mines d’or d’Arménie aux barrages hydroélectriques controversés de Colombie, en passant par les projets catastrophiques de gaz naturel en Mozambique.
De plus, de nombreuses banques de développement multilatérales font tout pour influencer ouvertement les législations et politiques au niveau national via leurs services de conseil technique aux gouvernements et les systèmes de classification, tels que l’initiative Améliorer le climat des affaires dans l’agriculture de la Banque mondiale. Les politiques qu’elles soutiennent dans des secteurs clés comme la santé, l’eau, l’éducation, l’énergie, la sécurité alimentaire et l’agriculture, ont tendance à favoriser le rôle des grandes entreprises et des élites. Et souvent, quand les communautés locales affectées, notamment les peuples autochtones et les petits agriculteurs, protestent, elles ne peuvent pas se faire entendre ou font l’objet de représailles. Ainsi en Inde, la Banque mondiale avait conseillé au gouvernement de déréguler le système de commercialisation des produits agricoles ; mais quand le gouvernement a voulu appliquer ce conseil sans consulter les agriculteurs et leurs organisations, cela a suscité d’importants mouvements de protestation.
Les banques publiques de développement affirment n’investir que dans des entreprises « durables » et « responsables » et prétendent que leur participation améliore le comportement des entreprises. Mais ces banques ont de lourds antécédents en matière d’investissement dans des entreprises qui sont impliquées dans l’accaparement des terres, la corruption, la violence, la destruction environnementale et d’autres graves violations des droits humains, autant d’exactions pour lesquelles elles n’ont pas véritablement eu à rendre de comptes. La dépendance croissante des banques de développement vis-à-vis des fonds de capital investissement offshore et de réseaux d’investissement complexes, dont les soi-disant intermédiaires financiers, pour faire passer leurs investissements rend le principe de redevabilité encore plus vague et permet à une petite élite financière toute-puissante d’engranger les bénéfices.
Il est très inquiétant de voir que les banques publiques de développement prennent aujourd’hui un rôle coordonné et central en matière d’alimentation et d’agriculture. Elles font partie de l’architecture financière mondiale qui entraîne la spoliation et la destruction écologique, causées en grande partie par l’agrobusiness. Au fil des ans, leurs investissements dans le secteur agricole ont concerné presque exclusivement les entreprises impliquées dans les plantations de monocultures, les projets d’agriculture contractuelle, les élevages industriels, les ventes de semences hybrides et génétiquement modifiées et de pesticides et les plateformes d’agriculture numérique dominées par les Big Tech. Les banques de développement n’ont montré aucun intérêt, ni jamais prouvé leur capacité à investir dans les communautés d’agriculteurs, de pêcheurs ou les communautés forestières qui produisent actuellement la majorité de l’alimentation mondiale. Elles préfèrent financer les accapareurs de terres et l’agrobusiness et détruire les systèmes alimentaires locaux.
Des exemples douloureux
Voici quelques exemples importants de la tendance qu’on peut observer dans les projets des banques publiques de développement :
- La Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la Banque européenne d’investissement ont fourni de généreux financements aux entreprises agroalimentaires de certains des plus riches oligarques ukrainiens qui ont la mainmise sur des centaines de milliers d’hectares de terres.
- La société luxembourgeoise SOCFIN et la société belge SIAT, les deux plus grands propriétaires de plantations de palmiers à huile et de caoutchouc d’Afrique ont reçu de nombreux prêts financiers des banques de développement, alors que leurs filiales sont impliquées jusqu’au cou dans l’accaparement des terres, des scandales de corruption et des violations des droits humains.
- De multiples banques de développement (dont Swedfund,BIO, la FMO et la DEG) ont financé le projet raté de plantation de canne à sucre d’Addax Bioenergy en Sierra Leone qui, après son départ, a laissé aux communautés locales des dégâts considérables.
- Le groupe britannique CDC et d’autres banques de développement européennes (dont BIO, la DEG, la FMO et Proparco) ont consacré plus de 150 millions de dollars aux plantations de palmiers à huile, aujourd’hui en faillite, de Feronia Inc en République démocratique du Congo, malgré une longue histoire de conflits avec les communautés locales concernant les terres et les conditions de travail, malgré les allégations de corruption et de sévères violations des droits humainsà l’encontre des villageois.
- Le Fonds commun pour les produits de base des Nations Unies a investi dans Agilis Partners, une société américaine impliquée dans l’expulsion violente de milliers de villageois ougandais pour mettre en place une grande exploitation céréalière.
- Norfund et Finnfund détiennent Green Resources, une entreprise forestière norvégienne qui plante des pins en Ouganda sur des terres dérobées à des milliers d’agriculteurs locaux, entraînant des effets dévastateurs sur leurs moyens de subsistance.
- La Banque japonaise pour la coopération internationale et la Banque africaine de développement ont investi dans une ligne de chemin de fer et une infrastructure portuaire pour permettre à Mitsui (Japon) et Vale (Brésil) d’exporter du charbon de leurs sites miniers dans le nord du Mozambique. Ce projet, lié au projet agroalimentaire controversé de ProSavana, a entraîné un accaparement des terres, des relocalisations forcées, des accidents mortels et la détention et la torture des opposants au projet.
- La Banque chinoise de développement a financé le Barrage Gibe IIIen Éthiopie, un projet écologiquement et socialement désastreux. Destiné à la production électrique et à l’irrigation de grandes plantations de canne à sucre, de coton et de palmiers à huile, comme le gigantesque projet de développement de la canne à sucre de Kuraz, le barrage a entravé le cours du fleuve dont dépendaient les populations autochtones de la basse vallée de l’Omo pour leur agriculture de décrue.
- Au Nicaragua, la FMO et Finnfund ont financé MLR Forestal, une entreprise qui gère des plantations de cacao et de teck et est associée à des projets aurifères responsables du déplacement forcé de communautés d’ascendance africaine et de populations autochtones, ainsi que de destruction environnementale.
- La Société financière internationale (IFC) et la Banque interaméricaine de développement ont récemment accordé des prêts à Pronaca, la quatrième entreprise de l’Équateur, pour l’expansion de sa production intensive de porcs et de volailles, malgré l’opposition de groupes internationaux et équatoriens, notamment les communautés autochtones locales dont l’eau et les terres ont été polluées par les activités d’expansion de l’entreprise.
- La Banque interaméricaine de développement envisage d’accorder un nouveau prêt de 43 millions de dollars à Marfrig Global Foods, le deuxième producteur de bœuf mondial, sous prétexte de promouvoir le « bœuf durable ». De nombreux rapports ont démontré que la chaîne d’approvisionnement de Marfrig est directement liée à la déforestation illégale en Amazonie et dans le Cerrado et à des violations des droits de l’homme. L’entreprise a également fait l’objet d’accusations de corruption. Une campagne internationale exhorte actuellement les BPD à supprimer tous leurs investissements dans les exploitations d’élevage industriel.
Il nous faut de meilleurs mécanismes pour bâtir la souveraineté alimentaire
Gouvernements et agences multilatérales commencent enfin à admettre que le système alimentaire mondial actuel n’a pas résolu le problème de la faim et est un facteur essentiel de multiples crises, qu’il s’agisse des pandémies, de l’effondrement de la biodiversité ou de l’urgence climatique. Mais ils ne font rien pour s’attaquer aux grandes entreprises qui dominent le système alimentaire industriel et son modèle de production, de commerce et de consommation. Bien au contraire, ils encouragent toujours plus d’investissement d’entreprise, de partenariats public-privé et de subventions en faveur de l’agrobusiness.
Le sommet des banques de développement de cette année a été délibérément conçu pour suivre dans le sillage du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires. Celui-ci avait été présenté comme un forum mondial destiné à trouver des solutions aux problèmes du système alimentaire mondial, mais s’est fait pirater par les intérêts des industriels et n’est guère plus qu’un espace dédié aux grandes entreprises pour leur permettre de verdir et de faire l’apologie de l’agriculture industrielle. L’événement a fait l’objet de protestations et d’un boycott de la part des mouvements sociaux et de la société civile, notamment par le biais du Sommet mondial des peuples et de la Réponse autonome des peuples au Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires, ainsi que par des académiques du monde entier.
Le sommet Finance en commun, qui met l’accent sur l’agriculture et l’agrobusiness, va suivre le même chemin. Ces financiers qui supervisent nos fonds et nos mandats publics vont se réunir avec les élites et des représentants des grandes entreprises pour élaborer des stratégies qui permettent à l’argent de continuer à affluer dans un modèle alimentaire et agricole qui mène à la crise climatique, augmente la pauvreté et aggrave toutes les formes de malnutrition. Très peu, voire aucun, des représentants des communautés affectées par les investissements des banques de développement, ces gens qui sont en première ligne et essayent de produire de quoi nourrir leur communauté, seront invités ou écoutés. Les BPD ne sont pas intéressées. Ce qu’elles cherchent, c’est à financer l’agrobusiness qui produit les denrées nécessaires aux projets commerciaux et financiers destinés à faire de l’argent, plutôt que nourrir les gens.
L’an dernier, une large coalition d’organisations de la société civile a fait d’énormes efforts pour simplement obtenir des banques de développement qu’elles acceptent de s’engager dans une démarche de droits humains et un développement mené par les communautés. Le résultat s’est limité à une déclaration finale diluée, qui ne s’est pas traduite en actes.
Nous ne voulons pas continuer à gaspiller notre argent, nos mandats et nos ressources publics dans des entreprises agroindustrielles qui privent les communautés locales de leurs terres, de leurs ressources naturelles et de leurs moyens de subsistance.
Par conséquent :
Nous appelons à l’arrêt immédiat du financement des activités des entreprises agroindustrielles et des investissements spéculatifs par les banques publiques de développement. Nous réclamons la création de mécanismes de financement entièrement publics et responsables afin de soutenir les efforts des populations pour bâtir la souveraineté alimentaire, faire du droit à l’alimentation une réalité, protéger et restaurer les écosystèmes et faire face à l’urgence climatique.
Nous réclamons la mise en place de mécanismes solides et efficaces qui fournissent aux communautés un accès à la justice en cas d’atteinte aux droits humains ou de dommages sociaux et environnementaux causés par les investissements des BPD.
Le CCFD-Terre Solidaire est signataire de cette lettre ouverte.
Justice climatique : une priorité pour lutter contre les inégalités en Afrique Australe (interview)
Ceux qui ont le moins contribué au changement climatique en souffrent le plus
Qu’est-ce que la justice climatique ? Quelles sont les personnes concernées ?
Éclairage depuis l’Afrique australe, où les populations victimes des changements climatiques et de l’exploitation minière veulent faire respecter leurs droits.Charlotte Kreder, chargée de mission Afrique Australe et Océan Indien au CCFD Terre-Solidaire, explique pourquoi la « justice climatique » est vitale dans la région dont elle s’occupe. Alors que le Mozambique et Madagascar ont très peu contribué au dérèglement climatique, leurs populations sont parmi les plus touchées par les phénomènes extrêmes.
Pourquoi la « justice climatique » est-elle devenue une priorité en Afrique Australe ?
Charlotte Kreder : Dans cette zone le CCFD-Terre Solidaire a des partenaires en Afrique du sud, au Mozambique et à Madagascar. Dans ces trois pays, des phénomènes climatiques récurrents gagnent en intensité.
En Afrique du Sud, les sécheresses alternent avec les inondations dans plusieurs provinces.
Le Mozambique ne s’était pas encore remis des deux cyclones de 2019 – dont le premier, Idai, a été qualifié comme étant le plus dévastateur qu’ait connu l’hémisphère Sud – qu’un autre cyclone le frappait en début d’année.
Dans le Sud de Madagascar, une famine sévit en raison de la sécheresse. Elle est considérée par l’ONU comme la première résultant du dérèglement climatique.
Dans ces trois pays, la justice climatique concerne également les personnes qui souffrent de l’air pollué ou qui doivent travailler une terre contaminée.
La province du Mpumalanga, en Afrique du Sud est une des régions les plus polluées au monde, elle abrite 12 centrales à charbon. Les populations sont cernées par des mines qui déversent leurs déchets en toute impunité viciant l’air, les terres, les nappes phréatiques.
Reportage sur l’organisation panafricaine WoMin, soutenue par le CCFD-Terre solidaire, qui sensibilise les femmes aux impacts environnementaux et sociaux des compagnies minières (2017) ©Laurent Hazgui/CCFD-Terre Solidaire Comment demander la justice climatique dans ces conditions ?
Les pays développés ont une responsabilité historique dans la crise climatique et les entreprises jouent également un rôle. 71% des émissions de gaz à effets de serre sont produits par 100 sociétés commerciales.
71% des émissions de gaz à effet de serre sont produites par 100 sociétés commerciales
L’exemple des projets d’extraction de gaz dans la province de Cabo Delgado au Mozambique qui pourraient générer autant de gaz à effet de serre que sept années d’émissions de la France est parlant.
Cette bombe climatique entraine également l’expulsion des populations locales et les laisse sans ressources.Devant les dommages qu’ils provoquent, nous devons mettre ces acteurs face à leurs responsabilités, leur demander réparation et les forcer à diminuer leurs activités génératrices de gaz à effet de serre.
En 2019, une alliance africaine pour la justice climatique a vu le jour. Elle regroupe des mouvements sociaux et des organisations de la société civile dont plusieurs partenaires du CCFD-Terre Solidaire.
Une déclaration a été signée par plus de 300 organisations. Elle insiste sur le soutien aux services essentiels, comme l’eau ou la santé. Elle demande qu’il soit mis fin à tous les projets d’exploitation des combustibles fossiles.En quoi la recherche de la « justice climatique » rejoint-elle la « justice sociale » ?
Ceux qui contribuent le moins au changement climatique en subissent le plus les conséquences.
C’est le cas des paysans malgaches confrontés aujourd’hui à la sécheresse.
C’est le cas également des habitants des townships du Cap qui souffrent régulièrement du manque d’eau quand, à quelques dizaines de kilomètres de là, les habitants des zones résidentielles utilisent leurs piscines, leurs climatiseurs et jouent au golf.
La question climatique ne peut être abordée, uniquement, sous l’angle de mesure des émissions de gaz à effets de serre.
Il s’agit aussi de « justice sociale », de faire converger les luttes en faveur d’un autre paradigme de développement qui donnerait la priorité au vivant et à une juste répartition des richesses.
Cela nécessite de s’attaquer à des questions systémiques telles que le racisme, le patriarcat, l’impunité des multinationales ; les politiques néocoloniales.
C’est le concept d’écologie décoloniale mis en avant par Malcom Ferdinand dans un ouvrage récent et qui est en phase avec les visions défendues par nos partenaires.
Pierre Cochez