Une association qui travaille auprès des femmes kachins, en Birmanie

Publié le 25.06.2014| Mis à jour le 08.12.2021

Installée à Chiang Maï, au nord de la Thaïlande depuis sa fondation, en 1999, la Kachin Women’s Association Thailand (KWAT) est soutenue par le CCFD-Terre Solidaire. L’Association lutte pour promouvoir la place des femmes dans la société kachin. A l’intérieur même d’un État kachin qui est toujours en guerre. Moon Nay Li, coordinatrice de la KWAT, témoigne de cet engagement.


Quel genre d’actions mène la KWAT à l’intérieur de la Birmanie ?
La KWAT est engagée dans différents programmes non seulement dans l’État kachin mais aussi au nord de l’État shan où vivent également de nombreux Kachins. Nous menons dans ces deux régions un travail de recherche et de documentation sur les violations des droits de l’homme, proposons des campagnes de soins ou de formation sanitaire jusque dans les villages, travaillons au renforcement des capacités des populations au travers, par exemple, de formations aux Droits de l’homme ou au leadership. Nous avons également un programme de lutte contre le trafic d’êtres humains et un autre, plus récent, d’émancipation politique, plus particulièrement destiné aux femmes et aux jeunes.

Contre le trafic d’êtres humains ?
Ce problème n’est pas nouveau. L’instabilité politique qui règne dans le pays, les difficultés économiques que connaissent les populations avaient déjà jeté nombre de femmes et de jeunes filles kachins dans les bras d’intermédiaires qui les ont ensuite vendues en Chine. Mais, avec le conflit qui perdure, la situation devient très préoccupante. L’afflux de déplacés à la frontière birmano-chinoise, le manque d’aide, de nourriture, vulnérabilisent les femmes et les jeunes filles. Nous avons ouvert à cette frontière un lieu d’accueil et un centre d’aide pour celles qui arrivent à s’échapper. Elles y trouvent un peu de réconfort et de soutien et nous leur proposons différentes formations professionnelles. Lorsqu’elles se sentent prêtes, elles peuvent retourner chez elles. Nous menons également des campagnes de sensibilisation sur cette question partout où nous le pouvons.

Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer un programme d’émancipation politique ?
Non seulement les Kachins mais également la grande majorité de ceux qui vivent en Birmanie ne savent pas ce que recouvrent les termes de « démocratie », « droits de l’homme », « élections libres », « fédéralisme », « droits civils » ou encore « constitution ». Ils n’ont pas eu la possibilité de les expérimenter concrètement ni d’en apprendre davantage sur le sujet. Il est donc essentiel qu’ils prennent conscience de ce que ces mots veulent dire. Surtout depuis que le gouvernement s’est engagé à faire de la Birmanie un pays démocratique, mais ne fait aucun effort pour expliquer aux populations comment cela va se passer ni comment cela va se traduire dans leur quotidien. Ce programme vise à conscientiser nos communautés, et plus particulièrement les femmes et les jeunes, sur ces concepts et à leur donner une culture « politique ».

Une sensibilisation d’autant plus nécessaire que se profilent des élections en 2015 ?
Plus la population sera formée à ces concepts de « démocratie », d’« élections libres », plus elle pourra s’impliquer activement dans le scrutin de 2015. Certains dans notre réseau sont d’ailleurs aujourd’hui très engagés dans ces élections et ont même créé un nouveau parti, le Parti démocratique kachin. Maintenant, ces élections ne représentent pas pour nous une fin en soi. Notre programme est un projet à long terme qui vise à l’émancipation politique globale de nos communautés et à renforcer la société civile afin de lui donner les moyens nécessaires pour établir une paix durable.

Comment travaillez-vous dans cette situation de conflit ?
Nous avons une quarantaine de personnes sur le terrain, dont certaines travaillent toujours dans la clandestinité. Qu’elles se trouvent en effet dans les régions où ont lieu les combats ou dans les zones plus « calmes », elles prennent des risques. Nous bénéficions cependant du soutien de plusieurs réseaux sur place, notamment ceux de nos leaders religieux ou communautaires, et c’est grâce à eux que nous pouvons mettre en place nos programmes ou faire relayer l’information. Nos ressources financières et humaines limitées nous empêchent encore de nous rendre partout ou d’organiser autant de formations que nous le voudrions, mais nous progressons, secteur par secteur.

Que pensez-vous de l’attitude de la communauté internationale, pour laquelle la Birmanie semble être devenue un nouvel Eldorado économique ?
La communauté internationale, les États-Unis, l’Union européenne, et les grandes banques internationales comme la Banque mondiale ou la Banque de développement asiatique (ADB) n’ont en tête que de grands projets de développement. Mais ce n’est pas ça la priorité. Pour nous, la première priorité, c’est la résolution du conflit ethnique. Les minorités se battent depuis des années pour que leurs droits soient reconnus et ils n’ont pour l’instant toujours rien obtenu. Aujourd’hui encore, la guerre continue chez les Kachins. La communauté internationale doit entendre cela. Ceux qui nous soutiennent, nos donateurs doivent nous aider à faire pression sur ce gouvernement pour que les changements annoncés se transforment en une paix durable.

Propos recueillis par Patrick Chesnet

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