Une banque communautaire brésilienne lutte contre la pauvreté

Publié le 12.05.2015| Mis à jour le 07.12.2021

Initiée en 1998 à Palmeiras, une banlieue pauvre de Fortaleza, dans l’État du Ceará, au Brésil, la Banco Palmas est, depuis, devenue une référence en matière d’économie sociale et solidaire. Otaciana Barros, sa directrice adjointe, nous en dit plus sur cet établissement bien particulier, qui n’a pas hésité à frapper sa propre monnaie, la Palme, pour encourager au développement de la communauté…

Pourquoi avoir créé une telle banque?

Cela reste indissociable de l’histoire de notre communauté. Quand les premiers habitants, des pêcheurs expulsés des bords de mer par la mairie de Fortaleza qui voulait y construire des hôtels, sont arrivés en 1973 à Palmeiras, tout ce qu’ils ont trouvé c’est un terrain en friche, de la boue et des palmiers. Puis ils se sont organisés, ont lutté pour améliorer leur environnement. Ils ont obtenu des transports, l’eau, l’électricité, le téléphone, mais restaient pauvres.
Pourquoi ? La réponse était simple : parce qu’ils n’avaient pas d’argent ! Nous avons donc réfléchi pour savoir quel type de projet pourrait aider au développement économique de la communauté. Et c’est ainsi que la banque est née, en 1998.

Une banque « classique » ?

C’est une banque communautaire, c’est-à-dire qu’elle offre un service financier social, travaille en réseaux et a comme objectif le développement local selon les principes de l’économie solidaire. C’est une nouvelle façon de faire de l’économie.
Dans l’économie libérale capitaliste, c’est le produit qui est au centre de tout et non pas l’être humain. Chez nous, c’est le contraire. La personne reste au centre de nos préoccupations. Notre banque propose des crédits à la consommation, développe la formation professionnelle, prête à ceux qui ont un commerce ou une activité pour les aider à s’agrandir.


Pourquoi avoir mis en circulation votre propre monnaie, la Palme ?

Au-delà de l’aspect philosophique de la chose, qui consiste à redonner à l’argent sa vraie signification, c’est-à-dire un simple moyen d’échange, notre stratégie en créant cette monnaie, la Palme, était de faire en sorte que les gens consomment localement au lieu de se ruiner en allant à Fortaleza acheter des produits ou utiliser des services qui se trouvent à côté de chez eux.
Nous avons donc commencer par sensibiliser les commerçants et les fournisseurs de service locaux en leur montrant tout l’intérêt qu’ils avaient à accepter nos Palmes, voire à accorder une petite ristourne à ceux qui les utilisent.
Le client paie un peu moins cher, le vendeur fidélise et augmente sa clientèle, tout le monde s’y retrouve. Cela permet de renforcer les liens et de développer la communauté, mais aussi d’introduire une idée, un objectif de solidarité dans le champ du commerce.
Encourager la production locale, cela créé des emplois. Quand les commerces et les services se développent, ils ont besoin de personnel.

Comment réagissent les autorités publiques ?

Nos relations avec les gouvernements local et central sont désormais apaisées et nous pouvons dialoguer tranquillement. Mais cela n’a pas toujours été le cas. À nos débuts, la Banque centrale nous a même intenté un procès pour fabrication de monnaie et crime contre l’économie brésilienne.
Mais nous avons réussi à prouver que notre banque ne pouvait pas être considérée comme une banque en tant que telle, c’est-à-dire une entité juridique bancaire, mais que c’était le projet social d’une association de citoyens et que notre monnaie, qui est à parité avec le réal, n’était pas en compétition avec la monnaie nationale.
En 2010, la Banque centrale nous a présenté des excuses publiques et, maintenant, nous sommes devenus une référence.

Le modèle a donc essaimé ?

De nombreuses personnes qui sont passées chez nous ont à leur tour créé des structures comme la nôtre. Aujourd’hui, il y a cent quatre banques communautaires à travers le Brésil. Dans le Ceará, le Mato Grosso du Sud, à Sao Paulo, Rio de Janeiro… Certaines travaillent plus sur la monnaie sociale, d’autres privilégient les microcrédits ou la formation professionnelle, cela dépend des réalités de chacun.
Mais toutes fonctionnent sur ce même principe d’économie solidaire. La force de ces banques vient du fait qu’elles sont vraiment issues des communautés. C’est à partir de ces expériences locales que le gouvernement central brésilien a créé un Secrétariat national de l’Économie solidaire[[ Le Secrétariat national de l’Économie solidaire (Senaes) a été créé en 2003, sous la présidence de Lula da Silva. C’est une grande victoire]].

Pour autant, Banco Palmas ne fait pas que dans la banque ?

« Elas », Elles en français, est un projet financé par le CCFD-Terre Solidaire qui a commencé en 2012 et s’adresse à des femmes qui, dans leur majorité, bénéficient d’un programme d’État [[Lancé en 2003, le programme Bourse familiale vise à lutter contre la faim et la pauvreté au Brésil en accordant des allocations aux plus démunis. Sous certaines conditions : suivi sanitaire, envoi des enfants à l’école… Un quart des familles brésiliennes y ont aujourd’hui accès. ]] destiné à aider celles qui ont peu de moyens. Nous les accompagnons pendant une année et abordons avec elles tous les aspects : finance, santé, relations familiales…
Nous les aidons à surmonter les difficultés et leur proposons aussi une formation professionnelle. Nous faisons en sorte que leur vie s’améliore et qu’elles puissent pleinement s’émanciper.
Par exemple : Quartier-école-travail, est un projet qui offre une formation professionnelle en économie sociale et solidaire à des jeunes qui, après une semaine d’approche théorique, passent trois mois dans une entreprise locale pour s’y former. La plupart finit par y être embauchée ou monte sa propre entreprise.
C’est comme ça que nous avons créé notre marque de vêtements, Palma Fashion, et que, maintenant, tous les ans, se tient pendant une semaine une PalmaFashion Week à Palmeiras.

Propos recueillis par Patrick Chesnet

Voir aussi l’article : Au Brésil, une banque communautaire prospère

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