Victoire du mouvement populaire tunisien sur la dictature et son président déchu.

Publié le 02.02.2011| Mis à jour le 08.12.2021

Paris, le 2 février 2011

Le CCFD-Terre solidaire se joint à l’ensemble de ses partenaires tunisiens – de Tunis, de Chenini, de Zammour et de Paris – pour exprimer sa joie face à la victoire du mouvement populaire sur la dictature et son président déchu. Les Tunisiens offrent ainsi un exemple aux hommes et aux femmes du monde entier qui subissent injustice et dictature, et notamment à de nombreux partenaires du CCFD-Terre solidaire dans d’autres pays de la région méditerranéenne. Le CCFD-Terre solidaire souhaite aussi apporter son soutien à toutes les familles de victimes de la répression.

Le départ de Ben Ali et l’annonce des premières mesures de libération qui ont suivi, concernant les prisonniers politiques(1), les partis politiques d’opposition interdits et les organisations de société civile contrôlées(2), constituent avec la dissolution du gouvernement et du bureau politique central du RCD une première victoire sur l’oppression.

Les réactions de joie sont cependant aussi teintées de stupéfaction et d’inquiétude. La répression, le culte de la personnalité et le contrôle sur la société ont été si forts, et on duré si longtemps, que leur disparition semble irréelle. La stupéfaction est également ressentie par les observateurs et populations des pays européens. La parole libre et la multiplication des témoignages font aujourd’hui prendre conscience à certains à quel point le régime de Ben Ali était répressif. Nombreuses pourtant avaient été les alertes émises par des organisations de la société civile, notamment des associations de défense des droits de l’homme, dont certains partenaires du CCFD-Terre solidaire.  Mais le soutien inconditionnel des autorités françaises au régime tunisien en a largement retardé la prise de conscience. La stupéfaction porte aussi sur l’existence même de cette révolution. Comment un régime aussi répressif que celui de Ben Ali, qui a contrôlé l’ensemble de la société pendant 23 ans, a-t-il pu tomber si « facilement » et rapidement,  après un mois de révolte populaire ?
 
Ensuite vient l’inquiétude, l’effondrement du système laissant derrière lui la peur du vide ou celle de la récupération politique. La menace de l’islamisme politique depuis le score du parti Ennahda aux élections législatives de 1989, ainsi que la guerre civile algérienne des années 1990, ont servi de justification, aux yeux de la communauté internationale, et notamment la France, à la terrible répression des libertés et des droits dans l’ensemble de la société tunisienne. L’un des partenaires du CCFD-Terre solidaire en Tunisie répond cependant sur ces craintes : « Le peuple s’est débarrassé définitivement de sa peur. Comme tout le monde, en ce moment, j’ai des inquiétudes pour l’avenir mais une chose est sûre, c’est que mes inquiétudes sous la dictature étaient beaucoup plus importantes. »

Quant au parti de l’islam politique, Ennahda, il appartient à l’opposition tunisienne organisée au sein du Collectif du 18 octobre pour les droits et les libertés en Tunisie. Beaucoup de partis politiques laïques et d’organisations de la société civile, à l’instar du Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), partenaire du CCFD-Terre solidaire, ont fait le choix du dialogue et considèrent que l’enjeu principal, en Tunisie et dans le reste du monde arabe, réside dans la construction d’institutions démocratiques permettant l’intégration de l’islam politique en leur sein, dès lors qu’il respecte les valeurs de la démocratie. Le référentiel religieux n’est pas incompatible avec la démocratie comme le montre l’existence de partis démocrates-chrétiens en Europe.

Certes, les exemples de révolution « volée » ne manquent pas, tel celui de la révolution iranienne qui a vu le Hezbollah iranien réprimer dans le sang les anciens alliés laïques qui avaient lutté avec lui contre le régime du Shah. Mais, comme l’écrit ce même partenaire du CCFD-Terre solidaire,  « le peuple ne permettra plus jamais à personne de détourner sa révolution ou de lui prendre sa liberté ». Par certains aspects, la révolution tunisienne ressemble davantage à ce que l’on a appelé « la révolution du Cèdre ». Comme au Liban, elle a été déclenchée par un évènement singulier et isolé (attentat contre Hariri, suicide de Mohamed Bouazizi), qui a permis un rassemblement spontané et progressif d’hommes et de femmes, dont la répression a amplifié la révolte. La révolution tunisienne repose principalement sur la spontanéité du peuple en action. Mais contrairement au Liban qui a gardé ses structures de pouvoir confessionnelles, la Tunisie est en mesure de créer une transformation politique en entrant dans une phase de construction démocratique à travers des institutions rénovées.

Le mouvement de structuration des anciens partis d’opposition et des organisations de société civile, le devenir du RCD et la position de l’armée sont les enjeux prioritaires qui doivent déboucher sur une reconnaissance de nouvelles règles du jeu démocratiques par l’ensemble des parties prenantes. Un clivage traverse actuellement l’ensemble des organisations qui se positionnent soit sur la continuité constitutionnelle pour préserver tout risque d’interférence de l’armée dans les affaires civiles et politiques, soit sur le renouveau complet des institutions dans une volonté de faire table rase du passé. Le processus de reconstruction politique est en cours  et l’issue reste incertaine. Surtout, le changement en profondeur des pratiques de pouvoir et de corruption à tous les échelons de la société, tels qu’ils prévalaient jusqu’à aujourd’hui, s’inscrira dans la durée. Mais il est possible d’espérer à plus court terme que les mécanismes de surveillance et de contrôle de la population ainsi que l’entrave institutionnalisée des libertés fondamentales disparaissent.

Le CCFD-Terre Solidaire salue le courage et l’exemplarité du peuple tunisien et apporte son soutien à ses partenaires ainsi qu’à l’ensemble des initiatives qui visent à faciliter le processus de construction démocratique.

(1) Pensons à Fahem Boukkadous, journaliste emprisonné qui avait couvert le mouvement social du bassin minier de Gafsa
(2) Pensons à la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme partenaire du CCFD-Terre Solidaire

Pierre Tainturier
Chargé de mission au CCFD-Terre Solidaire

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