Serbie
Aider la Serbie à affronter son passé

Publié le 17.04.2008| Mis à jour le 08.12.2021

Natasa Kandic est directrice du Centre pour le droit humanitaire en ex-Yougoslavie. Dans le contexte créé par la proclamation d’indépendance du Kosovo, elle s’inquiète de la difficulté de la société serbe à tirer les leçons de la guerre.

Natasa Kandic

Natasa Kandic est directrice du Humanitarian Law Center (Centre pour le droit humanitaire). Elle est une figure majeure de la lutte pour les droits de l’homme dans l’ex-Yougoslavie. Pendant toute la période des guerres balkaniques (Bosnie, Croatie, Kosovo), elle n’a cessé, avec son association, de dénoncer les crimes perpétrés par les forces armées de son propre pays, la Serbie. Depuis la chute de Milosevic, elle mène un rigoureux travail d’enquête sur le terrain et intervient auprès des tribunaux pour faire émerger les faits et dénoncer les responsabilités.

Depuis l’indépendance du Kosovo, en février dernier, et à quelques semaines des élections législatives anticipées, le climat politique s’est brusquement tendu à Belgrade. Les défenseurs des droits de l’homme, qualifiés de « traîtres à la cause serbe », subissent régulièrement des pressions. Le 10 avril, Natasa Kandic s’est rendu à Paris pour interpeller la France et l’Union européenne sur ces difficultés.

Paris, le 12 avril 2008

« Il est essentiel de faire comprendre à la population serbe les responsabilités de Belgrade dans les crimes de guerre commis en Croatie, en Bosnie et au Kosovo entre 1991 et 1999. Seul ce travail permettra de bâtir une paix durable. Car la réconciliation entre les peuples de la région n’est possible que s’il y a reconnaissance des faits, par les tribunaux et les populations.
Concrètement, depuis la création du Fonds pour le droit humanitaire en 1992, nous essayons de collecter les éléments nécessaires à l’établissement de la vérité : identification des victimes, recensements des disparus, recueils de témoignages… Ce travail nous a permis de réunir une importante documentation sur les crimes commis entre 1991 et 1999 et donc d’alimenter en éléments de preuves le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), ainsi que les juridictions spéciales de Belgrade, Zagreb et Sarajevo qui traitent des crimes de guerre.

Procéder à un examen de conscience
Depuis 1999, la société civile n’a jamais voulu reconnaître que les forces armées serbes se sont rendues coupables de crimes de guerre. Certes, depuis trois ans, les défenseurs des droits de l’homme ont marqué quelques points : des procès pour crimes de guerre se tiennent à Belgrade dans de bonnes conditions, l’ancien chef du parti radical ultra-nationaliste Vojislav Seselj est jugé au Tribunal de La Haye. Mais en réalité, bien peu de Serbes s’intéressent vraiment aux exactions commises pendant la guerre. Aucun parti politique ne dénonce le fait que Belgrade bafoue ses engagements internationaux, notamment en n’arrêtant pas les deux criminels de guerre les plus recherchés, Ratko Mladic et Radovan Karadzic.

Faire émerger une opposition forte
Le 11 mai, se tiendront des élections législatives anticipées en Serbie. L’Union européenne continue de miser sur l’actuel président issu du Parti démocrate, Boris Tadic. Pour ma part, je pense que sa victoire ne changera rien. Les ultra-nationalistes du Parti radical serbe restent très puissants. Ils contrôlent nombre d’institutions, notamment la police, l’agence nationale d’informations, plusieurs journaux… Même s’il est réélu, Boris Tadic ne sera donc pas en mesure de faire évoluer le pays. D’autant que sur un certain nombre de dossiers, il s’est aligné sur les positions des extrémistes, refusant par exemple, de reconnaître l’indépendance du Kosovo.

Je crois que la meilleure chose qui puisse sortir de ces élections serait l’émergence d’une opposition forte et démocratique. Une opposition capable de faire comprendre à la société civile les responsabilités de la Serbie dans les guerres. Une opposition en mesure d’expliquer pourquoi presque la quasi totalité des pays de l’Union européenne a reconnu l’autonomie du Kosovo.
Dans cette période charnière, nous attendons de la France qu’elle aide la Serbie à faire face à son passé. Pour que nous comprenions enfin que la situation actuelle du pays n’est que le fruit des guerres que nous avons provoquées. »

Propos recueillis par Séverin Husson

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