Radar du devoir de vigilance : quelles sont les entreprises hors la loi ? (Rapport)
Quatre ans après la promulgation de la loi française sur le devoir de vigilance, de nombreuses entreprises continuent d’ignorer leurs obligations en matière de transparence et de vigilance. C’est le constat porté par la troisième édition du « radar du devoir de vigilance », publiée aujourd’hui par le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa, alors que s’ouvrent à Bruxelles les discussions pour une directive à l’échelle européenne.
Retrouvez l’interview de Swann Bommier, chargé de plaidoyer pour la régulation des multinationales.
Une loi ambitieuse affaiblie par l’inaction des pouvoirs publics
Promulguée en mars 2017, la loi sur le devoir de vigilance vise à prévenir et à réparer les violations aux droits humains et à l’environnement commises par les grandes entreprises françaises (y compris par leurs filiales, leurs fournisseurs ou leurs sous-traitants), à l’étranger.
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En vertu de cette loi, les entreprises qui comptent plus de 5.000 salariés en France ou 10.000 à l’étranger, sont soumises à une obligation de comportement vigilant d’une part, et de transparence d’autre part, par la publication annuelle d’un plan de vigilance.
« Cette troisième édition du radar du devoir de vigilance révèle l’apathie et le manque de volonté criante du gouvernement » >
Mais de nombreuses entreprises continuent d’ignorer leurs devoirs et leurs responsabilités, et profitent de l’opacité permise par l’inaction manifeste et délibérée des pouvoirs publics. En effet, Bercy n’a toujours pas rendu public la liste exhaustive des entreprises soumises à cette obligation de vigilance.
Pour Swann Bommier, chargé de plaidoyer pour la régulation des entreprises multinationales au CCFD-Terre Solidaire : « cette troisième édition du radar du devoir de vigilance révèle l’apathie et le manque de volonté criante du gouvernement et des parlementaires de la majorité à assurer le contrôle et la mise en œuvre de cette loi : voilà quatre ans qu’aucune liste des entreprises soumises à cette loi n’a été publiée, et que les manquements à la publication d’un plan de vigilance restent impunis ».
Radar de vigilance : la société civile assure le rôle de vigie citoyenne
Pour garantir aux citoyens un accès à l’information dans la mise en œuvre de cette loi, et pour contraindre l’Etat français à défendre des mesures plus ambitieuses, le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa ont créé un outil en ligne afin d’assurer une vigie citoyenne, disponible ici.
En complément, ils publient cette nouvelle édition du « radar de vigilance » qui recense les entreprises hors la loi. Leurs recherches s’appuient sur des bases de données publiques en open data, notamment via le registre des sociétés de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).
Leurs conclusions stipulent que :
263 entreprises seraient soumises à la loi sur le devoir de vigilance.
6 entreprises font actuellement l’objet de mises en demeure ou d’assignations en justice pour répondre d’accusations de multiples violations commises dans le cadre de leurs activités : projets climaticides, atteinte aux droits des peuples autochtones, déforestation, violations des droits des travailleur.euses … Le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa assurent un suivi de ces affaires en cours.
Et 44 entreprises n’auraient toujours pas publié le plan de vigilance exigé par la loi au cours des trois dernières années, et cela en dépit des relances effectuées par courrier par de nombreuses associations de la société civile française, dont le CCFD-Terre Solidaire.
« On le voit dans les réponses des entreprises à nos courriers : certaines ne prennent pas au sérieux leur devoir de vigilance, qu’elles voient comme une simple formalité administrative qu’elles peuvent appliquer à leur guise », témoigne Lucie Chatelain, juriste à Sherpa.
Toutefois, les prises de contact menées par le CCFD-Terre Solidaire, Sherpa et Amnesty International France, ont conduit de nombreuses entreprises à régulariser leur plan de vigilance.
Des enjeux de taille à l’heure de l’ouverture des discussions européennes
En juin 2020, le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa ont proposé l’idée selon laquelle il ne devrait pas y avoir d’aides de l’Etat pour des entreprises hors la loi. Mais le gouvernement et le ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance n’ont pas donné suite à cette proposition.
Alors que s’ouvre à Bruxelles des discussions pour une directive sur le devoir de vigilance à l’échelle européenne, de nombreux écueils sont à corriger et les enjeux sont de taille. Le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa formulent leurs recommandations aux pouvoirs publics.
Parmi elles, ils soulignent la nécessité de lutter contre l’opacité en facilitant l’accès aux informations détenues par les entreprises et de rendre accessible l’ensemble des plans de vigilance sur une base de données publique. Ils demandent aux pouvoirs publics de renforcer ses exigences en matière de transparence. Ou encore, d’étendre le champ d’application de la loi sur le devoir de vigilance pour que davantage d’entreprises soient concernées par ce devoir de vigilance.
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