Sahel, le spectre de la crise alimentaire se dissipe
Les pluies abondantes et bien réparties tombées entre les mois de juin et octobre 2012 laissent entrevoir de bonnes récoltes de céréales. C’est la perspective de reconstituer les stocks – la plupart des greniers paysans étaient vides – et d’endiguer la malnutrition qui s’offre à la région. De quoi rasséréner les Sahéliens, mais au Mali d’autres inquiétudes perdurent…
« L’hivernage a été bon ». Dans la bande sahélienne, du Sénégal au Tchad, le mot court sur toutes les lèvres et on célèbre à l’unisson cette « manne venue du ciel ». Certes, quelques régions ont été moins gâtées : le déficit pluviométrique subsiste dans quelques « poches » autour de Matam (Sénégal), Tillabéri et Tahoua (Niger) ou encore Biltine (Tchad). Mais dans l’ensemble, les pluies ont été abondantes, parfois trop, au point de provoquer des inondations. Les crues des fleuves Sénégal et Niger ont endommagé les parcelles emblavées à proximité. Même la cité d’Agadez (Niger), plus souvent confrontée à la sécheresse, déplore la destruction de 289 périmètres maraîchers. Au total, selon l’Office pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations unies, plus d’un million et demi de personnes ont été affectées en Afrique de l’Ouest.
La terre craquelée reverdit
Reste que la campagne agricole 2012-2013 se présente sous les meilleurs auspices. Réunis à Niamey du 19 au 21 novembre 2012, les participants au réseau « Prévention et gestion des crises alimentaires » (PREGEC) [[Parmi les participants au PREGEC, le Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Système d’alerte contre la famine (Fews Net) financé par l’USAID, etc.]], tablent désormais sur une production céréalière en hausse d’environ 13 % par rapport à l’année dernière et de 18 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années [[Sur 57 318 000 tonnes de production céréalière estimée, 17 920 000 tonnes de maïs, 14 341 000 tonnes de sorgho, 13 688 000 tonnes de riz, 11 096 000 tonnes de mil et 273 000 tonnes d’autres céréales (fonio,…).]]. Mêmes prévisions optimistes concernant les éleveurs dont les troupeaux ont parfois été décimés lors de la sécheresse de 2011 : aujourd’hui, les pâturages sont bien fournis et les points d’eau remplis sur l’ensemble de la zone sahélienne.
Cette conjoncture favorable devrait permettre aux ménages ruraux comme aux Offices céréaliers nationaux de reconstituer leurs stocks pour affronter la prochaine période de « soudure » (intervalle entre deux récoltes). Le président du Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles d’Afrique de l’Ouest (ROPPA) [[Fondé en juillet 2000, le ROPPA regroupe à présent 13 organisations paysannes nationales.]], Djibo Bagna, appelle, lui, à préparer l’avenir : « Pour éviter les crises récurrentes, il faut doter les agriculteurs de semences, d’outils et d’engrais et les aider à augmenter les rendements. » Sans oublier le douloureux héritage de la malnutrition : près d’un enfant sur trois de moins de cinq ans souffre de retards de croissance dans les huit États sahéliens. Une puissante incitation à ne pas relâcher les efforts.
La générosité traduite en projets concrets
Hier, la menace brandie de crise alimentaire (cf. le dossier Sahel consultable sur le site) était bien réelle. Plusieurs facteurs ont permis d’endiguer le danger : des alertes précoces lancées par les autorités des pays concernés et les ONG ; une meilleure coordination des aides ; l’adaptation des populations à ces crises récurrentes (exode temporaire, diversification des cultures,..) ; la mise en œuvre de projets d’urgence grâce à la générosité des donateurs.
Ainsi, le CCFD-Terre solidaire, qui a collecté quelque 450 000 euros pour faire face à la crise alimentaire au Sahel, a accru de manière notable son soutien à cinq partenaires :
- Dès février 2012, Afrique verte Niger (AcSSA) a pu intensifier l’approvisionnement des zones déficitaires en céréales et farines infantiles à partir des zones excédentaires : 4000 ménages des régions d’Agadez et Zinder ont bénéficié de cet appui d’urgence.
- En mai 2012, l’Association des organisations professionnelles paysannes (AOPP) du Mali a notamment mis en place un programme de soutien alimentaire au bénéfice de 500 ménages démunis et de leurs enfants atteints de malnutrition dans la région de Kayes. Les banques de céréales communales ont également été réapprovisionnées.
- En mai 2012, en Mauritanie, le Groupe de recherche et de réalisations pour le développement rural (GRDR) a apporté un soutien d’urgence à 500 familles parmi les plus vulnérables de la région du Gorgol, avec le concours de l’Association des maires et parlementaires. Des semences de qualité (sorgho et niébé) ont aussi été distribuées.
- Durant le dernier trimestre 2012, le réseau Afrique verte a pu mettre en place une aide d’urgence pour 320 ménages déplacés du Nord-Mali à Bamako et réhabiliter cinq banques d’intrants affectées par les inondations.
- Pendant la même période, enfin, l’ONG nigérienne Mooriben a aidé 1800 femmes des régions de Tillabéri et Dosso à développer des activités de contre-saison (maraîchage, pêche,..) et à financer la réfection des digues qui protègent les zones inondables.
Le solde des dons doit servir à renforcer la dynamique régionale au service de la sécurité alimentaire : échange d’expériences, lancement de projets transfrontaliers, etc.
Reflet de la nouvelle donne, on enregistre depuis début novembre une baisse du prix des céréales sur tous les marchés de la région. Un répit bienvenu pour les familles les plus pauvres dont l’accès à la nourriture est enfin facilité.
Incertitudes maliennes
Les exactions des groupes islamistes qui tiennent le Nord-Mali prennent de plus en plus souvent la forme de châtiments corporels : flagellations en public, amputations, voire lapidations à mort. Les populations fuient en masse cette terreur au quotidien. Les Nations unies ont dénombré 412 149 déplacés et réfugiés à la date du 15 novembre 2012 : pour moitié déplacés au Mali, pour moitié réfugiés dans les pays voisins, notamment en Mauritanie (109 000 personnes). Au Mali même, les solidarités familiales ont fonctionné, mais les organisations humanitaires tentent d’alléger un « fardeau » de plus en plus lourd à porter au fil des mois.
Tandis qu’une intervention militaire africaine (avec soutien logistique occidental) est de plus en plus en plus fréquemment évoquée, les tenants d’une solution politique, d’Alger à Washington en passant par les Nations unies, tentent d’amener à la table de négociations les organisations à dominante touareg (MNLA, Ansar Dine) et d’isoler les plus radicaux (AQMI, Mujao) « avec lesquels il n’y a rien à négocier ». En attendant, les islamistes confortent leur pouvoir. À Gao, ils offriraient de 150 à 400 dollars aux enfants et adolescents qui acceptent de suivre un entraînement militaire…
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