RDC : la lutte pour une gestion équitable et durable des ressources naturelles
La Commission épiscopale pour les ressources naturelles (Cern) travaille depuis 2007 à sensibiliser la population et les institutions à une meilleure gestion des mines et des forêts en République démocratique du Congo (RDC).
La plaquette de présentation de la Cern est aussi verte que le vaste Congo, 75 millions d’habitants et un véritable scandale géologique. Ce pays d’Afrique centrale, situé à cheval sur l’Equateur, regorge de richesses naturelles.
Or, diamants, tungstène, cuivre, cassérite, coltan… Autant de ressources qui quittent son territoire sans profiter à la population, ni au développement.
La Cern, une commission ad hoc créée en 2007 par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), est devenue permanente en juin 2013.
“Pas un couteau, pas une fourchette made in Congo”
Tout est parti, pour les Evêques, de ce simple constat : “Au lieu de contribuer au développement de notre pays, les minerais, le pétrole et la forêt sont devenus des causes de notre malheur”.
Dix ans après la chute du régime de Mobutu Sese Seko, en 1997, la mise en coupe réglée des richesses du pays, et notamment des minerais du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, exploités par des groupes armés, a incité l’Eglise catholique à réagir.
Mgr François-Xavier Maroy, l’Archevêque de Bukavu s’exclamait alors : “Nous n’avons pas une fourchette, pas un couteau made in Congo, alors que nous avons du fer en quantité. Tous les produits de notre sous-sol servent à développer les Etats-Unis, l’Europe et l’Asie. Au Congo, les villageois qui creusent les mines n’ont pas trois repas par jour”.
La Cern fonctionne comme une ONG. Elle dispose de 15 observatoires à travers le pays, concentrés à l’Ouest où se trouve la forêt, à l’Est où sont exploités les “minerais du sang” et au Sud-Ouest à Boma, où existe une nappe de pétrole. Quinze personnes en tout, entourées de bénévoles. Le CCFD-Terre Solidaire soutient pour sa part, depuis 2009, les observatoires stratégiques de Goma et de Bukavu.
Toucher à la fois les décideurs et les populations
La Cern opère à deux niveaux : atteindre les décideurs, tout en informant la population sur ses droits et ses devoirs. Sur le terrain, les bénévoles du Cern sensibilisent pour dire aux “creuseurs”, comme on appelle les mineurs artisanaux en RDC, que les militaires, les enfants et les femmes enceintes ne doivent pas travailler à la mine.
De ce point de vue, l’Eglise représente un atout majeur. “Quand un prêtre va dire la messe ici et là, on repère les problèmes”, explique Henri Muhiya, le secrétaire national de la Cern.
En décembre 2012, l’organisation a fait pour la première fois un atelier destiné aux Forces armées de la RDC (FARDC), à Kinshasa. A leur demande, une soixantaine d’officiers stagiaires ont été initiés aux enjeux des ressources naturelles et aux conflits récurrents dans l’Est du Congo.
La mission des parlementaires européens de la fin octobre 2013
La mission conjointe CCFD-Terre Solidaire – Eurac – Commission justice et paix, qui a emmené du 26 octobre au 3 novembre des députés européens sur le terrain, dans les mines de Rubaya et de Nyabibwe, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, revêt la plus grande importance pour la Cern.
“Elle nous permet de faire passer notre message auprès des décideurs”, affirme Henri Muhiya. Au programme figuraient notamment des rencontres avec les gouverneurs des deux provinces, mais aussi le Bureau des mines du Nord-Kivu et des responsables des Nations unies.
Sur le terrain, à Nyabibwe, dans le Sud-Kivu, la Cern a noté des progrès importants. Le curé a en effet présenté les doléances des creuseurs et des villageois au ministre provincial des Mines et aux députés européens. “Un document dans lequel les gens se sont reconnus”, explique Henri Muhiya.
“De quoi l’Eglise se mêle-t-elle ?”
Les relations avec les autorités, cependant, peuvent être émaillées de difficultés. L’observatoire de Luebo, dans le Kasaï, a organisé une conférence pour faire l’état des lieux dans cette province où l’on exploite le diamant depuis 1906, mais où il n’y a toujours pas d’infrastructures de base – eau et électricité notamment.
“La conférence a été relayée par une radio locale, raconte le secrétaire national de la Cern. Notre partenaire, l’abbé Trudon Kashilemba, a reçu des appels : “De quoi l’église se mêle-t-elle?”, lui a-t-on demandé de manière anonyme. Nous avons pris des contacts avec les Nations unies pour des mesures de sécurité”.
Aujourd’hui, la Cern relâche d’autant moins son effort de lobbying que les victoires remportées au Nord-Kivu par les FARDC contre la rébellion du M23, fin octobre et début novembre, se traduisent par un nouvel espoir de paix.
Sabine Cessou
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