Inde : Une croissance sans développement

Publié le 12.11.2013| Mis à jour le 08.12.2021

Pays dit « émergent », vingt ans après le tournant néolibéral de 1991, l’Inde, dixième puissance économique mondiale, reste caractérisée par une pauvreté de masse qui interroge. Défaillance de l’État, corruption endémique, culture de castes et valeurs patriarcales constituent un début de réponse…


En annonçant, le 19 juillet, que son pays enregistrait une croissance de seulement 5 % pour 2012-2013, le Premier ministre indien, Manmohan Singh s’est empressé de rassurer les investisseurs étrangers. Promis : il leur ouvrira encore davantage son économie. Mais chroniqueurs et économistes s’interrogent. Est-ce la fi n du miracle indien ? Reste à définir le miracle en question. Alors que le taux de croissance annuel caracolait à 8,2 % en moyenne sur la période 2007-2011, la pauvreté, elle, ne déclinait que de 0,8 %.

Non seulement, le recul de la pauvreté en germe dans les années 1980 ne s’est pas accéléré avec le tournant libéral des années 1990, mais les inégalités ne cessent de se creuser. Alors qu’un tiers de la population dispose de moins d’1,25 dollar par jour, la part de la richesse nationale détenue par les milliardaires indiens est passée entre 1996 et 2008 de 0,8 à 23 % du Produit national brut (PNB). Près de 650 millions de personnes, soit 53,7 % de la population, vivent en situation de pauvreté, selon l’Indice de pauvreté multidimensionnel (IPM) du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) qui croise manque de santé, d’éducation et d’accès aux commodités de base (électricité, eau potable, sanitaires, etc.). Par comparaison, en Chine et au Brésil, 12,5 et 2,7 % de la population affrontent, respectivement, ce niveau de dénuement.

Pourquoi existe-t-il un tel fossé en termes de développement ? Avec des recettes fiscales captant seulement 10,4 % du Produit intérieur brut (PIB), le gouvernement ne peut mener une politique sociale à la hauteur des enjeux (le Brésil en retient 15,7 %). Ses dépenses publiques de santé, par exemple, sont négligeables et constituent 1,2 % de son PIB. Avec six docteurs et neuf lits d’hôpitaux pour 10 000 habitants, l’Inde a la mortalité infantile la plus élevée au monde et une terrible mortalité maternelle : 200 décès de mères pour 100 000 naissances. Les fonds alloués à l’éducation n’épousent pas davantage la courbe de la croissance. Pire, ils déclinent, passant de 4,26 % du PIB en 2000 à 3,1 % en 2012. Or, près d’un tiers de la population reste analphabète.

Les déficiences de l’État favorisent un système à deux vitesses où la classe très hétérogène que l’on dit « moyenne » se tourne vers le secteur privé. Mais cela pèse lourdement sur le budget des populations les moins aisées de cette classe sociale. À Delhi, par exemple, le prix de l’eau a été multiplié par 18 au cours de ces huit dernières années.

Une planification exécrable vient noircir le tableau. Ainsi, alors que 19 % des enfants souffrent de malnutrition et que 7 millions d’enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition sévère, les États indiens perdent, chaque année, des millions de tonnes de leurs réserves de céréales faute d’un stockage adéquat. « Un crime » selon la Cour suprême indienne qui soulignait, dans un arrêt de 2010 : « La disponibilité de céréales par habitant, sur ces quinze dernières années, a dramatiquement décliné à des niveaux inférieurs à ceux d’après l’indépendance. »

Une ruralité abandonnée

Ces « négligences » reflètent le désintérêt du gouvernement pour le secteur agricole. Un secteur dont la contribution au PIB ne cesse de décroître pour atteindre 14 % en 2012, alors que l’agriculture reste le moyen de subsistance de 58 % des habitants. Depuis 2001, le pays enregistre un nombre alarmant de suicides de paysans estimés à 15 000, chaque année.

Quant à la corruption, elle mine les politiques de lutte contre la pauvreté. C’est le cas notamment pour le programme phare de garantie de l’emploi en milieu rural, mis en place en 2005, censé assurer aux ruraux au moins cent jours d’emploi manuel dans le public, annuellement. Selon un rapport soumis au Parlement en avril 2013 : dans les États du Bihar, du Maharashtra et de l’Uttar Pradesh – qui totalisent à eux trois 46 % des ruraux pauvres de l’Inde –, seuls 20 % des fonds alloués auraient atteint leur cible (voir encadré p. 5).

Non-droit et exclusion

Enfin, la culture de castes et les valeurs très patriarcales qui caractérisent la société indienne activent les principes du non-droit et de l’exclusion à chaque niveau du système. Des principes que vient exacerber l’économie néo libérale. C’est particulièrement sensible dans les zones forestières du centre de l’Inde où les populations indigènes – les Adivasis – subissent violences et déplacements à grande échelle, en raison de la richesse de leur sous-sol.

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