Appel à signature : Tournons la page pour l’alternance démocratique en Afrique

Publié le 28.01.2015| Mis à jour le 29.11.2021

Une centaine d’associations et intellectuels d’Afrique rejoints par des Européens, dont le CCFD-Terre solidaire, lancent un appel à un large rassemblement pour tourner la page des régimes autoritaires et construire les conditions d’une véritable démocratie en Afrique. Toutes les associations, syndicats, personnalités ou simples citoyens d’Afrique, d’Europe peuvent rejoindre la mobilisation « faire vivre l’alternance politique dans les pays africains ». Voici le texte de l’appel :


A l’agenda : Conférence débat le 3 février à Paris de 18h30 à 20h30, à la Conférence des évêques de France, 58 avenue de Breteuil 75007 Paris.
Plus d’informations ici

« L’Afrique continent de l’avenir ». Le slogan est devenu la tarte à la crème des chancelleries, des médias et des milieux économiques internationaux. Mais de l’avenir de qui parle-t-on ? Celui des investisseurs étrangers et de quelques familles dirigeantes ?
L’économie internationale a besoin des richesses de l’Afrique, mais elle peut prospérer sans les Africains (plus de 2 milliards de personnes en 2050). Elle le fait d’autant plus facilement que leur parole est confisquée. L’avenir du continent n’appartiendra aux Africains qu’à condition d’une véritable démocratie. Or, pas plus qu’ailleurs, il n’est de démocratie en Afrique sans alternance.

Le pouvoir de père en fils

Les constitutions sont théoriquement les garantes de cette alternance. Fixer une limite au nombre de mandats présidentiels constitue en effet une saine mesure, adoptée par la majorité des pays africains. La disposition est parfois même inamovible. Ces précautions n’ont toutefois pas empêché nombre de chefs d’État de se maintenir au pouvoir, des décennies durant, par une violation répétée des principes démocratiques et dans l’indifférence générale des médias et de l’opinion publique internationale. Dans certains pays africains, de véritables dynasties se sont emparées du pouvoir transmis de père en fils. Douze familles aujourd’hui au pouvoir en Afrique l’étaient déjà en 1990. 87% des Gabonais et 79% des Togolais n’ont connu qu’une seule famille à la tête de l’État !

Ces régimes ne jouissent pas moins d’un soutien plus ou moins tacite des dirigeants des autres États. Ils ont réussi à asseoir une légitimité internationale, après la Guerre froide, par une subtile manipulation de la menace terroriste. Au Nord, tout se passe comme si la démocratie était un luxe que les pays d’Afrique ne pouvaient se payer. Il résulte de ces situations des conséquences mortifères pour les sociétés africaines. En témoignent les troubles politiques et militaires qui secouent certains pays. Les citoyens qui se mobilisent pour l’alternance et le respect des règles constitutionnelles et démocratiques paient un lourd tribut à la répression.
Le souffle démocratique n’est cependant pas près de s’estomper. Les tentatives de succession dynastique ont été mises en échec au Sénégal par les urnes, en Tunisie et en Égypte par les révolutions arabes. Et le cri « Y en a marre ! » venu de Dakar en 2012 résonne bien au-delà du Sénégal. Les rues de Maputo, Bujumbura, Libreville, Kampala, Ouagadougou ou Alger expriment une même aspiration à l’alternance. Un même refus du pouvoir dynastique.

La menace de coups d’État constitutionnels

Dans les années 1990, le vent de constitutionnalisme avait conduit de nombreux pays africains à limiter les mandats et à s’ouvrir au multipartisme. La mobilisation citoyenne interne fut décisive pour contraindre au changement les régimes autoritaires de l’époque, avec le soutien de forces démocratiques extérieures. Aujourd’hui est venu le temps d’une nouvelle alliance entre citoyens d’Afrique, d’Europe et d’ailleurs, pour une nouvelle étape : faire vivre l’alternance.

Le refus de toute manipulation constitutionnelle pour convenance personnelle en est la première pierre. Si, en soi, la révision d’une constitution n’est pas une pratique antidémocratique, sa transformation en instrument de perpétuation d’un pouvoir personnel est aux antipodes des attentes citoyennes et des valeurs affichées par la communauté internationale en termes de promotion de l’État de droit. L’invocation de la stabilité politique et l’artifice de la lutte contre la menace terroriste ne doivent pas faire illusion. Partout dans le monde, l’expérience a montré que le respect des règles démocratiques constitue le meilleur antidote contre l’instabilité politique, les conflits armés et le terrorisme. C’est la solidité des institutions qui garantit la stabilité et non la pérennité du pouvoir personnel.

Or la menace d’un coup d’État constitutionnel se profile en 2015 au Burkina Faso avec Blaise Compaoré, en 2016 au Congo avec Denis Sassou Nguesso et en RDC avec Joseph Kabila, ou encore en 2017 au Rwanda avec Paul Kagamé. Au Togo la succession dynastique a déjà eu lieu en 2005 au prix d’un tripatouillage constitutionnel faisant 800 morts. L’héritier, au mépris du dialogue politique autour des réformes institutionnelles et des recommandations de la Commission Vérité Justice et Réconciliation, s’apprête à se porter candidat pour un troisième mandat.

Les dirigeants ont rendez-vous avec l’Histoire

Dans ces pays, les présidents et leur entourage posent des actes qui ne trompent personne sur leur volonté de se maintenir au pouvoir par une manipulation constitutionnelle. Par le passé, de nombreux chefs d’États africains se sont parjurés sur cette question : Gnassingbé Eyadema au Togo en 2002, Idriss Deby Itno au Tchad en 2005, Paul Biya au Cameroun en 2008, Ismaïl Omar Guelleh à Djibouti en 2010, ou Yoweri Museveni en Ouganda en 2010, Abdoulaye Wade au Sénégal en 2012. D’autres ont par contre fait le choix de l’alternance, à l’instar de Jerry Rawlings au Ghana, Mathieu Kérékou au Bénin, Pinto da Costa à Sâo Tomé e Principe, ou encore des présidents Aristides Pereira, Antonio Mascarenhas et Pedro Pires qui se sont succédé aux îles du Cap-Vert. Les dirigeants attirés par la tentation dynastique ont rendez-vous avec l’Histoire : en acceptant l’alternance, ils rendraient le pouvoir à son ultime dépositaire, le peuple, posant un dernier acte marqué du sceau de l’apaisement.

De son côté, l’absence de réaction de l’opinion internationale serait, pour les régimes africains concernés, un véritable blanc-seing pour imposer, y compris par la violence, une intolérable modification constitutionnelle pour se maintenir au pouvoir. Laisser l’un d’eux perpétrer ce parjure, c’est ouvrir la brèche qui les autorisera tous à s’y engouffrer. Mais l’effet domino peut jouer en sens inverse : après l’alternance sénégalaise en 2012, après le renoncement du président sortant au Mozambique début mars 2014, il est temps d’agir pour obtenir les conditions d’une alternance ailleurs aussi, à commencer par le Burkina, le Burundi et le Togo. Et dans bien d’autres pays, où la mobilisation se cristallise sur des enjeux autres que constitutionnels (l’usage de la biométrie, la liberté de manifestation, l’indépendance des commissions électorales…). L’Europe fut surprise par les révolutions arabes. Elle trahirait ses intérêts et ses valeurs à cautionner par son silence la perpétuation de régimes archaïques au sud du Sahara.

Donner un contenu à l’alternance

Pour que le mot alternance ait un sens, il s’agit aussi de lui donner un contenu. C’est bien sûr à chaque peuple qu’il revient de le définir suivant son histoire, sa culture et son imagination créatrice. Mais quelques mesures pourraient ancrer une véritable alternance porteuse de démocratie : transparence sur le budget de l’État, les contrats avec les multinationales et les recettes issues de l’exploitation des ressources naturelles ; respect des normes républicaines dans les nominations aux postes de commandement militaire et policier ; liberté d’opinion, de presse et de manifestation sans préalable autre que l’information de l’autorité administrative ; nomination des magistrats indépendamment du pouvoir politique…

Nous citoyens d’Afrique, d’Europe et d’ailleurs, intellectuels, artistes, militants, journalistes, responsables religieux, associations, syndicats, appelons à un large rassemblement pour tourner la page des régimes autoritaires et construire les conditions d’une véritable démocratie en Afrique. Partageant les mêmes valeurs démocratiques et non-violentes, nous sommes déterminés à faire vivre les conditions d’une mobilisation citoyenne pour l’alternance démocratique, dans tous les pays d’Afrique subsaharienne. Il en va du devenir du continent africain.

Pour signer l’appel, cliquez ici
Pour en savoir plus, voir le site Pour voir les associations et organisations signataires, cliquez ici

2. Personnalités / intellectuels

Jean Baptiste Baderha, Journaliste, RDC
Bertrand Badie, Politologue, France
Richard Banégas, Politologue, France
Jean-François Bayart, Politologue, France
William Bourdon, Avocat, France
Sylvie Bukhari-de Pontual, Avocate et présidente de la Fédération internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Fiacat), France
Monique Chemillier-Gendreau, Juriste et présidente d’honneur de l’Association européenne des juristes pour la démocratie et les droits de l’Homme dans le monde (AEJDH), France
Noam Chomsky, Linguiste et philosophe, Etats-Unis
John Christensen, Economiste, Royaume-Uni
Alex Cobham, Economiste, Royaume-Uni
Christophe Dabire, Philosophe, Burkina Faso
Miguel De Barros, Sociologue, Guinée-Bissau
Alain Deneault, essayiste, Canada
Thomas Deltombe, éditeur, France
Olivier De Schutter, Juriste, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, Belgique
Djibril Diaw, Réalisateur et journaliste, Mauritanie
Mamadou Diouf-Mignane, Coordinateur du Forum social sénégalais, Sénégal
Jean-Pierre Dubois, Constitutionnaliste et président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme, France
Vincent Foucher, Politologue, France
François Gèze, Editeur, France
Michel Griffon, économiste et agronome, France
Dieudonné Hamadi, Réalisateur, RDC
Eva Joly, eurodéputée, ex-présidente de la Commission Développement au Parlement européen, France
Robert Kabakela, Journaliste, RDC
Bob Kabamba, politologue, RDC / Belgique
Kasereka Kavwahirehi, philosophe, Canada / RDC
Toussaint Kafarhire Murhula sj, poète, RDC
Samska Lejah, artiste, Burkina Faso
Gustave Massiah, Ingénieur et économiste, France
Achille Mbembe, Historien, Cameroun
Ernest-Marie Mbonda, Philosophe, Cameroun
Jean Merckaert, Rédacteur en chef de la Revue Projet, France
Staaf Meyaa, Artiste, Gabon
Olivier Mongin, Philosophe, ancien directeur de la Revue Esprit, France
Edgar Morin, Philosophe et sociologue, France
Valentin-Yves Mudimbe, philosophe, écrivain, poète, RDC
Gilbert Mussumba, Président du Comité africain du scoutisme, Burundi
Youssou Ndour, chanteur, Sénégal
Maria Nowak, Présidente de l’ADIE, France
Jean-Pierre Olivier de Sardan, Anthropologue, Niger/France
Boukari Ouoba, journaliste, Burkina Faso
Cécile Renouard, Philosophe, religieuse de l’Assomption, France
Pierre Rosanvallon, Historien et sociologue, France
Pierre Sane, ancien secrétaire d’Amnesty International, Sénégal
Abderrahmane Sissako, Cinéaste, Mauritanie
Smockey, Artiste, Burkina Faso
Youba Sokona, Ancien directeur du Centre africain de politique climatique, Mali
Cheikh Tijaan Sow, Ecrivain, auteur compositeur, Sénégal/France
Moussa Sow, Anthropologue, Mali
Louis-George Tin, président du CRAN, France
Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, France
Chico Whitaker, cofondateur du Forum social mondial, membre de Justice et Paix Brésil, Brésil
Catherine Wihtol de Wenden, Politologue et sociologue, France
Patrice Yengo, Politologue et anthropologue, Congo Brazzaville
Arnaud Zacharie, économiste, Belgique

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