Au Mali, les semences paysannes sont vitales pour la souveraineté alimentaire
Au Mali la « modernisation » agricole soutenue par des projets internationaux et les politiques nationales (promotion des monocultures, de la mécanisation, des intrants chimiques et des semences commerciales) relègue la valorisation des semences locales au second plan. Pourtant, au moins 75% des semences cultivées dans le pays sont issues de l’agriculture paysanne. Communautés de paysans et société civile, dont deux partenaires du CCFD-Terre Solidaire, se mobilisent pour faire reconnaître les semences paysannes et les droits des agriculteurs sur leur territoire.
Traditionnellement les agriculteurs sélectionnent et produisent leurs propres semences, cultivées à partir de procédés naturels. Ces variétés paysannes sont riches en diversité, entretenues par les communautés agricoles pour les adapter à leurs systèmes de production et alimentaires, et co-évoluent avec les changements (climat, maladies), et les besoins des communautés.
Basé sur des savoirs, savoir-faire et savoir-être des paysans, ce système semencier a permis d’améliorer la production agricole et la diversité génétique au fil des siècles, sans recours aux intrants chimiques. Ces semences ont toujours été conservées, multipliées, échangées ou vendues par et entre les paysans.
Au Mali, les agriculteurs utilisent majoritairement des semences traditionnelles pour leurs cultures alimentaires. Par contre, pour les cultures encadrées comme le coton et le riz irrigué, et pour plusieurs espèces maraichères, ils sont le plus souvent dépendants des semences certifiées vendues sur le marché.
Ces dernières années, les nouvelles variétés « améliorées », sélectionnées pour des systèmes de production intensifs avec engrais et traitements chimiques, ont été promues par les chercheurs ou les entreprises industrielles commerciales, et soutenues par le cadre juridique national.
Ce cadre juridique porte principalement sur la filière des semences certifiées pour le commerce. Les variétés traditionnelles et paysannes sont ainsi reléguées dans l’informel.
Les droits des agriculteurs sur les variétés traditionnelles et paysannes qu’ils ont conservées et diversifiées s’en trouvent ainsi fragilisés. Il est donc apparu important aux organisations paysannes de réfléchir à un mode de reconnaissance de leurs semences et de leurs droits en la matière.
Comment faire reconnaitre les semences paysannes et les droits des paysans ?
Depuis plusieurs années, des organisations font la promotion de l’agroécologie paysanne et prennent à cœur la valorisation de la biodiversité agricole et des semences paysannes. Elles se retrouvent au sein d’un cadre d’échange sous régional : le Comité Ouest Africain des Semences Paysannes (COASP) qui s’anime au niveau national à travers le COASP-Mali. Ainsi, de Gao à Sikasso, ou de Kayes à Yorosso, plusieurs organisations se mobilisent dans le pays pour valoriser les semences paysannes sur le territoire.
Partie prenante, l’association Biodiversité Echanges et Diffusion d’Expérience (BEDE) en collaboration avec l’Institut de Recherche et de Promotion des Alternatives en Développement (IRPAD) – deux organisations d’appui à l’agriculture paysanne partenaires du CCFD-Terre Solidaire – ont pris l’initiative de bâtir un processus de réflexion collectif : « Semences Normes et Paysans » (SNP). Son objectif ? Arriver à faire reconnaître les semences paysannes et les droits des agriculteurs dans le cadre juridique national.
Le processus de réflexion, démarré en janvier 2016 et soutenu par le CCFD-Terre Solidaire, la Coopération Suisse (DDC) au Mali et l’ONG allemande Misereor, a commencé par la réalisation d’un état des lieux des lois, des règlements, des acteurs et des instances de décision.
S’en sont suivies des consultations auprès des principales organisations paysannes. [[Notamment l’Association des organisations professionnelles paysannes (AOPP) qui est impliquée dans des programmes de développement des semences certifiées, mais qui reconnaît l’importance des semences traditionnelles ; la Coordination nationale des organisations paysannes (CNOP), actrice du plaidoyer pour la souveraineté alimentaire au Mali mais aussi, le Comité Ouest Africain des semences paysannes du Mali (COASP-Mali), les institutions de la recherche et les services étatiques.]] Ces consultations ont permis d’élaborer une étude collective qui propose un ensemble de recommandations pour l’amélioration de la gouvernance des semences au Mali, en mettant en particulier l’accent sur la prise en compte des semences paysannes/traditionnelles dans les lois nationales, et renforcer les droits des agriculteurs.
D’autant que des textes internationaux auxquels le Mali a adhéré comportent des éléments intéressants visant la reconnaissance des droits des agriculteurs à échanger, donner ou vendre les semences paysannes. La mise en oeuvre de ces instruments au niveau national pourrait offrir des pistes de solution à cette situation.
Véritable défi pour les organisations paysannes du Mali, le processus Semences, Normes et Paysans va poursuivre, durant toute l’année 2017, ses travaux de réflexion et ses actions de sensibilisation et de mobilisation, pour faire reconnaître les semences paysannes et les droits des agriculteurs dans le pays.
Extrait d’un questions/réponses destiné aux paysans maliens :
– Actuellement puis-je cultiver mes propres semences paysannes même si elles ne sont pas inscrites au catalogue ?
Oui, je peux les cultiver, les échanger, les donner à des fins non commerciales, mais je ne peux pas les vendre librement sur le marché.
– Si une variété est inscrite comme variété protégée à l’OAPI – Organisation ouest-africaine de la propriété intellectuelle – puis-je reproduire les semences dans mon champ ?
Oui, je peux les reproduire pour ma propre consommation mais pas pour les vendre. Sont toutefois exclues les variétés fruitières comme la banane, les variétés forestières et les variétés ornementales.
– Est-ce que les structures de recherche peuvent prendre ma variété paysanne pour en faire une nouvelle variété et en devenir propriétaire ?
Oui, si elles obtiennent un droit d’obtention végétale sur la nouvelle variété obtenue à partir de ma variété paysanne.
– Est-ce que les OGM peuvent être cultivés au Mali ?
Oui, la loi biosécurité au Mali permet la culture d’OGM mais seulement après autorisation du ministère de l’environnement, autorité nationale compétente. En juin 2016, il n’y a aucune variété d’OGM autorisée au Mali.
Article proposé par le BEDE et l’IRPAD en partenariat avec le CCFD-Terre Solidaire
Voir aussi notre dossier magazine « Semences paysannes, une voie d’avenir » de novembre 2012
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