Quand la solidarité monte sur les planches

Publié le 23.05.2017| Mis à jour le 07.12.2021

L’art peut-il être un vecteur de liens, un moyen d’émancipation et de développement ? Pour les membres du CCFD-Terre Solidaire de la région Centre-Val de Loire, qui ont organisé à Pithiviers, les 30 avril et 1er mai derniers, le festival Si loin si proches, la réponse est à l’évidence oui. Durant ces deux jours, en présence de trois partenaires, il a été beaucoup question de souveraineté alimentaire, d’accès à la terre, des modes de production et de consommation.


C’est un village comme il en existe des milliers en Inde. Avec ses pétarades de scooters qui se mêlent aux cris des oiseaux, au « chant » des enfants répétant les leçons qui s’échappe de l’école. On y découvre des hommes, des femmes appliqués à fabriquer des briques de terre. Autour du puits, lieu central de l’activité villageoise, d’autres s’affairent à laver le linge, à remplir d’eau des lotas, des pots en laiton ou en fer blanc. Scènes de la vie quotidienne avec ces gestes mille fois répétés, comme dans une chorégraphie improvisée.

Enfin, pas tout à fait. Car nous ne sommes pas en Inde, mais à Gourvilliers, un hameau du Loiret, en train d’assister à Vanakkam. Bonjour, mis en scène par la Compagnie du Chiendent avec le soutien de l’équipe du CCFD-Terre Solidaire de la région Centre-Val de Loire qui accompagne depuis trois ans cette initiative articulée autour de la danse.

Une rencontre a priori improbable entre une ONG de développement et une troupe artistique que commente la chorégraphe Sandrine Bonnet, à l’origine de cette aventure :

« J’avais accueilli en résidence d’artistes un danseur originaire du Sri Lanka, réfugié politique en France, et nous avions longuement discuté des questions d’immigration, de la quête d’identité. Il m’a alors proposé de faire le voyage en sens inverse, de la France vers le Tamil Nadu [au sud-est de Inde, ndlr], pour que je me sente moi aussi comme une étrangère. Puis de monter ensuite un spectacle. »

Sensibilisation artistique et citoyenne

L’idée séduit Sandrine, qui prend rendez-vous avec la région Centre pour présenter un projet. Hasard, chance, karma diraient les Indiens, la veille de sa venue, il avait été question de solidarité internationale au siège de la région. Le bureau concerné oriente la jeune femme vers le CCFD-Terre Solidaire.

« À l’époque, je ne connaissais pas le CCFD-Terre Solidaire, reconnaît Sandrine. Mais, à mon grand étonnement, on se comprenait sur tout ! »

L’ONG met alors en relation l’artiste avec Areds [[Créée en 1980 dans l’État indien du Tamil Nadu, l’Association de soutien au développement et à l’éducation rurale (Areds) centre son action sur le développement des populations les plus marginalisées, notamment les Dalits.]], l’un de ses partenaires dans le Tamil Nadu.

Sandrine se rendra trois fois en Inde, accompagnée de danseurs, d’un vidéaste, d’un « auteur sonore ».

S’immergeant dans le réseau local de l’organisation indienne, ils « appréhendent de près les réalités du territoire », vont voir des agriculteurs pratiquant l’agro-écologie, travaillent avec des groupes de femmes utilisant le théâtre de rue pour sensibiliser les populations locales aux questions de santé. Ils interviennent dans les écoles pour des ateliers de danse contemporaine, d’initiation à la prise de vue et la réalisation vidéo. Ils enregistrent aussi des images du quotidien, des portraits de femmes, des sonorités, prennent des photos.

« Ces échanges nous ont permis de recueillir les éléments pour la préparation de notre spectacle, précise Sandrine, mais aussi de disposer d’outils de sensibilisation ensuite utilisés par les bénévoles du CCFD-Terre Solidaire pour leurs voyages d’immersion en Inde. »

Pour la chorégraphe : « Cette sensibilisation artistique et les actions d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale permettent d’échanger, de réfléchir sur la conscience individuelle et collective. » Un message largement partagé par Thierry Murat, délégué régional du CCFD-Terre Solidaire, pour qui « l’art est un vecteur de liens, un moyen d’émancipation et de développement ».

Surtout lorsque celui-ci est axé, comme c’est le cas pour Vanakkam. Bonjour, autour de l’eau. Sujet qui ne pouvait laisser indifférents les bénévoles du CCFD-Terre Solidaire de la région Centre-Val de Loire, engagés depuis plusieurs années déjà sur la thématique de la souveraineté alimentaire. Une thématique qui les a conduits à faire trois voyages d’immersion en Afrique du Sud, au Brésil et en Inde pour découvrir les réalités auxquelles sont confrontés les partenaires.

Regards croisés

Conférences, rencontres, débats, outils d’éducation, de sensibilisation à l’accès à la terre, aux relations entre producteurs et consommateurs, depuis plusieurs années, les groupes de bénévoles font leur possible pour faire bouger les lignes. Dans cette même dynamique, trois partenaires sont venus, à leur tour, ce printemps, durant une semaine, rencontrer les acteurs de la région Centre-Val de Loire : agriculteurs syndicalistes, chambre d’agriculture, Conseil régional…, avant de participer au festival.

« Notre région rurale a des réalités très différentes. Au sud, on pratique l’élevage, le maraîchage avec des agriculteurs et des vignerons qui, pour certains, sont passés au bio », détaille Catherine Torset, chargée de mission au CCFD-Terre Solidaire dans la région.

« Au nord, c’est la Beauce, le “grenier à céréales” de la France. Avec ses grandes exploitations conventionnelles qui, le plus souvent, pratiquent l’agriculture conventionnelle, même si l’on sent chez beaucoup une volonté de raisonner leurs pratiques et de diversifier leurs productions. »

Remise en cause des modes de production et de consommation

Difficile, dans ces conditions, de réunir tout le monde autour d’une même table pour réfléchir et échanger autour des différents modes de production.

« Il y a encore beaucoup de méfiance et d’a priori de part et d’autre, continue-t-elle. Entre différents types d’agriculture, bio, raisonnée et conventionnelle, mais aussi entre des visions et approches syndicales différentes, celle de la FDSEA[[Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, membre de la FNSEA, majoritaire dans la profession.]] et de la Confédération paysanne [[La Confédération paysanne prône une agriculture paysanne, familiale. Elle est membre de l’organisation internationale La Via Campesina, partenaire du CCFD-Terre Solidaire.»]]

Le but de ces rencontres organisées par le CCFD-Terre Solidaire est de favoriser le dialogue et une meilleure compréhension entre les différentes parties.

« Nous avançons à petits pas avec un vocabulaire adapté pour dire que chacun a droit à une alimentation de qualité, pour tenter d’arriver à mettre tout le monde d’accord », poursuit la chargée de mission. Une unanimité d’autant plus nécessaire que tout le secteur, bio et conventionnel confondus, est touché par une crise nationale qui a un impact direct sur le niveau de vie des paysans.

Ce qui pousse nombre d’entre eux à réfléchir à de nouveaux moyens d’écouler leurs productions, par la vente directe à la ferme ou via des Amap[[Les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) ont mis en place un réseau de vente directe entre agriculteurs, le plus souvent bio, et consommateurs]] et autres circuits courts.

La question de la transmission des terres

Les modes de production et de consommation ne sont pas les seules questions qui se posent à la région et aux bénévoles du CCFD-Terre Solidaire. Tout aussi importante est celle de la transmission des terres.

« La moitié des jeunes dont les parents sont agriculteurs reprennent les exploitations familiales et de plus en plus d’autres ont envie de s’installer, notamment en bio », précise Catherine Torset.

Mais les terres, elles, sont de moins en moins nombreuses, de moins en moins accessibles. En cause, l’urbanisation et les besoins en infrastructures, autoroutes, centres commerciaux, mais aussi un phénomène nouveau dans la région : l’accaparement des terres. Depuis l’année dernière, pas moins de « 1 700 hectares de terres agricoles ont été accaparées », regrette la chargée de mission, achetées par des sociétés chinoises pour un prix environ deux fois et demi plus cher que celui du marché.

Une surenchère qui augmente artificiellement le prix du foncier local, empêche ceux qui le désirent de se lancer dans des activités agricoles. Surtout, cela pose la question de l’utilisation de ces surfaces, dont on suppose que les productions seront destinées à l’exportation.

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