Aide d’urgence pour les populations fuyant Boko Haram au Nord Cameroun

Publié le 15.04.2015| Mis à jour le 08.12.2021

La région de l’extrême Nord du Cameroun, à la frontière avec le Nigeria, est soumise depuis mi-2014 aux incursions de Boko Haram, qui sèment la terreur dans les villages. Des milliers de personnes de la région ont du fuir, auxquels s’ajoutent les réfugiés en provenance du Nigéria. Les organisations du diocèse de Maroua se mobilisent pour leur venir en aide


Depuis fin juillet 2014, les membres du Comité Diocésain de Développement (CDD) du diocèse de Maroua décrivent d’incessantes attaques de Boko Haram, souvent menées par de petits groupes lourdement armés circulant en moto (avec 3 ou 4 passagers par moto), qui sont venues semer la panique dans les villages de la région du de l’Extrême Nord Cameroun.
Ils s’enfoncent de plus en plus profondément à l’intérieur des terres camerounaises : « La fin de la saison des pluies, favorisant les déplacements par les pistes de brousse, n’a fait qu’augmenter le phénomène, rendant la tâche de l’armée encore plus ardue. L’axe Mora-Kousseri (200 km) est devenu totalement impraticable suite à de nombreux actes de brigandages ayant entraîné la mort de plusieurs dizaines de civils ou de militaires camerounais » témoigne en janvier 2015 un rapport du diocèse sur les exactions de Boko Haram dans le nord du Cameroun. Celui-ci relève également que l’usage des mines depuis octobre 2014 a marqué une étape dans la stratégie de terreur mise en place par Boko Haram.
Le débordement d’une crise nigériane sur le sol camerounais est devenue progressivement une situation de guerre avec l’intervention de l’armée camerounaise et tchadienne, ainsi que l’appui du dispositif militaire français basé à N’djamena. La crise provoquée par Boko Haram est devenu régionale.
Le rapport du diocèse de Maroua constate que l’utilisation de l’armée de l’air depuis le 28 décembre 2014 n’a pas empêché la multiplication des opérations de harcèlement menées par Boko Haram. Des milliers de bœufs sont volés et emmenés au Nigéria ou sont déplacés par leurs propriétaires à l’intérieur des terres ce qui donne lieu à de nombreuses frictions entre éleveurs et agriculteurs. Les difficultés de ravitaillement de Boko Haram, dues à un meilleur contrôle des axes commerciaux par les forces de l’ordre camerounaises, incitent les terroristes à multiplier les razzias. « Ces scènes d’une violence inouïe participent à la montée de la psychose de la population locale » explique le rapport.

Les conséquences sur l’économie de la région

Le climat d’insécurité lié aux nombreuses exactions du groupe Boko Haram a conduit à la fermeture des frontières avec le Nigéria par les autorités. Cela a littéralement asphyxié l’économie déjà très faible de la région, avec une hausse des prix des produits habituellement importés du Nigéria (sucre, riz, farine, carburant, etc.).
Le secteur touristique, pourtant florissant, est tombé à zéro, avec des répercussions terribles dans le secteur artisanal, l’hôtellerie, etc…
Le secteur agricole, pratiqué par plus de 80% de la population, est mis à rude épreuve. Dès le début des récoltes, de nombreuses parcelles de champ ont été incendiées. Les récoltes ont été impossibles dans de nombreuses localités. De nombreux villages aux terres cultivables ont été désertés. Ces derniers temps, les membres de Boko Haram, à la recherche de nourriture pour leurs troupes s’en prennent aux marchés pour récupérer des vivres.

Malgré cette situation de pauvreté généralisée, le Comité diocésain explique que la région est de plus en plus abandonnée par les organisations d’aide au développement qui n’osent plus s’aventurer dans la région.
De plus, les associations locales de développement, même les plus fiables, ne reçoivent plus d’aides de peur que celles-ci ne servent à financer Boko Haram.

40 000 personnes concernées

Le Comité Diocésain du Développement de Maroua Mokolo et en son sein la Caritas veut venir en aide aux 10 000 réfugiés Nigérians et 30 000 déplacés camerounais.
Ce projet d’urgence permet de répondre aux besoins de première nécessité des populations qui ont tout perdu dans leur fuite (alimentation, soins, abris, vêtements). Le projet fournit également une assistance administrative pour les personnes qui ont perdu leurs papiers dans les incendies, et les aide à la réinscription scolaire des enfants.
L’aide permettra aux structures paroissiales qui jouent un rôle crucial dans l’accueil des populations en détresse de se renforcer et de se coordonner avec les autorités camerounaises et le HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés).

Des inquiétudes autour de la récupération du conflit

Dynamique Citoyenne est un autre partenaire du CCFD-Terre solidaire, présent dans les 10 régions du Cameroun à travers ses coordinations régionales, en sa qualité de réseau de suivi indépendant des politiques publiques et des stratégies de coopération. Le 31 octobre 2014, il s’est inquiété dans un communiqué des menaces que fait peser la situation sur la cohésion sociale.
Le réseau critique la récupération du conflit par certaines élites, à des fins politiciennes et s’inquiète « de la restriction des libertés individuelles caractérisées par des arrestations des personnalités politiques, associatives et médiatiques en violation des lois sur la protection des droits humains ».
Il demande la création d’une commission d’enquête indépendante pour faire la lumière sur la situation qui prévaut dans l’Extrême-Nord.

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