Au Mali, l’association Azhar soutient les initiatives Touaregs contribuant au vivre-ensemble

Publié le 08.08.2016| Mis à jour le 08.12.2021

Assinamar Ag Rousmane est coordinateur de programme au sein de l’ONG Azhar, soutenue par le CCFD-Terre Solidaire depuis sa création en 2002. Azhar intervient en particulier auprès des Touaregs dans le nord du Mali, région marquée par le changement climatique et les conflits. Rencontre.

Que signifie Azhar et que fait l’association ?

Assinamar Ag Rousmane : Azhar a été créé par d’anciens membres de l’association Acord – Association de Coopération et de Recherches pour le Développement – aussi partenaire du CCFD-Terre Solidaire. Nous sommes désormais deux organisations autonomes, mais nous travaillons ensemble sur des projets communs. D’où le choix du nom Azhar, qui signifie « liens de famille » en tamasheq – langue parlée par les communautés touarègues de la région de Kidal au nord du Mali, dans laquelle nous intervenons.

Avec l’appui du CCFD-Terre Solidaire depuis plus de dix ans, nous soutenons les Touaregs pour améliorer leurs conditions de vie et sécuriser leur existence, en travaillant sur les questions de gouvernance locale, de citoyenneté et de vivre ensemble.

Quels sont les besoins des Touaregs ?

A.Ag.R : La région de Kidal est une zone très aride et très impactée par le changement climatique. Historiquement, les Touaregs, communauté nomade, y pratiquait l’élevage. Mais depuis les sécheresses cycliques des années 1970-1980, qui ont fortement secouée la zone, les communautés ont perdu leurs cheptels qui se sont complètement décimés.

La question des ressources naturelles a donc créé de fortes tensions entre ces populations. Et sans aucune assistance de l’Etat, les Touaregs ont été obligés de trouver d’autres activités génératrices de revenus. Le maraîchage leur est venu rapidement à l’idée, de par la présence d’oasis dans la région. Aujourd’hui, dans la commune de Tessalit où nous intervenons, les maraîchers sont désormais les champions de l’agro-écologie ! Grâce à de nombreuses formations, ils sont en avance sur tout le reste du Mali.

Ce qu’il faut aussi comprendre, c’est que la sécheresse est une des causes de la crise malienne des années 1990. A cette époque, pour survivre, des milliers de jeunes touaregs s’exilent du Mali. Ils se rendent en Libye où Mouammar Kadhafi, qui convoitait déjà cette zone du pays, les utilise pour créer sa « légion islamique », et les envoie combattre à l’étranger.
De retour au Mali, ces jeunes deviennent rapidement des combattants de la rébellion face à la dictature militaire dirigée par Moussa Traoré. Mais sans les grandes sécheresses, ils ne seraient certainement jamais partis.

Azhar a failli disparaître en 2012. Comment avez-vous géré la situation ?

A.Ag.R : En 2012, la crise a déstructuré toutes les organisations locales au Nord du pays. Nous n’avions plus de bureaux, d’équipements, ni même d’archives. Tout a été saccagé. C’était le « sauve qui peut » ! Par obligation, certains se sont déplacés ailleurs au Mali, mais aussi en Algérie, et dans les camps de réfugiés.

A l’époque, tout le pays était une zone hostile. Les militaires semaient le désordre dans le pays, et le Nord était contrôlé par les djihadistes. La crise a rendu impossible l’activité de petites organisations de base comme la nôtre.

A partir de 2013, nous avons commencé à nous reconstruire. Avec un autre membre d’Azhar, nous avons monté un « desk » à Bamako, la capitale du pays. Le CCFD-Terre Solidaire a alors cherché à nous joindre. Grâce à l’organisation AMASSA – Afrique Verte Mali, également partenaire du CCFD-Terre Solidaire, nous avons réussi à reprendre contact. Sans le CCFD-Terre Solidaire, notre organisation n’aurait pas pu se reconstituer.

Quelle a été la priorité d’Azhar après sa reconstruction ?

A.Ag.R : Les Touaregs sont une communauté extrêmement fractionnée. Une division qui a été exacerbée par le conflit malien. Car certains acteurs au sein des groupes armés, pourtant issus des mêmes communautés, les instrumentalisent. Pourquoi ? Parce que chacun essaye de se créer une légitimité pour aspirer un jour à des postes politiques à responsabilité.

En 2013, Azhar réalise qu’il faut agir sur l’intermédiation communautaire. Et décide d’intégrer la dimension « Gestion et prévention des conflits » dans ses zones d’intervention, notamment par la mise en place d’actions phares envers les leaders communautaires – les chefs de faction, les chefs des secteurs de développement et les chefs de village. Ce sont des acteurs très importants, avec une grande force de mobilisation.

Aujourd’hui, nous en sommes justement à l’étape de mobilisation, mais aussi de formation et d’éducation populaire. Car à long terme, l’idée est de parvenir à créer des contrats sociaux entre ces communautés. Mais notre plus grande difficulté, c’est de devoir travailler avec des groupes qui sont parfois très hostiles à la paix, contre les questions de développement et de démocratie.

Sur quel autre grand projet travaillez-vous en ce moment ?

A.Ag.R : Avec le CCFD-Terre Solidaire et les associations partenaires Acord et GRDR Migration-Citoyenneté-Développement, nous travaillons depuis trois ans à la construction d’un projet sur la citoyenneté et le vivre ensemble. Fin 2015, nous avons reçu le soutien de l’Union Européen pour démarrer le projet Jeunesse et pouvoir d’agir (JPA). L’objectif est de renforcer la participation des jeunes maliens au niveau institutionnel et organisationnel pour qu’ils puissent jouer un rôle important dans la prise de décision. Car de manière générale, au Mali, les jeunes de 18 à 35 ans n’ont pas place dans la société, ni d’opinion. Leur voix n’est pas prise en compte. C’est cette tendance que nous souhaitons changer.

Ce projet émane d’une réflexion plus large sur les raisons de la crise malienne dont la question de l’identité nous semble centrale et qui touche particulièrement les jeunes.
Pour cela, nous avons identifié plusieurs organisations de jeunesse dans cinq régions du Mali – Kidal, Gao, Tombouctou, Kayes et Bamako où sont présents des partenaires du CCFD-Terre Solidaire. Ces organisations vont mener des études sur le vécu citoyen des jeunes et les relations intergénérationnelles. Par exemple, au Nord du pays, certains contestent leur appartenance même au Mali. L’idée du projet JPA est de mieux comprendre les enjeux au Nord comme au Sud.

Ces études nous permettront de recenser un certain nombre d’initiatives, en particulier sur les questions de vivre ensemble et de citoyenneté, afin de mieux accompagner la jeunesse au quotidien. Nous allons aussi axer notre projet sur le renforcement des compétences grâce à des formations très pointues sur les droits civiques, les droits humains, ou encore sur la justice transitionnelle [[La justice transitionnelle relève de quatre piliers : le droit de savoir, le droit à la justice, le droit à la réparation et le droit aux garanties de non-répétition.]]. Il faut savoir qu’au Mali, la moitié des jeunes ne vote pas.

Le projet Jeunesse et pouvoir d’agir vise directement 3000 Maliens, et touchera environ 10 000 jeunes supplémentaires grâce à nos actions de sensibilisation. C’est un projet très ambitieux. Mais qui ne peut que réussir, j’en suis sûr.

Propos recueillis par Marion Chastain

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