Au Tamil-Nadu en Inde, les plus vulnérables unissent leurs forces

Publié le 13.06.2014| Mis à jour le 08.12.2021

Dans l’état du Tamil-Nadu en Inde, nombreux étaient les mouvements et ONG luttant pour plus de justice sociale, mais séparément : paysans ou occupants des bidonvilles, dalits ou organisation de femmes, pêcheurs… Depuis quelques années, ils se réunissent au sein de la fédération TNLRF pour s’imposer auprès des autorités et défendre leur accès à la terre et aux ressources naturelles. Une union nécessaire face à une politique économique ultra libérale destructrice pour l’environnement et les communautés humaines qui en vivent.


Des ressources naturelles accaparées
En Inde, l’adoption de la loi dite « Zones Economiques Spéciales » en 2005 a donné le pouvoir aux gouvernants d’acquérir les terres des fermiers sur enjeu d’intérêt général. Les terres sont transférées aux agences d’Etat chargées de favoriser l’attraction des investisseurs tandis que leurs habitants migrent vers les zones paupérisées des grandes métropoles. Alors que le pays dispose de nombreuses friches industrielles, des dizaines de milliers d’hectares de terres fertiles ont été expropriées aux fermiers en l’espace de 5 ans pour être reconfigurées en plus de 500 zones économiques spéciales. L’Etat du Tamil Nadu, au Sud-Est de l’Inde, en recense un nombre particulièrement grand. Cela se traduit par de nombreuses expropriations de terres fertiles ou de ressources naturelles comme les forêts ou des zones côtières qui étaient auparavant gérées de manière communautaire par les autorités villageoises.

Des communautés mobilisées, mais cloisonnées
Le Tamil Nadu est un Etat qui a vu naître de nombreux mouvements de résistances depuis trente ans. Les communautés locales sont loin d’être passives face aux violations de leurs droits humains. Les organisations Dalit (intouchables), Adivavsi (tribus indigènes), de pêcheurs, de petits paysans, d’occupants des bidonvilles et de femmes sont structurées et savent se mobiliser. Mais leurs actions, souvent cloisonnées les unes des autres, souffraient d’un manque d’impact.

Le foncier comme enjeu de convergence
Après avoir mené une série de consultations entre elles, cinq organisations du Tamil Nadu, (AREDS, IRDS, SNEHA, PEEDS, HRDF) ont identifié la question du foncier comme un enjeu de convergence entre leurs luttes. Toutes les composantes les plus vulnérables de la société indienne, autant en ville qu’à la campagne, sont en effet confrontées à une exclusion croissante de l’accès au foncier, soumis à une forte spéculation. Pour mutualiser leurs efforts autour de cette thématique, les six organisations ont créées en septembre 2010, à Trichy, la Fédération du Tamil Nadu de défense et de protection des droits fonciers (TLNRF).
La TNLRF se compose maintenant de mouvements sociaux, d’ONG, de scientifiques, de personnalités de la société civile engagées dans une perspective inter-communautaires et inter-castes. Autant en zone rurale qu’en zone urbaine, le réseau vise à protéger les intérêts et droits des populations fragilisées par des opérations économiques qui mettent en danger leurs modes de vies et leurs moyens de subsistance.

Mobiliser sur des enjeux locaux
En tout, 16 comités de districts se sont formés pour renforcer les coordinations locales entre communautés affectées et apporter leur soutien aux villages entrés en résistance.  Dans les districts de Nagappatinam et de Kanchipuram, ils se mobilisent face au déploiement d’une série de centrales thermiques sur le littoral ; dans les districts de Villupuram, Cuddalore et Pondichéry, c’est l’extension de ports commerciaux induisant le déplacement des communautés côtières qui est remis en cause; A Thervoy (district de Tiruvallur), ils se mobilisent contre la destruction de la forêt de Thervoy, à la place de laquelle doit s’implanter une importante usine Michelin. Cette mobilisation est particulièrement relayée en France par le CCFD-Terre Solidaire et fait l’objet d’une campagne spécifique concernant la Responsabilité sociale de l’entreprise.

Se former à la défense de leurs droits
L’enjeu pour TRNLRF est de former des porte-paroles capables de défendre les droits et les ressources de leurs communautés, dans un contexte de développement économique très agressif à leur égard.
Plus de 500 leaders communautaires du Tamil Nadu (indépendamment des staffs et membres des ONG et de leurs syndicats liés) ont déjà été formés à l’économie politique du foncier et du développement local, aux lois et jugements sur le foncier, au rôle des instances de gouvernance locale, aux expériences tirées de mouvements sociaux issus d’autres Etats indiens… Une conférence a même pu être organisée avec le soutien des autorités de l’état à destination de 1000 femmes-leaders engagées sur des lieux de tensions foncière.
L’objectif du TNLRF est de porter ses mobilisations locales auprès des autorités pour influer sur les décisions et promouvoir un autre modèle de développement économique.

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