Remise de prix pour les élèves les plus méritants © Clémentine Méténier

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Bénin : «Aidons les enfants à échapper à la traite»

Publié le 01.02.2017| Mis à jour le 07.12.2021

La traite d’enfants touche les jeunes Béninois les plus pauvres du pays. Face à ce phénomène, Sin Do, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, met l’école au centre des préoccupations.


“Avant de commencer mon année en troisième au collège, mon oncle m’a dit un matin que j’allais être envoyé dans une famille en ville, parce que ma mère n’avait pas les moyens de me garder à la maison pour que je continue mes études. Il m’a dit que j’allais apprendre la mécanique, mais je savais déjà que je serai exploité et que je ne reverrai jamais ma mère. » Romuald a seize ans. Il fait partie de ces nombreux adolescents qui auraient pu être victimes de « traite »[[ Selon la définition du protocole des Nations unies en 2000 à Palerme : « Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’une personne de moins de dix-huit ans à des fi ns d’exploitation ».]]. Pour sa part, il y échappera « par la grâce » de Sindo.

C’est en 2002 que Emma, fondatrice de Sindo avec sa sœur Géromine, prend conscience de l’ampleur de la traite des enfants au Bénin. « J’avais déjà entendu des histoires d’enfants devenus domestiques dans des familles. En fait, c’était plus large que cela : il s’agit de travaux forcés et de maltraitance. » Autrement dit, du « vidéomégon », littéralement « enfant chez autrui ». Emma explique :

« C’est une pratique fréquente dans les familles très pauvres qui placent leurs enfants dans des foyers plus aisés, souvent en ville. La plupart ne sont pas scolarisés mais exploités. »

Très jeunes, les enfants peuvent réaliser des travaux domestiques et agricoles, des activités commerciales dans les rues, ou encore être sur des chantiers de construction…

Selon une étude financée par l’Unicef Bénin[[Étude initiée par le ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant (MFFE).]]réalisée entre mars 2006 et avril 2007, 40 000 enfants âgés de six à dix-sept ans, résidant au Bénin, étaient victimes de traite (86 % sont des filles), soit 2 % de cette classe d’âge. Mais la traite est majoritairement transnationale ; ils sont envoyés vers le Nigeria, le Togo et la Côte-d’Ivoire, et au Niger ou en Algérie. En effet, l’étude révèle qu’entre 2000 et 2005, plus de la moitié des enfants victimes de traite l’étaient à partir du Bénin.

Suite à ce constat, le gouvernement a adopté le 30 janvier 2006 une loi déterminant « les conditions de déplacement des mineurs et la répression de la traite des enfants en République du Bénin ». Toutefois, dix ans plus tard, un rapport de l’ambassade des États-Unis sur la traite au Bénin[[Rapport sur la traite des personnes Bénin 2016, ambassade des États-Unis.]] pointe une loi qui reste peu appliquée et les peines très minimes infligées aux trafiquants.

Les ONG et associations prennent donc le relais. Sindo a été la première association béninoise à « aller chercher le mal à la racine », car, pointe Emma, « ces enfants sont des pépinières, les acteurs de demain ». Depuis plus de vingt ans, les membres de l’association sillonnent les villages reculés à la rencontre de familles pour lesquelles la notion d’éducation sonne creux.

« Je n’ai jamais mis les pieds à l’école, donc je n’ai jamais compris l’importance d’y envoyer mes enfants. Mais Sindo a éveillé nos consciences, livre Yvette, devenue un pilier de Sindo. Maintenant, c’est moi qui passe dans chaque famille de mon village pour les pousser à envoyer leurs enfants à l’école ! »

À chaque rentrée scolaire, les animateurs de l’association aident aussi les familles en distribuant des fournitures scolaires.

Une attention particulière est accordée aux filles, car dès leur plus jeune âge, elles peuvent être exposées au mariage forcé et aux grossesses précoces. Delphine, âgée d’une douzaine d’années, raconte : « C’est au contact des membres de l’association que j’ai compris l’importance d’être éduquée. Et même s’il arrive que l’une d’entre nous tombe enceinte très jeune, nos mères nous encouragent de plus en plus à continuer l’école. »

Mais si la scolarisation dans les villages augmente petit à petit, l’avenir des jeunes reste fragile : « On ne peut pas faire un suivi quotidien des enfants. Comment être sûrs qu’ils vont bien à l’école ? Certaines familles ont besoin d’argent, et elles sacrifient alors le plus souvent leur fille. On ne peut pas changer les mentalités du jour au lendemain », analyse Emma.

En effet, un récent rapport du Fonds des Nations unies pour la population[[L’état de la population mondiale 2016, rapport présenté le 20 octobre 2016 par le Fonds des Nations unies pour la population (UNFP).]] démontre que l’avenir de la génération ODD (Objectifs du développement durable) repose sur les filles âgées de dix ans en 2016. Elles seront au cœur des enjeux d’égalité entre les sexes, de l’accès à l’école, de la santé ou encore de la lutte contre la pauvreté d’ici à 2030. Sans oublier le thème de la sexualité, le prochain cheval de bataille auquel s’attelleront Emma, Robert, Clémentine, Gisèle : « Nous envisageons d’organiser avec les jeunes une campagne de sensibilisation sur les abus sexuels dans les écoles. »

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