Burundi : des jeunes mobilisés contre de nouveaux risques de violences électorales

Publié le 19.11.2013| Mis à jour le 08.12.2021

Formé en 2001, un an avant la fin de la guerre civile, pour fédérer des associations de jeunes, le Réseau des jeunes en action pour la paix (Reja) s’inquiète aujourd’hui des tensions qui montent, avant la présidentielle de 2015.


Des dizaines d’écriteaux sont affichés dans les bureaux du Reja, au premier étage d’un immeuble de Bujumbura, la capitale du Burundi, 10 millions d’habitants. Ces messages, parfois de simples mots-clé, rappellent aux 23 salariés et aux dizaines de volontaires du Reja les trois missions qu’ils mènent de front.

“L’éducation des jeunes à une citoyenneté responsable, la lutte contre le chômage et la prise en compte de nos besoins dans les politiques publiques”, énumère Larissa Kabayabaya Keza, 29 ans, la vice-présidente du réseau.

Le Reja regroupe plusieurs associations de jeunes nées après la “crise politique” de 1993, suivie par neuf longues années de guerre civile.

Les massacres perpétrés par les Hutus (60% de la population) contre les Tutsis, comme au Rwanda voisin, se sont soldés par le résultat inverse. Les Tutsis ne sont plus majoritaires dans l’armée, désormais contrôlée par un président Hutu, Pierre Nkurunziza, élu en 2005 et réélu en 2010. Un système de quotas prévaut désormais dans l’administration.

Malheureusement, la mission du Reja reste d’actualité. Le chef de l’Etat va chercher à l’emporter en 2015 pour un troisième mandat, quitte à modifier la Constitution.
D’ores et déjà, le réseau rappelle les responsables politiques à la raison. Il compile un recueil des priorités pour les jeunes – un terme qu’il préfère à “cahier de doléances”. Un document qu’il va remettre aux différents partis avant les élections.

Tensions à l’université

Il sera question, entre autres, de la situation à l’université. Au Burundi, 66% de la population a moins de 25 ans. Un jeune diplômé passe en moyenne cinq ans au chômage avant de décrocher son premier emploi, à 29 ans. Le Reja se mobilise donc pour donner un accès à des stages : 209 personnes en ont bénéficié, menant à 80 embauches.

Une sélection monstre n’en prévaut pas moins à l’entrée des universités publiques. Avec seulement 10 000 places à Bujumbura et Gitega, la seconde ville du pays, les campus sont bondés. La bourse, 15 euros par mois, n’est accordée aux étudiants des universités privées que s’ils se rendent aux cours le matin – et non le soir, après avoir passé la journée à travailler.

“Il y a des tensions, explique Eric Ndayikengurutse, 39 ans, le coordinateur national du Reja. Toute personne qui revendique est considérée comme un opposant. Lors des dernières manifestations d’étudiants, en octobre, la police a lancé des gaz lacrymogènes et tiré en l’air. Un étudiant est mort à cause d’une balle perdue”.

L’essor inquiétant d’une milice du parti au pouvoir

En 2010, un projet financé par le CCFD-Terre Solidaire et l’Union européenne (UE) a permis de former les jeunes sur deux messages : aller voter et rester non violent. Les partis d’opposition se sont retirés du scrutin en contestant des fraudes.

Le Reja, lui, a continué de dire qu’il fallait voter sans violences. “Le pouvoir a constaté que nous sommes neutres et constants, souligne la vice-présidente du Reja. Les jeunes ne sont pas mobilisés dans les violences. Nous avons eu un impact”.

Les élections de 2015 donnent de nouveaux motifs d’inquiétude. Les jeunes de la ligue du parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), fonctionnent comme une milice.

Leur nom : Imbonerakure, “ceux qui voient loin”. Ils multiplient les intimidations. “Pas une semaine ne se passe sans violences de leur part, raconte Eric Ndayikengurutse. Ils déchirent les drapeaux des autres partis, vont arrêter des gens à la place de la police, demandent aux gens leur carte du parti au pouvoir”.

Le travail en amont, avant les élections de 2015

Comment faire pour éviter les violences ? “Etablir des cadres de dialogue entre les jeunes des différents partis et ceux de la société civile, répond Eric Ndayikengurutse. Nous identifions province par province les conflits latents qui peuvent entraver les élections de 2015”.

Des signes précurseurs de crise font l’objet d’un système d’alerte précoce. Dès la fin novembre, le Reja va réunir les responsables des jeunes des différents partis, mais aussi les ambassadeurs en poste à Bujumbura et les ministres concernés pour leur présenter son rapport.

Le “recueil des priorités” sera remis aux différents partis avant les élections, puis suivi par le Reja avec des rapports annuels sur l’application des politiques préconisées à l’égard des jeunes. “L’avenir du pays”, rappelle Larissa Kabayabaya Keza.

Sabine Cessou

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