Crise alimentaire mondiale
La situation au Sahel du point de vue des partenaires du CCFD

Publié le 20.04.2008| Mis à jour le 08.12.2021

Sénégal – Mauritanie

Ces deux pays à la différence des autres pays du Sahel (Mali, Niger, Burkina) importent plus de 60% de leurs produits alimentaires et ont une production agricole vivrière faible donc soumis aux évolutions du contexte mondial.

1. Sénégal

Eléments d’analyse
D’après l’USE et ASACASE le Sénégal a préféré pendant des années importer du riz (base de l’alimentation locale surtout dans les villes et pour les classes moyennes) au bénéfice des gros importateurs étrangers en lien avec des hautes responsables politiques sénégalais sous prétexte que le prix du riz importé notamment de Thaïlande était moins cher que le riz local produit sur le fleuve et en Casamance.

Or, la Thaïlande qui couvrait un tiers des besoins du continent africain, répond aujourd’hui en priorité aux besoins de la Chine et autres pays d’Asie, cette augmentation de la demande ajoutée aux coûts des transports expliquent l’augmentation du prix du riz importé.

L’habitude de consommation de la baguette par tous les citadins, vu le prix du blé importé, devrait être modifiée au profit de pain produit à partir de nos céréales : mil ou sorgho.

L’absence de politique agricole et d’investissement dans ce secteur depuis vingt ans explique les difficultés pour les paysans de produire du riz irrigué qui aurait pu à moyen terme satisfaire les besoins alimentaires des sénégalais. Les déclarations actuelles du gouvernement en faveur d’une relance des productions locales vont enfin remettre l’autosuffisance au centre des débats.

« La situation actuelle est malgré la souffrance de chaque sénégalais une chance pour que chacun de nous fasse un effort pour produire et consommer sénégalais. »

Propositions :

• L’USE qui travaille en zone rurale auprès de 20 000 paysans mets en avant :

  1. les difficultés de commercialisation pour les producteurs (un lien avec la plateforme de commerce équitable et les escales de Jappo Développement/SIDI a déjà été envisagé).
  2. le montant élevé des redevances fixé par la SAED (société mixte chargée de la gestion du barrage) pour les périmètres irrigués du fleuve serait à l’origine des difficultés d’installation sur les hectares aménagées. Plusieurs actions auprès de la SAED ont déjà été tentées.

• ASACASE souhaite intensifier l’octroi de crédits pour les groupements de riziculteurs en Casamance et pour les micro entreprises qui transforment les produits agricoles (pêche- fruits- séchage de légumes) bien que les risques de non remboursement sont plus importants que dans d’autres secteurs du tertiaire notamment.

• Jappo Dev : la plateforme du commerce équitable pour rapprocher l’offre des producteurs (une dizaine d’organisations concernés) et la demande des consommateurs canalisée au sein des escales (petits restaurants qui permet de former et d’employer des jeunes) devrait contribuer à améliorer la situation des ruraux et des jeunes.

2. Mauritanie

Eléments d’analyse
Deux tiers des Mauritaniens vivent à la capitale. Les espoirs liés aux potentialités pétrolières et le désenclavement  par rapport au Maghreb ont favorisé l’approvisionnement de produits importés du Maghreb et d’Europe -fruits, légumes, semoule de blé etc. consommés par une classe moyenne- et fait monter les prix.

L’amélioration des relations avec le Sénégal a accéléré le commerce existant avec ce dernier : revendeurs de riz, d’huile d’arachide…

Les déceptions sur les potentialités pétrolières, le contexte international (comme pour le Sénégal) et l’absence de politique volontariste pour intensifier la production agricole sur l’autre rive du Sénégal, peuplée de négro-mauritaniens maintiennent la Mauritanie dans un état de dépendance alimentaire.

• Pour Mauritanie 2000, les étudiants et syndicats sont à l’origine des manifestations. Le gouvernement a réagi rapidement et élaboré un plan d’urgence : diminution des taxes douanières, baisse du prix du riz, relance d’un programme « vivres contre travail », mise en place des boutiques communautaire. Il a fixé comme priorité la relance de l’agriculture et de l’élevage…

Certains expliquent la réaction rapide du gouvernement par la volonté d’éviter la récupération du mécontentement par les partis d’oppositions, justifiant ainsi une nouvelle tentative de coup d’état.

• Le GRDR se sent conforté dans ces choix pour augmenter la production agricole concrètement mise en œuvre dans l’actuel programme sécurité alimentaire avec les expérimentations de productions agricole sous serre et le programme transfrontalier Mali- Mauritanie qui a entre autre pour but de faciliter les échanges économiques entre les deux pays.

L’absence d’une réelle politique agricole de la part du gouvernement et la priorité pour certains financeurs de privilégier l’exploitation pétrolière (dont les résultats s’avèrent plus que modestes) conjuguées à la baisse de la production céréalière par les pays du Nord, fragilise encore plus la sécurité alimentaire en Mauritanie.

Propositions
Mauritanie 2000 envisage de contenir les hausses de prix dans les boutiques de produits de première nécessitée créés avec les revenus des femmes transformatrices de poisson et de s’approvisionner dans les boutiques communautaires où les prix sont contrôlés, marginalisant ainsi les petits revendeurs qui ont tendance dans ce contexte à augmenter leurs marges.

Mali – Niger

Eléments d’analyse
Les deux pays ont développé leur production vivrière et rizicole depuis plus de vingt ans, les populations vivent encore en majorité en milieu rural, la dépendance aux produits alimentaires importés notamment pour les céréales est moins importante. Il en résulte une hausse des prix des produits alimentaires plus contenue, même si les urbains en subissent plus les effets vu les coûts de transport et la tendance de certains commerçants à diminuer l’offre céréalière existante en exportant dans les pays voisins (Sénégal – Nigéria) pour faire augmenter les prix.

Le Gouvernement malien vient d’interdire toutes exportations céréalières sur les pays voisins et baisser les tarifs douaniers pour les autres produits.

De l’avis de Djoliba, il n’y a pas de forte contestation à ce jour, mais chacun se sent bien un peu responsable puisque nous fonctionnaires avons délaissé les produits de l’agriculture locale et avons tendance à consommer les produits importés.

• Pour Afrique verte, AOPP la situation actuelle

  • conforte les choix effectués depuis plus de 15 ans par ces organisations pour accompagner les paysans pour produire (semences, engrais, irrigation), organiser les échanges céréaliers, diversifier, transformer les produits alimentaires ;
  • montre que les ONG ne peuvent pas tout faire et que l’Etat et les gros bailleurs ont leur part de responsabilité en ayant démantelé les services agricoles et libéralisé le secteur.

L’élaboration de politique agricole au niveau régional est plus que nécessaire. Des milliers d’hectares sont inexploités sur les deux rives du Niger , mais les Etats sont en train de les vendre à des investisseurs privés pour faire des agrocarburants plutôt que de les confier à des paysans, sous prétexte que ces derniers ne peuvent pas payer les redevances liés à l’irrigation. Les financeurs institutionnels Banque mondiale, Agence française de développement ne souhaitaient plus soutenir la construction de périmètres irrigués dans la mesure où le riz produit coûtait plus cher que le riz importé.

• La région d’Agadez est particulière : l’état d’exception de la zone est maintenu, les transports sont bloqués ou sous escorte militaire. Il en résulte des difficultés pour écouler les produits maraîchers donc des revenus pour acheter des céréales, et la disparition des recettes liés au tourisme. Un programme spécial est menée avec l’UNICEF, les communes par AMASSA pour approvisionner la zone en céréales. La région d’Agadez reste cependant structurellement moins pauvre que d’autres régions du Niger.

Propositions
• Un programme spécial est menée avec l’UNICEF, les communes par AMASSA (Afrique verte – Niger ) pour approvisionner la zone en céréales.

• Un débat sur la sécurité alimentaire devrait être organisé rapidement par Djoliba avec l’appui des deux associations : AOPP-ACSSA (Afrique verte).

• L’AOPP souhaite organiser une rencontre pour les organisations paysannes de l’Afrique de l’Ouest sur les agrocarburants avant la fin 2008 pour que celles-ci aient une position commune comme elles l’ont fait pour les OGM.

• Le collectif Droit à l’alimentation du Niger avec Mooribeen FUCOPRI travaille sur la prévention des crises alimentaires.

Note de synthèse réalisée par Michèle Coste,
chargée de mission Afrique sahélienne au CCFD.

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