Crise post électorale en Côte d’ivoire

Publié le 10.03.2011| Mis à jour le 15.01.2022

 

La Convention de la société civile ivoirienne (CSCI), partenaire du CCFD-Terre Solidaire depuis plusieurs années,  est une plateforme, la plus importante et la plus fédératrice en Côte d’Ivoire, qui regroupent des organisations de la société civile d’horizons très divers, indépendantes des partis politiques, qui souhaitent contribuer au débat public et à la défense de l’intérêt général : ONG, organisations de défenses des droits de l’homme, organisations professionnelles, centrales syndicales, organisations confessionnelles, organisations communautaires de base.

 

Elle vient de publier la première partie de son rapport d’observation sur le processus électoral en Côte d’Ivoire. La CSCI

Depuis 2008, la CSCI se mobilise dans l’observation des différentes phases du processus électoral : constitution des listes électorales, campagne électorale, observation du scrutin, analyse des résultats. Avant les élections, la CSCI a organisé une grande concertation entre les organisations de la société civile qui a débouché sur des propositions citoyennes concrètes à destination des candidats à l’élection présidentielle (Journées du consensus national, soutenu par le CCFD-Terre Solidaire).

Lors des élections présidentielles de 2010, la CSCI en collaboration avec le RAPROJECI (réseaux d’organisations des jeunes, également soutenus par le CCFD-Terre Solidaire) a déployé 1 100 observateurs sur l’ensemble du territoire, et mené un travail minutieux d’observation selon des standards internationaux. Les observateurs ont aussi collecté tous les résultats des votes locaux qu’ils ont ensuite comparé, au niveau national, avec les résultats annoncés par la Commission électorale indépendante (CEI).

Ces élections présidentielles ont mis la CSCI face à un défi majeur. Il s’agissait pour elle de jouer un rôle, décisif, d’observateur national et de livrer une appréciation objective du processus électoral en cours. Il s’agissait aussi de maintenir en son sein un certain consensus lui permettant de porter une parole collective sur la situation.

Cependant, la violence de la crise politique qui a suivi les élections n’a pas épargné la CSCI et les organisations membres de la plateforme n’ont pas toujours su se tenir à l’écart des positions partisanes. La CSCI a du canaliser les débats internes qui sortaient du cadre de la neutralité politique qu’elle s’était assignée. Certains membres craignaient également d’être estampillés « pro-Ouattara » ou « rebelle » et de subir des représailles.

Toutes ces difficultés ont affecté le travail de la CSCI et expliquent que le rapport d’observation des élections n’ait pas été diffusé plus tôt. Ce rapport présente cependant l’intérêt d’être l’expression d’une voie de la société civile ivoirienne qu’on entend peu aujourd’hui. Il montre que la crise ne se réduit pas au combat de la Côte d’Ivoire contre la Communauté internationale comme tente de le faire croire le camp de Laurent Gbagbo, qu’Alassane Ouattara n’est pas simplement le Président « reconnu par la Communauté internationale » mais surtout, quoiqu’on pense de l’homme, le président élu par les ivoiriens. Ce rapport rappelle ce que la stratégie de pourrissement du camp Gbagbo essaie de faire oublier, à savoir que des élections présidentielles se sont tenues dans de bonnes conditions, que les ivoiriens ont adhéré au processus électoral, qu’ils se sont déplacés massivement pour voter et que la majorités d’entre eux a voté pour Alassane Ouattara.

Crise politique et dégradation de la situation humanitaire

La Côte d’Ivoire est de nouveau plongée dans une crise politique grave depuis les élections présidentielles de novembre 2010 et le refus du Président sortant, Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir malgré sa défaite. La communauté internationale – Union Africaine (UA), Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ONU, Union Européenne et Etats Unis – a reconnu la victoire d’Alassane Ouattara et décidé d’un ensemble de sanctions visant à « asphyxier » le camp Gbagbo (sanction financières et commerciales, gels des avoirs et visas de certaines personnalités, suspension de la CEDEAO, …). L’économie du pays se délite peu à peu, les banques ont fermé leurs portes créant une crise des liquidités, le chômage a explosé, dans les villes en particulier. Les très vives tensions entre les deux camps en présence compromettent la circulation des biens et des personnes à l’intérieur du pays. Les circuits de production et de commercialisation agricole s’en trouvent désorganisés, les récoltes pourrissent sur pied ou sont vendues au rabais et les paysans risquent de manquer de semences pour les prochaines campagnes agricoles. L’accès aux soins est de plus en plus difficile : l’insécurité et les difficultés de déplacements ne permettent plus au personnel médical de faire son travail et les circuits d’approvisionnement en médicaments sont rompus. Beaucoup d’écoles publiques, dans le Nord, le centre et dans l’ouest surtout, sont fermées depuis plusieurs mois : les enfants retournent aux champs, trainent dans les rues ou sont accueillis dans les écoles privées aux classes bondées. Dans tout le pays, bien que les situations soient très différentes suivant les régions, les ivoiriens doivent faire face à une dégradation quotidienne de leurs conditions de vie, une crise humanitaire se profile.

Multiplication des atteintes aux droits de l’homme :

Les ivoiriens n’ont plus la liberté d’aller et venir à l’intérieur du pays, ni dans certaines villes où des barrages ont été édifiés un peu partout sur les routes par des militaires ou par des milices, au risque d’être dépouillés en toute impunité de leurs biens ou violentés.

Ils n’ont plus la liberté d’exprimer leurs opinions, comme le montrent les menaces qui pèsent sur certains de nos partenaires ou encore les répressions dont font l’objet les manifestations. Le 3 mars dernier à Abidjan, six à huit femmes qui manifestaient pacifiquement leur soutien à Ouattara ont ainsi été tuées.

Les populations civiles sont aussi, tous les jours, les victimes collatérales des conflits armés qui opposent les Forces de sécurité loyales au Président sortant et les Forces rebelles. C’est le cas, dans l’ouest, où les affrontements entre factions armées, ont jeté sur les routes des dizaines de milliers de civils fuyant les combats. A Abidjan, les habitants de quartiers précaires comme Abobo où s’affrontent quotidiennement FDS (Force de défense et de sécurité) et groupes pro-Ouattara quittent leurs habitations pour trouver refuge dans des quartiers moins dangereux de la ville. Même chose à Tiebissou, un peu au Sud de Bouaké où plus d’un millier de personnes se sont réfugiées dans des familles elles-mêmes déjà très pauvres.

Depuis le début de la crise, plus de 350 personnes ont été tuées selon un rapport de l’ONU des personnes ont été arbitrairement arrêtées, d’autres ont disparues. Depuis la publication d’un communiqué de presse où, avec l’ACAT-France et le Secours Catholique, le CCFD-Terre Solidaire dénonçaient ces violences, la situation n’a cessé de se dégrader et aucune réponse internationale n’a été mise en œuvre. La communauté internationale tarde à remplir ses engagements pour protéger les civils, aucune pression émanant de l’extérieur n’a permis de résoudre la crise.

Nos partenaires au quotidien

Leur situation est très différente selon qu’ils se trouvent à Abidjan, à l’Ouest ou au Nord, en ville ou dans les campagnes ou selon qu’ils travaillent avec les populations ou interviennent directement dans le débat public. Certains de nos partenaires continuent de travailler tant bien que mal, en particulier au Centre ou au Nord. Beaucoup d’inquiétudes persiste quant à la précarité de la situation et au risque d’embrasement et de désastre humanitaire. A Abidjan, certains de nos partenaires ont du interrompre leurs activités rendues impossibles par la crise et l’insécurité. Certains ont réorienté leurs activités vers l’urgence et vers la réponse aux besoins de première nécessité des populations. A l’Ouest, des villes comme Duékoué ont été le théâtre d’affrontements armés. La situation sécuritaire de certains de nos partenaires eux-mêmes est parfois délicate : ceux qui prennent part au débat public sont pris à parti, insultés et parfois menacés ; ceux qui habitent ou travaillent dans des quartiers dangereux, subissent l’insécurité qui est le lot de toute la population.

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