EDF assigné en justice pour ses activités au Mexique

Publié le 29.12.2020| Mis à jour le 10.12.2021

Le 13 octobre 2020, des défenseurs des droits humains de la communauté autochtone du village d’Unión Hidalgo, au sud du Mexique, ont assigné EDF en justice avec l’association mexicaine ProDESC et le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains, établi à Berlin. Le contentieux porte sur le projet Gunaa Sicaru d’implantation d’un champ d’éoliennes aux dimensions industrielles, sans consultation préalable de la population.

Si ce projet voit le jour, 115 éoliennes, culminant à 70 ou 80 mètres de hauteur, pourraient « a priori » être implantées demain à proximité des habitations, tout autour du village. « A priori », car, comme le souligne Guadalupe Ramirez, l’une des plaignantes, la population n’a pas son mot à dire sur ce projet : « Nous sommes souvent les derniers informés des avancées des projets. Par exemple, EDF a décidé au dernier moment, sans rien nous dire, de modifier le nombre et la hauteur des mâts du parc. Comment l’entreprise peut-elle prétendre se soucier du développement d’Unión Hidalgo de cette manière ? »

Ce manque d’information est d’autant plus inquiétant que les personnes critiques à l’égard du projet se voient intimidées, insultées et même menacées de mort… dans une région où des opposants à ces champs d’éoliennes ont déjà été assassinés [[En juin 2020, le quotidien britannique The Guardian rapportait le meurtre de 15 personnes, tuées pour s’être opposées à un projet éolien affectant une lagune et ses abords, utilisés pour la pêche et l’agriculture.]].

Les défenseurs d’Unión Hidalgo, ProDESC et le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains ont donc assigné EDF en justice. Ils exigent que l’entreprise suspende son projet tant que les populations n’ont pu donner leur consentement libre, préalable et éclairé et tant que des menaces continuent de peser sur les défenseurs de la communauté.

Une première

C’est la toute première action en justice, initiée en France, par une communauté indigène en Amérique latine. L’assignation en justice s’est faite en invoquant la loi sur le devoir de vigilance. Adoptée en France en 2017, cette loi, pour laquelle le CCFD-Terre Solidaire s’est fortement mobilisé, impose à toutes les grandes entreprises françaises de respecter les droits humains et l’environnement dans toutes leurs activités, que ce soit en France ou à l’étranger.

Or, dans le cas d’Unión Hidalgo, EDF a violé le droit international et la Constitution mexicaine en signant des contrats de fourniture d’énergie et des contrats d’usufruit sur des terres communales avant d’avoir obtenu le consentement des communautés autochtones.

L’entreprise a également failli dans l’identification des risques et la mise en oeuvre de mesures de protection des communautés. Cherchant à se parer des vertus de la participation, elle a organisé a posteriori des « consultations ». Mais ces consultations de façade ont été biaisées, comme en témoigne Guadalupe Ramirez : « Une “consultation” a été organisée autour de ce projet, mais bien loin des standards internationaux, notamment ceux de l’Organisation internationale du travail. Il s’agissait de réunions rassemblant 400 personnes au plus, se prétendant représentatives d’une population de 14 000 personnes ! Des crieurs étaient payés pour couvrir nos voix et nous empêcher de nous exprimer. »

L’Etat français, actionnaire majoritaire d’EDF

En vertu de la loi sur le devoir de vigilance, c’est à des juges français de se prononcer sur le respect, ou non, des droits humains par EDF à Unión Hidalgo. En effet, cette loi impose à EDF de s’assurer que ses filiales et partenaires commerciaux à l’étranger respectent bien les droits humains dans toutes leurs activités. Les juges français pourraient donc, enfin, contraindre EDF à respecter la loi mexicaine et le droit international, et à modifier ses pratiques en conséquence.

Dans les prochains mois, des auditions vont avoir lieu au tribunal judiciaire de Paris. Le CCFD-Terre Solidaire va accompagner les plaignants et les associations dans cette procédure, pour faire connaître leur juste combat. Nous allons en outre solliciter le gouvernement, les ministères et les députés à l’Assemblée nationale. Car l’État français, actionnaire majoritaire d’EDF, avec 83 % de son capital, ne peut pas se rendre complice de ces violations aux droits humains.

L’indispensable transition écologique ne peut se faire en violant les droits des populations, les législations locales et le droit international. C’est au nom de cette conviction que le CCFD-Terre Solidaire soutient les justes revendications de la communauté d’Unión Hidalgo.

Par Swann Bommier, chargé de plaidoyer régulation des multinationales

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