La Loi Pacte va-t-elle rendre les entreprises plus responsables ?
Le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) met l’accent sur la croissance et le développement des entreprises. Ce projet de loi gouvernemental évoque aussi la responsabilité des acteurs économiques vis-à-vis de la société. Mais cette loi peut-elle aller au-delà des bonnes intentions ?
Swann Bommier, chargé de plaidoyer Régulation des multinationales au CCFD-Terre Solidaire apporte son éclairage.
Qu’est-ce que le projet de loi « Pacte » ?
Swann Bommier : À la rentrée 2018, le Parlement doit examiner le projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). Ce plan d’action affiche pour objectif de « permettre la croissance et le développement des entreprises », ce qui « passe notamment par une transformation du modèle d’entreprise français pour l’adapter aux réalités du XXIe siècle ».
Le CCFD-Terre Solidaire et ses alliés s’intéressent en particulier au chapitre intitulé « Des entreprises plus justes », qui se divise en deux sections :
- « Mieux partager la valeur » et
- « Repenser la place des entreprises dans la société ».
Que propose ce projet de loi en matière de responsabilité des entreprises ?
Le projet de loi Pacte fait suite au rapport Notat-Senard, qui portait des réflexions visant à redéfinir ce qu’est une entreprise. Sans être une révolution, ce rapport formulait des propositions acceptables à la fois par les syndicats et par le patronat. Il suggérait notamment d’intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans la définition de la société commerciale.
En effet, les articles 1832 et 1833 du Code civil, rédigés il y a plus de 200 ans, donnent l’impression que l’entreprise fonctionne « hors-sol », sans tenir compte de l’environnement dans lequel elle s’insère : les employés, les fournisseurs, les clients, la collectivité, le gouvernement, mais aussi la biodiversité, le climat, etc.
Finalement, le projet de loi a conservé peu de recommandations du rapport Notat-Senard, pourtant assez consensuel. Très « guerrier » dans sa vision, le projet de loi Pacte se concentre sur le défi de « renouer avec l’esprit de conquête économique ». Et l’action des entreprises n’est pas définie en termes de responsabilité, de redevabilité vis-à-vis des différentes parties prenantes et de l’environnement.
Quelle approche défend le CCFD-Terre Solidaire ?
La loi sur le devoir de vigilance, pour laquelle le CCFD-Terre Solidaire s’est beaucoup mobilisé, reconnaît que les entreprises multinationales sont responsables de leurs impacts sociaux et environnementaux tout au long de leur chaîne de valeur. Elles doivent en conséquence adopter un ensemble de procédures, stratégies, pratiques, pour ne pas être complices de violations des droits humains et environnementaux. La loi Pacte doit s’inscrire dans le prolongement de cette loi sur le devoir de vigilance.
Lire notre dossier : Neuf questions sur la nouvelle loi française sur le devoir de vigilance des entreprises
D’après nous, repenser le rôle et la responsabilité des entreprises vis-à-vis de la société passe par la création d’un cadre institutionnel et juridique spécifique qui contraigne les entreprises à définir leur stratégie à l’aune des défis sociaux, économiques, environnementaux et politiques contemporains.
En d’autres termes, nous demandons que les entreprises prennent en compte les impacts sociaux et environnementaux de leur activité, et cela tout au long de la chaîne de valeur.
Au-delà du monde de l’économie sociale et solidaire, de nombreuses TPE et PME envisagent déjà cet impératif de responsabilité comme un outil de compétitivité, de revalorisation des circuits courts, et sont très réceptives à nos propositions.
Comment le CCFD-Terre Solidaire compte-t-il se faire entendre ?
Nous avons rencontré le cabinet du ministre de l’Économie et des Finances, mais cela est intervenu tardivement dans un calendrier très serré. Nous misons surtout sur les députés.
Fin juillet 2018, avec les autres membres du Forum citoyen pour la RSE, nous serons auditionnés par la Commission spéciale chargée de l’évaluation de la loi à l’Assemblée nationale, avant l’étude du projet de loi en hémicycle mi-septembre.
Le rapport de forces ne joue pas en notre faveur : toute idée d’intégrer dans la loi la notion « d’impact » ou de « chaîne de valeur » va se heurter aux lobbies patronaux, auxquels les parlementaires de la majorité sont assez sensibles.
Mais le fait que le projet de loi Pacte comporte une section intitulée « Repenser la place des entreprises dans la société » nous incite à nous battre pour que cette loi s’interroge réellement sur la façon dont les entreprises rendent compte de leurs actions en termes de solidarité, d’équité, et de protection des biens communs.
Propos Recueillis par Raphaël Mège
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