L’action publique, un levier indispensable pour améliorer la sécurité alimentaire au Sahel

Publié le 17.12.2014| Mis à jour le 29.11.2021

Demba Sow est un jeune ingénieur agronome fort d’une expérience d’une douzaine d’années dans la coordination de projets sur la sécurité alimentaire au Sahel mené par des ONG. Coordinateur du programme inter-pays Dialogue Politique Concerté sur la Sécurité Alimentaire, il se bat pour que l’action publique des Etats contribue réellement à améliorer la sécurité alimentaire dans les cinq pays concernés par le projet : le Mali, le Niger, le Sénégal, la Mauritanie et le Burkina Faso

D’où vient votre investissement sur ce projet ?

La sécurité alimentaire, l’agriculture, et le rôle de l’action publique sont des questions qui me préoccupent. Je suis moi-même issu d’une famille d’agriculteurs sénégalais très modeste. J’ai étudié à l’école d’ingénieur d’agro économie (ENSA) de Thiès au Sénégal. Avant d’être coordinateur du programme Diapoco, j’ai beaucoup travaillé sur des projets techniques de sécurité alimentaire, notamment pour le GRDR. Mon expérience m’a amené à la conclusion qu’il était nécessaire, voire indispensable, d’agir au niveau politique. C’est pourquoi j’ai participé à la conception et à la préparation de ce projet.


Pourquoi est-ce nécessaire d’agir au niveau politique pour améliorer la sécurité alimentaire dans les pays du bassin du fleuve Sénégal?

Si l’aide des ONG pour la politique agricole et alimentaire se chiffre en millions, il faut savoir que le budget des Etats, lui, se chiffre en milliards. Les États reçoivent des financements internationaux très importants dans ce domaine. L’affectation des budgets fait donc l’objet de choix politiques. Or, aujourd’hui, on constate que les petits producteurs ne reçoivent quasiment aucune aide, au regard de leur poids démographique. Même les subventions à l’agriculture familiale peinent à arriver sur le terrain. Et la réalisation des infrastructures se fait attendre. Il est donc important de comprendre comment les États orientent leurs ressources et prennent en compte les besoins des acteurs à la base. C’est pourquoi, l’analyse des politiques publiques existantes constitue l’un des axes important du projet.

« Une politique publique est indispensable pour jouer un rôle redistributeur »

Comment avez-vous pris conscience de l’importance d’une politique publique sur les questions de sécurité alimentaire ?

En Mauritanie par exemple, j’ai travaillé sur des projets d’accès à l’eau ; un problème plus complexe qu’il n’y parait. D’un côté, les paysans sont confrontés à la sécheresse : il pleut de moins en moins, et sur des périodes plus courtes, comme cela a encore été le cas pendant l’hiver 2014. Il faut donc parvenir à mieux capter et gérer l’eau et investir dans des infrastructures permettant de retenir l’eau, ce qui exige une politique publique volontariste.
D’un autre côté, les points d’accès à l’eau notamment le foncier attenant est souvent contrôlé par de petites oligarchies locales. Là aussi, une politique publique est indispensable pour pouvoir agir sur les questions de sécurité alimentaire, et assurer un rôle redistributeur.


On parle aussi beaucoup de la question de l’accaparement des terres. Les États jouent-ils un rôle dans ce domaine ?

Oui, la question foncière est cruciale en matière de sécurité alimentaire, et la politique publique joue un rôle important. En ce moment, on constate que certains États allègent leurs dispositifs législatifs pour faciliter l’accès aux gros investisseurs. Or, ces accords entre l’Etat et les investisseurs, bien souvent des multinationales, se font sans consultation préalable et sans que les populations locales en soient informées. Pour les propriétaires ou habitants de ces terres, il est vital de pouvoir faire entendre leurs voix auprès de l’État.

« Mieux faire connaître les revendications de petits paysans »

Comment travaillez-vous avec les producteurs ?

La première étape de notre projet est d’établir des alliances au niveau local, et au niveau national. Le projet ne vise pas à encadrer mais à faciliter et à s’appuyer sur l’existant. Depuis plusieurs mois nous rencontrons les organisations de producteurs de ces régions très isolées pour les informer des enjeux du projet et commencer à travailler ensemble. Nous appuyons aussi la création d’alliances avec les fédérations nationales d’organisation paysannes qui existent depuis les années 90. Ces fédérations ont un bon niveau d’expertise, avec des personnes ressources intéressantes. Mais elles sont vite un peu éloignées de leur base, en particulier dans ces régions isolées. Aujourd’hui, quand un producteur a un problème, il ne sait en général pas à qui s’adresser pour relayer sa préoccupation. Le projet fait appel à l’expertise des fédérations et à leurs consultants et les met en contact avec les organisations de petits producteurs de ces régions. L’idée est aussi de faire émerger de nouvelles personnes ressources issues des organisations de base pour leur permettre de mieux s’organiser et de faire connaître leurs revendications. A chaque fois nous établissons des chartes de collaboration qui rappellent les enjeux du projet.


Comment faire pour améliorer les capacités de dialogue politique des petits paysans ?

Une dimension importante du projet concerne la capitalisation des expériences. Pour améliorer leur capacité de dialogue politique, les producteurs doivent apprendre à faire part de leur expérience dans leur exploitation. Un travail d’inventaire des initiatives des petits producteurs est mené pour capitaliser les plus intéressantes, et les ré-éprouver. Cela peut concerner des initiatives de type bourses de céréales, aménagement commun, entreprises de transformation de produits alimentaires, etc. La capitalisation permet d’analyser les effets positifs de ces initiatives et de voir comment les intégrer dans les plaidoyers nationaux. Si une expérience a bien réussi au Mali, des paysans du Burkina Faso peuvent aussi vouloir la répliquer. L’objectif est de permettre aux organisations locales d’identifier ce qui pourra changer.
En juin 2015, des ateliers transfrontaliers sont prévus pour une analyse croisée des politiques nationales. Quelles sont les similitudes, les divergences, l’impact d’un pays l’un sur l’autre.
Nous avons aussi lancé un processus de partenariat avec des radios communautaires locales.
C’est très important dans l’idée de diffuser l’information sur les différentes initiatives et expériences existantes, ou faire connaître les acteurs vers lesquels les producteurs peuvent se tourner. Susciter le débat dans toute la région du bassin du fleuve Sénégal fait partie intégrante du projet.

Propos recueillis par Anne-Isabelle Barthélémy

Pour en savoir plus sur le projet Diapoco, lire aussi :
Comment renforcer le dialogue politique concerté sur la sécurité alimentaire au Sahel ?

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