© Fanny Cheyrou

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L’agroécologie vue de Colombie : un tremplin vers la paix

Publié le 22.01.2020| Mis à jour le 12.01.2022

La vallée du Cauca, au sud-ouest de la Colombie est une zone reculée où la guérilla a durement sévi pendant la guerre civile. L’agroécologie est aujourd’hui au cœur de la dynamique d’un processus de paix fragilisé.


erminsu_david_pabon_b_-_imca.jpgErminsu Ivan David Pabon est directeur de l’Imca (Instituto mayor campesino) en Colombie. L’association soutenue par le CCFD-Terre Solidaire et l’AFD cherche à améliorer les conditions de vie des paysans en développant l’agroécologie.

Qu’est-ce que l’agroécologie pour vous?

L’agroécologie pour nous, c’est avant tout un projet de vie.
C’est un modèle de développement qui met la préservation de la nature et la défense de la vie, y compris celle de l’être humain, au centre des préoccupations.
Elle prend en compte la conservation de l’eau, des sols et la production d’aliments sains, pour un accès à tous, sans détériorer l’environnement.
L’agroécologie, c’est aussi la défense de notre patrimoine culturel paysan : les semences, la gastronomie et la façon de préparer les aliments.
A travers des rencontres intergénérationnelles, nous récupérons ces pratiques de façon immatérielle afin qu’elles puissent se transmettre.
Certaines sont documentées d’autres simplement transmises.
Notre vision est intégrale dans le sens où elle ne se réduit pas à la terre et à l’alimentation.
L’agroécologie est bien plus qu’une technique de production. C’est un projet social et politique qui part du collectif et de l’individuel et qui entend impliquer toute la société.
Aujourd’hui, produire autrement, sans produits chimiques et toxiques, est devenu vital.
Nous devons protéger la terre et, en même temps, défendre un modèle de vie et de développement qui ne soit plus un modèle de destruction et de mort.

Concrètement, comment accompagnez-vous à l’agroécologie?

Nous sommes aux côtés des paysans dans leurs fermes.
Nous les accompagnons dans leur production de café bio, d’aliments, de fruits…
Ces produits sont au départ destinés à nourrir la famille puis ensuite ils s’échangent sur les marchés locaux.
Certains sont vendus dans les circuits du commerce équitable, d’autres sont même exportés.
Nous ne rejetons pas d’emblée l’exportation.
Elle est pour nous une option valable si elle s’inscrit dans un processus de commerce équitable qui permet de faire vivre une famille, voire même toute une communauté de familles.

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Quelle est la place de l’agroécologie dans le processus de paix en Colombie ?

Beaucoup d’anciens combattants étaient des paysans.
En parallèle, les consciences s’éveillent sur les causes du mal-être rural en Colombie. En effet, le modèle productiviste et intensif ne fait qu’appauvrir les paysans.
Ceux-ci se rendent bien compte que l’agroécologie est une alternative pour eux.
Nous mettons donc en relation des ex-guerilleros avec des coopératives de producteurs d’agroécologie.
Ainsi le processus de paix, la réforme rurale et l’agroécologie sont intimement liés.
L’agroécologie permet ainsi de se réconcilier avec son entourage, avec la terre et avec notre façon de vivre.
D’ailleurs, dans le processus de paix, il y a un important volet sur la réconciliation.

Qu’en est-il aujourd’hui de la mise en œuvre de l’accord de paix ?

La signature de l’accord a été positive. Elle a suscité une vraie espérance et un désir de changement.
Mais sa mise en œuvre est très difficile.
Les réalisations concrètes sont très maigres et l’insatisfaction est élevée.
La société veut la paix mais elle reste polarisée entre les pour les contre l’accord.
Certains veulent en finir avec la guerre, d’autres veulent la pénalisation des anciens combattants…
Cette polarisation est très forte et fragilise le pays.
Il existe des risques que les anciens combattants reprennent les armes.
Le fond du problème est qu’il n’y a pas de réelle volonté politique pour une mise en œuvre concrète de l’accord.
L’accord de paix devait de plus bénéficier à la population rurale.
Rechercher la paix, ce n’est pas seulement régler la situation des anciens combattants.
Aujourd’hui, les paysans n’ont toujours pas de routes, ni d’électricité, d’écoles, de postes de santé…
Or ces points avaient été signés dans l’accord.
C’est une dette que le pays a envers sa population rurale. Les décrets et lois sur la question rurale ne sont pas présentés au parlement ou alors ils ne sont pas financés.

Lire aussi
: La mort malgré la paix en Colombie

Reste-t-il néanmoins des raisons d’espérer ?

Oui, en tant qu’organisation de la société civile, nous faisons bien sûr le pari de la paix ! La construction de la paix est une option que nous ne lâcherons pas car la paix est un bien universel.
Ce que nous arrivons à faire, nous le faisons grâce aux financements privés comme celui du CCFD-Terre Solidaire ou d’organismes de coopération internationale.
Au-delà des financements, ces organismes peuvent aussi faire pression sur le gouvernement colombien afin qu’il respecte la mise en œuvre de l’accord. De notre côté, nous faisons aussi un peu de lobby mais nous n’avons pas le même poids !

Propos recueillis par Violaine Plagnol

L’Imca est membre du programme mondial Tapsa mené par le CCFD-Terre Solidaire pour promouvoir la transition agréocologique et soutenu par l’Agence Française de Développement.
Dans ce cadre, nous soutenons les activités productives des communautés paysannes avec l’installation de petites unités de production de fertilisants organiques et biopesticides (« biofábricas »).
L’Imca élabore également des outils de planification territoriale participatifs qui placent les habitants au centre de la prise de décision.

L’Imca travaille dans des anciennes zones de guérilla, très isolées, où la présence de l’Etat est quasi inexistante. Depuis la signature de l’accord de paix, les anciens combattants reviennent. « Sans l’appui du CCFD-Terre Solidaire, nous ne pourrions pas accompagner ce processus de retour à la paix. »

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