Le partenariat homme-femme pour plus d’égalité

Publié le 20.02.2011| Mis à jour le 08.12.2021

« La différenciation hommes-femmes nous structure », rappellent les psychologues et l’Église. Mais comment veiller à ce que cette différenciation naturelle n’enferme pas les hommes et les femmes dans des rôles stéréotypés, et surtout ne serve pas à justifier l’inégalité de droits ou la violence ? Le partenariat hommes-femmes peut-il contribuer au développement ?


Ce samedi 19 mars, à Villers les Nancy, un millier de personnes se pressent au Festival de la solidarité « La Terre n’a plus de frontières… et la solidarité ? » organisé par les quatre délégations de la région Lorraine à l’occasion du 50eme anniversaire du CCFD-Terre Solidaire. Au menu, carrefours, ateliers d’animation, cérémonie, concerts… Mais ce jour-là, ce qui retient particulièrement l’attention c’est l’un des deux thèmes mis en avant : L’évolution des rapports hommes-femmes pour plus d’égalité.

« Malgré le fait que la relation hommes-femmes figure dans le rapport d’orientation de l’association, ce thème est encore peu relayé dans le réseau »  constate Odile Delhaye, membre de la délégation diocésaine des Vosges. Le choix des régions Alsace et Lorraine de ce thème, comme axe de travail prioritaire pour les quatre ans à venir, fait donc figure de pionnier, même si d’autres régions se sont investies  dans cette thématique [[Une thématique portée au niveau du réseau, comme le montre l’accueil des partenaires qui travaillent sur ces enjeux. Cette année en Bretagne, en région Paca, en Midi-Pyrénées, en Normandie et dans le Pas-de-Calais.]]. « Nous l’avons choisi aussi parce qu’en France, autour de nous, les femmes sont très concernées par la précarité. »

Pour débattre de l’impact des relations hommes-femmes sur le développement, la délégation lorraine a réuni, autour d’une table ronde, Sophie Havyarimana de l’ONG burundaise Acord, Marc Traoré du centre Djoliba au Mali, Angelica Lopez de l’association Colectiva Actoras de Cambio au Guatemala, ainsi que des acteurs locaux : Claudine Renard, directrice du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles des Vosges (Cedif) et une élue de la ville de Nancy.

« Trop de projets de développement agricole laissent les femmes de côté en les privant parfois de leur travail et de leur rôle » commence par expliquer Sophie Havyarimana d’Acord, qui s’est fixé, comme objectif, la consolidation de la paix sociale au Burundi.  Elle souligne l’importance, dans l’accompagnement des ménages vers l’autonomie, d’associer les femmes aux choix. « Pour le retour des réfugiés par exemple, et leur réinstallation sur des marais aménagés, nous avons insisté afin qu’hommes et femmes deviennent propriétaires. »

Il ne faut pas hésiter d’ailleurs à cibler les filles, même si la problématique n’est pas absolument visible, comme dans le cas de la démobilisation des enfants soldats : « Sur trois cent soixante enfants que nous avons accueillis, raconte Sophie, il n’y avait que six filles. Or, nous savions qu’elles étaient plus nombreuses. Après recherche, nous en avons trouvé cent quatre-vingts ! » L’association leur a proposé un accompagnement médico-psychologique et surtout des formations : « Offrir les mêmes opportunités d’apprentissage est un moyen de construire les relations hommes-femmes. »

La formation, pilier d’un développement équilibré

Autour de la table, la nécessité de former les femmes pour améliorer leur situation socio-économique et prévenir les violences fait consensus. Y compris dans les Vosges où le Centre d’information pour le droit des femmes propose depuis longtemps des formations professionnelles.

Marc Traoré, du centre Djoliba au Mali, évoque une donnée qui peut paraître surprenante mais qui est devenue un cas d’école de santé publique : « Si vous voulez faire baisser la mortalité maternelle et infantile dans un village, les statistiques montrent que la construction d’une école a un impact plus important qu’un centre de santé ». Parce qu’une jeune fille instruite apprendra les règles d’hygiène de base, sera plus âgée au moment de son premier accouchement et aura moins d’enfants. « C’est quand les hommes comprennent que l’amélioration de la situation des femmes leur bénéficie, aussi, qu’ils évoluent et que les changements perdurent » souligne Sophie Havyarimana.

« Lorsque le mari s’aperçoit que sa femme instruite peut contribuer à payer les médicaments pour les parents âgés mais aussi les frais de scolarisation des plus jeunes, son regard change. La femme devient plus écoutée et partie prenante des décisions. »

Les hommes ont eux aussi leur rôle à jouer pour améliorer le sort des femmes… « Nous avons trop occulté les hommes dans la lutte contre l’excision, en partant du principe que ce sont les femmes qui excisent et décident du moment de le faire » explique Marc Traoré, lui-même traumatisé à l’adolescence lorsque sa cousine mourut à l’âge de quinze ans des suites de son excision. « J’entends encore ses cris, avoue-t-il. Plus tard, j’ai interdit à ma mère d’exciser mes filles, mais j’ai senti qu’elle allait le faire quand même. Il a vraiment fallu que je me mette en colère pour qu’elle y renonce. »

Une approche basée sur les droits de l’homme

Malgré les campagnes de sensibilisation menées depuis des années dans les villages du Mali sur les conséquences de l’excision (infections, incontinence, douleurs, frigidité, stérilité, et parfois mort), la pratique y persiste encore à environ 80 %. « L’hygiène des exciseuses s’est améliorée et les filles sont excisées bébés, ce qui donne l’impression qu’elles souffrent moins » explique Marc. Le centre Djoliba privilégie désormais une approche basée sur les droits : « Les parents peuvent-ils prendre une décision concernant l’intégrité physique de l’enfant ? Si l’enfant devient stérile, les parents ne sont-ils pas responsables ? »

Le droit et la responsabilité sont aussi indispensables pour lutter contre ces autres violences qui meurtrissent les femmes dans leur chair et dans leur âme. Angelica Lopez raconte le courage qu’il a fallu à cinquante-quatre femmes mayas pour briser le silence et dénoncer les viols subis pendant la guerre civile du Guatemala: « Il y avait l’armée qui asservissait les femmes mayas, tandis que la guérilla considérait normal que les femmes « servent «  les hommes qui servaient leur peuple. »

La parole, source de vie

« Taire leur viol, c’était taire leur histoire. Beaucoup de femmes disaient qu’elles se sentaient mortes. Quand elles ont commencé à parler, elles ont pris conscience que la loi aussi avait été violée. La honte s’est inversée. Les femmes ont comparé le fait de parler à l’image d’un fleuve qui emporte tout sur son passage. » Angelica utilise le terme de « dignifier » pour désigner ce processus intérieur : « Maintenant, ces femmes vivent moins dans la peur, osent exprimer leurs opinions et participent plus à la vie de la communauté. »

Un cri contre la fatalité qui rejoint celui des victimes de la violence conjugale, « le fléau le mieux partagé au monde » d’après Claudine Renard. « La violence, si tu te tais, elle te tue. » martèle la dernière campagne française contre les violences*. La France où une femme meurt tous les deux jours et demi** sous les coups de son compagnon.

Au terme de la conférence, Odile Delaye voit des pistes de travail se dégager : « C’est très intéressant de passer par l’international pour revenir à la situation ici. Il ne faut pas hésiter à se servir de l’expérience originale de nos partenaires. »

La gouvernance en débat

Lors de la soirée, les bénévoles expliquent qu’ils se sont interrogés sur leurs pratiques internes. Ils ont constaté que, dans certaines délégations, les hommes se retrouvent souvent aux fonctions politiques et d’orientation, alors que les femmes, qui portent fortement le travail quotidien du CCFD-Terre Solidaire, restent trop cantonnées à un rôle pratique. L’accès à la gouvernance se fait lentement, au Nord comme au Sud. Thierno Ba, directeur de l’USE au Sénégal, ménage cependant son effet : « Au Sénégal, nous venons d’adopter la parité absolue en politique. Les femmes doivent être représentées à 50 % » explique-t-il malicieusement. De quoi faire réfléchir la France où elles ne représentent encore, malgré une loi sur la parité, que 18,5 % des parlementaires…

« Nous nous rendons compte que ce serait bien de se former davantage sur ce thème, mais nous manquons d’outils. Par rapport à d’autres ONG, nous sommes un peu en retard sur ces questions. On ressent aussi une gêne au niveau de l’Église qui se méfie beaucoup de ce que les Anglo-Saxons appellent « l’approche genre », confie Odile.

Mais il est maintenant temps de partager le gâteau du 50eme anniversaire. Oups ! Aucune femme n’est là pour la photo officielle… Les femmes du CCFD-Terre Solidaire devraient-elles participer aux cours de leadership proposés par Acord ?

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