L’école de la démocratie locale en Casamance
L’enracinement du système démocratique au Sénégal percole en Casamance ! Mais le dialogue entre les autorités et la population est encore fragile. L’Association de solidarité internationale pour un développement social et urbain, bien connue en Casamance sous le nom de PACTE, innove pour consolider la réconciliation et la co-construction de la démocratie locale entre les élus et la société civile.
La décentralisation : condition de la bonne gouvernance
Marqués par des décennies de défiance à l’égard de l’Etat sénégalais, les Casamançais avaient fini par s’éloigner d’institutions locales jugées partiales, distantes et inefficaces. Mais l’inflexion démocratique advenue à Dakar en 2006, puis confirmée par l’alternance présidentielle de 2012, a ouvert une brèche dans le processus de décentralisation.
PACTE s’y est engouffré pour semer les germes de la bonne gouvernance à tous les échelons de la vie publique de Bignona et Ziguinchor, les deux principales villes de Casamance.
Les comités de quartier : maîtres d’œuvre de la concertation
L’instrument de cette percée démocratique ? Les Comités de quartier : 32 instances (6 à Bignona, 26 à Zinguinchor) mis en place pour que les habitants, en priorité ceux des quartiers défavorisés, puissent se faire entendre par les élus communaux et les fonctionnaires.
Maîtres d’œuvre de la concertation entre les citoyens et leurs édiles, les comités forment le noyau dur d’une démocratie participative source de transparence dans les affaires publiques. Ces instances, proches des réalités sociales, sont devenus des interlocuteurs légitimes. Le résultat est probant : élections de délégués dans chaque quartier, avancées sur le mode de collecte des taxes, construction des budgets participatifs communaux, choix des investissements collectifs… Les ferments de la gouvernance démocratique sont à l’œuvre.
L’ingénierie institutionnelle en action
Désormais, des protocoles d’accord fixent les cadres de cette concertation entre la population et les élus. Ils couronnent les ambitions de PACTE qui a mobilisé des ressources financières, humaines et méthodologiques.
Ainsi, le Fonds d’appui aux initiatives communautaires, auquel abonde le CCFD-Terre Solidaire, a permis en 2012 de consolider l’édifice institutionnel à plusieurs niveaux. En matière d’infrastructures, des espaces de réunions ont été mis à disposition des comités.
En matière de formation, des dizaines de membres ont maintenant des compétences en administration, en fiscalité et en participation citoyenne. Enfin, l’intercommunalité, elle aussi, est en bonne voie : les échanges de bonnes pratiques (collecte des déchets, construction de rues pavées …) entre quartiers et villes esquissent déjà les synergies à venir.
Au-delà du projet, le lien social
Derrière ce foisonnement de projets institutionnels pilotés par PACTE, c’est bien la reconstruction du lien social entre communautés qui est en jeu. Celle-ci passe naturellement par le développement durable des activités économiques : l’agriculture, la pêche et l’emploi des jeunes.
Sans oublier de sensibiliser un public plus large avec l’animation de l’émission « La tribune de la bonne gouvernance » qui permet aux acteurs associatifs, aux jeunes de se faire entendre sur des radios locales.
7 projets au Sénégal
Malgré un taux de croissance autour de 5% depuis cinq ans, le chômage dans les villes s’accroît et les paysans survivent grâce à l’argent des immigrés et aux aides internationales octroyées à un pays jugé stable. Présent au Sénégal depuis près de 40 ans, le CCFD-Terre Solidaire soutient prioritairement trois régions : la vallée du fleuve Sénégal, la Casamance et la Petite Côte. Il travaille notamment avec des associations de paysans, de pêcheurs, d’artisans et d’anciens migrants.
Trois questions à… Philippe Mayol, Responsable du service Afrique
Quels sont les impacts du travail de PACTE ?
Les espaces de concertation que Pacte arrive à créer sont des lieux de débat et de rencontres entre la population, les élus, les associations. Leur fonction ? Responsabiliser des communautés autour d’intérêts communs : l’aménagement territorial, la résolution des conflits, l’organisation de filières économiques…
Dans une région fragilisée par l’exode rural, le chômage, ces rendez-vous citoyens consolident l’édifice démocratique.
Comment se manifeste ici l’accompagnement du CCFD-Terre Solidaire ?
En premier lieu, nous inscrivons notre accompagnement dans la durée, car le long terme est un gage d’efficacité pour enrayer les causes de la pauvreté. Ensuite, en plus de notre appui financier, nous apportons une analyse critique pour perfectionner l’action opérationnelle menée par PACTE, notamment son coordinateur Ibrahim Ka.
La démocratie participative est-elle un luxe pour les pauvres ?
Du fait de leur pauvreté, il faudrait nier à ces personnes le droit d’être considérées comme des citoyens à part entière ? Bien au contraire, nous avons comme objectif de leur redonner de la dignité. Les comités de quartiers, comme ailleurs les organisations paysannes, apportent l’exemple d’une démocratie participative, in moto, où les individus s’organisent, trouvent collectivement des solutions aux enjeux locaux. Ils rendent possible l’exercice de la citoyenneté, un objectif commun à tous nos partenaires.
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